Premier poste de dépenses sociales, les pensions de vieillesse-survie représentent 13,5 % du produit intérieur brut (indicateur n°1-2) et près d’un quart des dépenses publiques. Le système de retraite assure le versement :
• des pensions de droit direct, de base et complémentaires, aux personnes qui ont acquis des droits au cours de leur carrière professionnelle ;
• des pensions de droit dérivé, aux conjoints survivants de personnes qui avaient acquis des droits propres ;
• de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), minimum social spécifique pour les personnes âgées.
En outre, les caisses de retraite développent une politique d’action sociale destinée à prévenir le risque de perte d’autonomie des personnes âgées.
Le nombre de retraités de droit direct de l’ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale atteint 17 millions en 2021, dont 8 millions d’hommes et 9 millions de femmes (indicateur n°1-8). En 2021, 4,4 millions de personnes perçoivent une pension de réversion (indicateur n°1-14).
Les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale présentent tous les ans les grands objectifs poursuivis par la sécurité sociale et permettent d’identifier les réussites mais également les marges de progrès ou les difficultés rencontrées.
Les indicateurs associés au présent rapport d’évaluation visent à illustrer la diversité de ces enjeux. Cinq objectifs majeurs sont ainsi distingués :
1/ assurer un niveau de vie adapté aux retraités et garantir la solidarité entre eux ;
2/ assurer l’équité du système de retraite ;
3/ augmenter progressivement la durée d’activité et accroître l’emploi des travailleurs âgés ;
4/ améliorer la connaissance des droits et faciliter l’accès aux prestations ;
5/ améliorer progressivement la situation financière de la branche.
Avant de présenter les résultats des indicateurs selon les cinq dimensions, cette synthèse revient sur les évolutions récentes en matière de retraite.
Le système de retraite repose sur un équilibre entre les actifs qui le financent et les retraités qui perçoivent les pensions. L’augmentation du nombre de retraités, plus forte que celle du nombre d’actifs, est susceptible d’entraîner un déséquilibre du système dans son état actuel. La loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 y répond, pour assurer l’équilibre financier de notre système par répartition. D’autres mesures sont également portées par cette loi pour renforcer la justice sociale et garantir l’équité.
Depuis 2014, la hausse de la durée d’assurance requise (DAR) pour un départ à la retraite à taux plein suit le rythme d’un trimestre toutes les trois générations, avec pour objectif d’atteindre 43 annuités pour la génération 1973, qui aura 62 ans en 2035, soit l’âge d’ouverture des droits (AOD).
La réforme de 2023 accélère le rythme de hausse de la DAR qui sera désormais d’un trimestre par génération, à partir de la génération née en septembre 1961, pour aboutir à l’objectif des 43 annuités dès la génération 1965, qui atteindra 62 ans en 2027. L’AOD est lui aussi progressivement relevé à partir du 1er septembre 2023, au même rythme (un trimestre par génération), pour arriver à un âge de 64 ans pour la génération 1968, laquelle atteindra cet âge en 2032. Par ailleurs, un âge de départ anticipé est introduit pour les personnes reconnues inaptes ou invalides, qui continueront de pouvoir partir dès 62 ans à taux plein. De même, les âges d’ouverture de droits des travailleurs exposés à l’amiante et des travailleurs en situation de handicap sont maintenus à respectivement 50 ans et 55 ans. De plus, la condition de durée effectivement cotisée pour les travailleurs handicapés est supprimée : seule la condition de justifier d’une durée d’assurance minimale est maintenue.
Ces mesures d’équilibre financier permettront des économies qui contribueront à redresser progressivement le solde de la branche vieillesse, mais également à financer de nouvelles mesures visant à faire progresser les droits des retraités et à améliorer la justice du système actuel. D’après le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) de juin 2023, il en résulterait un déficit de -0,2 % du PIB en 2030 pour le système de retraite dans son ensemble .
Afin de permettre aux personnes ayant commencé à travailler jeune et ayant eu une carrière complète de pouvoir partir plus tôt, le dispositif de départ anticipé pour « carrières longues » a été amélioré pour ajouter des âges supplémentaires de début d’activité permettant l’accès à au dispositif, ainsi que pour harmoniser la durée d’assurance requise pour tous les âges d’accès à ce dispositif. La réforme prévoit en particulier une prise en compte spécifique des assurés qui ont commencé à travailler avant les âges de 18 et de 21 ans (en plus des âges de 16 et 20 ans déjà existants auparavant), et la suppression du critère de durée cotisée majorée par rapport à la durée nécessaire pour le taux plein existant pour les départs avant 60 ans. L’objectif poursuivi est de limiter, en nombre comme en amplitude, les cas dans lesquels les assurés seraient contraints de cotiser plus de 43 annuités.
La réforme prévoit également une majoration sous conditions de la pension des assurés au titre de périodes travaillées jusqu’à un an avant l’âge légal. Les assurés qui auraient une retraite à taux plein à compter de 63 ans, et qui auraient validé au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance maternité ou au titre de l’éducation des enfants, pourront bénéficier d’une surcote allant jusqu’à 5% pour quatre trimestres travaillés au-delà de l’âge de 63 ans. D’autres mesures relatives aux droits familiaux figurent aussi dans la réforme de 2023. L’extension de la majoration de pension de 10% au régime de base des professions libérales en est un exemple, de même que la prise en compte des indemnités journalières pour maternité antérieures à 2012 dans le calcul de la pension de retraite au régime général et aux salariés agricoles.
La réforme prévoit par ailleurs une augmentation de 100 euros par mois du minimum contributif (MiCo) majoré, permettant d’attribuer une pension égale à 85 % du Salaire Minimum de Croissance (SMIC) aux salariés ayant travaillé tout au long de leur vie active à temps plein au SMIC. Pour les assurés déjà partis à la retraite, une mesure de revalorisation similaire a été adoptée pour permettre à environ 1,8 million de retraités de bénéficier d’une revalorisation de pension allant jusqu’à 100 € / mois.
Le dispositif de retraite progressive a, quant à lui, été universalisé pour l’étendre aux fonctionnaires, aux professions libérales et aux salariés des régimes spéciaux qui n’en bénéficiaient pas. L’accès à ce dispositif a également été simplifié : les demandes de passage au temps partiel seront présumées autorisées, et il incombera désormais à l’employeur de justifier une incompatibilité avec l’activité économique de l’entreprise pour refuser.
Le cumul emploi-retraite (CER) évolue également pour créer des droits supplémentaires. Avant la réforme, les assurés en CER versaient des cotisations sans amélioration de leur retraite. Dorénavant, le cumul emploi-retraite permettra de bénéficier d’une seconde pension à taux plein, pour les assurés qui ont décidé de reprendre une activité après leur départ à la retraite.
Enfin, plusieurs mesures ont été adoptées pour améliorer la justice et l’équité du système de retraite, notamment la suppression des régimes spéciaux pour les nouveaux embauchés de la RATP, des branches des industries électriques et gazières, de la Banque de France, des clercs de notaire et des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Les personnes nouvellement recrutées dans ces domaines d’activité seront désormais affiliées au régime général.
Antérieurement à la réforme, la loi n° 2022-1158 d’août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (dite « loi MUPPA ») a eu un effet sur les pensions des retraités. Compte tenu du contexte d’inflation dynamique en 2022, sans attendre l’échéance inscrite dans la loi d’une revalorisation au 1er janvier 2023, les pensions de retraite ainsi que l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ont fait l’objet d’une revalorisation anticipée de 4% appliquée rétroactivement à partir du 1er juillet 2022. A cette revalorisation anticipée s’est ajoutée une nouvelle revalorisation de 0,8% au 1er janvier 2023 conformément au droit commun, puis de 5,3 % au 1er janvier 2024.
Les objectifs du système de retraite français par répartition sont notamment de garantir un niveau de vie satisfaisant aux retraités et de veiller à la solidarité entre eux.
Un niveau de vie moyen des retraités élevé par rapport aux actifs proches de l’âge de la retraite
Le système de retraite vise à assurer un revenu de remplacement aux personnes âgées n’ayant plus de revenus d’activité. C’est la raison pour laquelle le taux de remplacement, c’est-à-dire le montant de la première pension rapporté à celui des derniers revenus d’activité, est un indicateur central.
En 2021, le montant moyen des pensions perçues par les générations récentes de retraités (âgées de 65 à 74 ans) s’établit à 62 % du montant moyen du revenu d’activité des personnes occupant un emploi et approchant de l’âge de la retraite (âgés de 55 à 59 ans, cf. indicateur n°2-1-1). Ce niveau relativement élevé contribue de façon décisive à ce que le niveau de vie global des retraités – incluant l’ensemble des ressources et tenant compte de la taille du ménage – reste équivalent à celui de l’ensemble de la population. En effet, en prenant en compte l’ensemble des revenus (revenus d’activité, pensions de retraite, revenus du patrimoine financier), les impôts directs, les prestations sociales et les charges de famille, le niveau de vie des retraités de plus de 65 ans est égal à celui de l’ensemble de la population, soit un ratio supérieur à celui des principaux pays européens (cf. graphique 1, indicateur n° 2-1-2). Par ailleurs, cet indicateur ne tient pas compte du fait que les retraités sont plus souvent propriétaires de leur logement et ont souvent, de ce fait, des charges de logement plus faibles.
Graphique 1 ● Revenu net moyen des plus de 65 ans rapporté au revenu net moyen de la population
Source : OCDE, données 2020
Une solidarité envers les retraités les plus modestes : ASPA et minimum contributif
Outre son rôle de remplacement des revenus d’activité, le système de retraite assure également une solidarité entre retraités, en particulier en faveur de ceux aux ressources les plus faibles.
Les retraités sont sous-représentés parmi les premiers déciles de niveau de vie. Bien qu’en progression, leur taux de pauvreté reste ainsi nettement inférieur à celui de l’ensemble de la population en 2021: 10,9% contre 14,5 % (indicateur n°2-3).
Le « minimum vieillesse » constitue le principal instrument pour réduire la pauvreté des personnes âgées. Fin 2021, 664 000 personnes bénéficient d'une allocation du minimum vieillesse - allocation supplémentaire du minimum vieillesse (qui n’est plus attribuée mais continue à être servie) ou allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) - soit une augmentation de 4,6 % par rapport à 2020 tous régimes de retraite confondus. Les revalorisations successives du montant de l’ASPA et des plafonds de ressources correspondants en 2018, 2019, et 2020 (décret
n° 2018-227 du 30 mars 2018) ont en effet entraîné une augmentation du nombre de personnes éligibles. La baisse des années antérieures s’expliquait quant à elle par l’arrivée à la retraite de cohortes validant des droits à la retraite en constante augmentation, notamment parmi les femmes et, plus mécaniquement, par le recul de l’âge légal de départ à la retraite (réformes de 2010 et de 2014) qui a limité le nombre de nouveaux retraités. Le non-recours à l’ASPA, aujourd’hui très élevé (il est estimé à 50 %) pourrait se réduire, à la fois en raison des actions ciblées des caisses de retraite et sous l’effet du relèvement du seuil de récupération sur succession de 39 000€ à 100 000€ prévu par la réforme des retraites de 2023. Par ailleurs, malgré l’assouplissement des règles de cumul pour les allocataires de l’ASPA en 2017, le recours à ce dispositif reste toutefois limité (indicateur n°1-13) avec seulement 6 900 allocataires en 2021(soit moins de 2 % des bénéficiaires de l’ASPA).
Les minima de pension des différents régimes (minimum contributif, minimum garanti et pension minimale de référence) permettent de majorer le montant de la retraite servie aux assurés qui réunissent les conditions nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein mais dont le montant est faible en raison d’une carrière modeste. Le minimum contributif est par ailleurs majoré pour les assurés ayant cotisé au moins 120 trimestres. Depuis septembre 2023, le minimum contributif majoré a augmenté de 100 euros (dont 25 euros pour le minimum contributif de base et 75 euros pour sa majoration) pour garantir un montant total de pension brut, de base et complémentaire, de 85 % du SMIC net (environ 1200 euros) pour les salariés ayant travaillé toute leur vie à temps plein au SMIC et liquidant leur retraite à taux plein.
Le système de retraites réduit en partie les écarts de carrière femmes-hommes et prend en compte les carrières longues
Un autre enjeu important de solidarité au sein du système de retraite réside dans la réduction des inégalités de revenus entre femmes et hommes. En 2021, la pension d’une femme issue de ses droits propres de retraite (droit direct, hors majoration pour enfants) reste inférieure en moyenne de 37 % à celle d’un homme (indicateur n°2-6). Le mécanisme de réversion, qui bénéficie majoritairement aux femmes, conduit à limiter la différence de pension totale à environ 25 %. Cet écart, qui a tendance à diminuer (cf. graphique 2), est d’abord le reflet des disparités pendant la vie active. En effet, les femmes ont en moyenne des rémunérations plus faibles et des carrières plus heurtées que les hommes en raison, dans ce dernier cas, d’interruptions dues à la maternité et à l’éducation des enfants, et d’un recours plus fréquent au temps partiel. Les règles de validation de trimestres au régime général atténuent toutefois les conséquences d’une activité à temps réduit sur les droits à la retraite (indicateur n°1-14).
Graphique 2 ● Écart de pension (droit direct) moyenne entre hommes et femmes
Source : Drees et indicateur 2-6.
Par ailleurs, le système de retraite français inclut plusieurs dispositifs dérogatoires permettant à certains assurés de partir avant de remplir les conditions d’âge et/ou de durée pour une retraite à taux plein. Le dispositif le plus répandu concerne les personnes ayant commencé à travailler tôt (retraite anticipée pour carrière longue, avec des départs dès 58 ans). Les travailleurs handicapés (à partir de 55 ans), ou en incapacité de travail du fait de leur activité (à partir de 60 ans), ainsi que ceux ayant été exposés à des métiers pénibles (à partir de 60 ans), peuvent liquider avant l’AOD. D’autre part, les salariés reconnus inaptes ou en invalidité peuvent liquider à taux plein dès l’atteinte de leur AOD (à partir de 2023, ils pourront partir dès 62 ans, soit avant le nouvel AOD). En 2022 par exemple, 255 000 nouveaux retraités de droit direct du régime général (y compris ex-indépendants), soit 36 % du total des nouveaux retraités de ce régime, sont partis en bénéficiant de l’un de ces dispositifs dérogatoires. Parmi eux, 51 % sont partis au titre de la retraite anticipée « carrières longues » et 46 % de la retraite pour inaptitude ou invalidité (indicateur n°1-16-1). Enfin, les assurés exerçant un métier de catégorie dite « active » dans la fonction publique et certains régimes spéciaux peuvent liquider leur pension dès 57 ans, voire dès 52 ans pour certains métiers.
Un système de retraite par répartition pose nécessairement la question de l’équité au sein des générations, entre les générations et particulièrement entre les hommes et les femmes qui connaissent des inégalités sur le marché du travail.
Pour les retraités résidant en France, la pension moyenne tous régimes de droit direct en équivalent carrière complète (EQCC) progresse de 15 % entre les générations 1930 et 1950 (de 1 410 à 1 620 euros). Au sein de la génération 1950, les retraités faisant partie des 10 % les moins aisés (1er décile) perçoivent moins de 51 % de ce montant moyen de pension (cette part s’élève à 46 % pour les femmes et 62 % pour les hommes, rapportés à la pension moyenne femmes et hommes confondus). Les inégalités de pension sont donc davantage marquées pour les femmes que pour les hommes. L’écart interdécile entre les 10 % des retraités au niveau de vie le plus élevé et les 10 % des retraités au niveau de vie le plus faible diminue lentement depuis 2010 ; il était alors de 3,2 et est passé à 2,9 en 2021 (indicateur n°2-4).
Les retraités ont connu au cours des 25 dernières années une érosion de leur pouvoir d’achat, d’autant plus importante que leur pension est élevée. Ainsi, étudié sur cas-type, le pouvoir d’achat d’un retraité non-cadre du secteur privé a diminué entre 5,0 % et 6,3 % selon les générations, entre l’année du départ à la retraite et 2024. Celui d’un retraité cadre né en 1937 a enregistré une baisse de 10,8 %. Cela s’explique principalement par les mécanismes d’indexation des pensions (y compris complémentaires) et par la hausse des prélèvements sociaux sur les retraités (notamment celle de la CSG depuis sa création au début des années 1990, cf. indicateur n°2-5).
Enfin, l’écart de pension brute moyenne entre femmes et hommes est de 450 euros par mois en 2021. La diminution globale des écarts de pensions femmes-hommes s’explique par un meilleur accès des femmes au marché du travail. D’après le COR, les écarts entre le montant moyen des pensions des femmes et des hommes devraient continuer de diminuer, atteignant 15 % en 2037 et 7,5 % à l’horizon 2070 (indicateur n°2-6).
L’orientation retenue dans la réforme des retraites de 2023 a consisté à privilégier, parmi les paramètres permettant d’atteindre l’équilibre financier à moyen et long terme, le levier de l’élévation de la durée effective d’activité des générations successives d’actifs. L’élévation de cette durée permet, au-delà de l’amélioration de l’équilibre financier de la branche retraite, une élévation structurelle du niveau d’activité à travers une augmentation du nombre d’actifs et une hausse des pensions de retraite.
Une augmentation de la durée d’activité liée à l’évolution des paramètres réglementaires (âge, durée) et aux dispositifs incitant à la prolongation de l’activité
Depuis 2010, l’augmentation de l’âge moyen de départ en retraite, atténuée auparavant par le déploiement des dispositifs de départs anticipés et par des effets de composition démographique, est désormais visible : au régime général, il s’établit à 63 ans en 2022 (soit 2 ans de plus qu’en 2008) et à 63,3 ans si l’on ne tient pas compte des départs anticipés (indicateur n°2-7). Suite aux différentes réformes, en particulier celles de 1993 et 2003, la durée d’assurance nécessaire pour une retraite à taux plein augmente depuis la génération 1949. A partir de la génération 1958, la durée d’assurance requise augmente d’un trimestre toutes les trois générations. Dans le cadre de la réforme de 2014, la loi prévoyait de poursuivre cette augmentation jusqu’à atteindre 172 trimestres à partir de la génération 1973. Malgré cette augmentation, les assurés de la génération 1954 ont validé en moyenne 81 % de la durée d’assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein, contre 59 % pour les assurés de la génération 1926 (indicateur n°2-8). Cette augmentation est plus sensible chez les femmes que chez les hommes en raison de la progression de l’activité féminine au fil des générations. Par ailleurs, la réforme des retraites de 2023 a procédé à une accélération de ce rythme pour aboutir à l’objectif d’une DAR de 172 trimestres en 2027 pour la génération 1965.
Au-delà de l’évolution des paramètres d’âge et de durée d’assurance, les dispositifs d’incitation à la prolongation d’activité ont également contribué à l’allongement de la durée d’activité. Ils entraînent soit une diminution de la pension en cas de départ en retraite avec une durée d’assurance inférieure à celle requise pour obtenir une pension à taux plein (décote), soit au contraire une augmentation de cette pension lorsque l’assuré retarde la liquidation de ses droits à retraite au-delà de l’âge auquel il réunit cette condition de durée (surcote). La proportion de pensions attribuées avec décote au régime général s’établit à 13,3 % en 2022 (indicateur n°1-18). La part des pensions attribuées au régime général avec surcote progresse depuis 2011, et atteint 17,1% en 2022.
D’autres dispositifs visent également à assouplir la transition entre l’activité et la retraite (indicateur n°1-17-1). Le cumul emploi-retraite a été « libéralisé » en 2009 pour les assurés ayant atteint l’âge légal de départ et totalisant la durée nécessaire à l’obtention du taux plein, ou ayant atteint l’âge automatique du taux plein, et qui ont liquidé l’ensemble de leurs droits à pension. Il concerne 441 000 assurés du régime général (exerçant une activité dans le secteur privé) en 2021. Le nombre de personnes cumulant emploi et retraite au sein du régime général a ainsi progressé de 38 % depuis 2010. Le cumul emploi-retraite ne permettait plus, sauf exceptions, d’acquérir des droits dans un nouveau régime, alors que cela était le cas lorsque l’assuré cumulait une retraite et une activité relevant du même régime. La réforme de 2023 permet désormais d’acquérir des droits supplémentaires.
La retraite progressive permet aux assurés (salariés, et non-salariés affiliés à la SSTI) ayant atteint 60 ans de liquider partiellement leurs droits à la retraite et de poursuivre une activité à temps partiel. Ce dispositif utilisé de façon marginale depuis sa création connaît une hausse importante des effectifs depuis 2015, suite à l’assouplissement de ses conditions d’accès. La réforme de 2023 relève l’âge d’accès à la retraite progressive à 62 ans. 31 900 assurés du régime général bénéficiaient de la retraite progressive en 2021 (indicateur n°1-17-2). Cette dernière a été étendue aux salariés ayant plusieurs employeurs depuis le 1er janvier 2018, aux salariés en convention de forfait en jours depuis le 1er janvier 2022 et aux fonctionnaires et aux professions libérales depuis le 1er septembre 2023.
Une progression de l’emploi des seniors
Une progression de l’emploi des seniors
En incitant les assurés à retarder l’âge de leur départ en retraite, la réforme vise non seulement à ralentir l’évolution des dépenses de retraite, mais également à accroître l’emploi des seniors, ou encore à soutenir la croissance économique et in fine à améliorer les recettes des régimes ainsi que les futures pensions. La mise en place de cette dynamique suppose toutefois que l’essentiel de la durée supplémentaire s’écoulant jusqu’au départ en retraite corresponde à des périodes travaillées pour les assurés. À cet égard, la proportion de personnes âgées de 55 à 64 ans qui occupent un emploi (indicateur n°2-9) constitue un indicateur significatif de la capacité de l’économie à maintenir les travailleurs âgés dans l’emploi (cf. graphique 3).
En 2023, près de 4 personnes de 60 à 64 ans sur 10 sont en emploi (indicateur n°2-9). Avec une progression du taux d'emploi de 25 points depuis 2003, l’évolution observée au cours des dernières années montre des signes indéniables d’amélioration, par ailleurs corrélées aux évolutions de la règlementation en matière de départ à la retraite. A cet égard, la réforme de 2023 permettra d’accentuer cette tendance pour que l’objectif de plein emploi se traduise également par le plein emploi des seniors.
Graphique 3 ● Taux d’emploi des personnes âgées
Source : Insee, enquêtes Emploi, calculs Dares.
Champ : France métropolitaine
Ces résultats positifs sont à mettre en regard du recul très significatif du nombre de dispositifs publics de cessation anticipée d’activité et de l’extinction de la dispense de recherche d’emploi pour les chômeurs de plus de 55 ans. Malgré une forte amélioration depuis 2003, le taux d’emploi des 60-64 ans reste inférieur à celui de la moyenne européenne en 2021 (38,9 % contre 50,9 % pour l’UE-27).
L’indicateur relatif à la proportion d’assurés du régime général qui valident un trimestre d’assurance effectivement cotisé durant l’année précédant la liquidation de leur retraite rend également compte de l’amélioration de la situation des travailleurs âgés vis-à-vis de l’emploi. Près de deux tiers des assurés du régime général partis à la retraite en 2022 étaient en situation d’emploi précédant leur année de départ en retraite. (indicateur n°2-10). Malgré ce résultat, il reste donc une forte marge de progression en vue de rendre plus fréquentes les transitions entre emploi et retraite sans passage par des périodes interstitielles de chômage ou d’inactivité.
La transition entre l’activité professionnelle et la retraite se traduit par une variation du revenu parfois importante, alors même que les assurés ne disposent pas toujours d’une information suffisante sur la constitution progressive de leurs droits à la retraite. Une bonne connaissance, par les assurés, de leurs droits à retraite est donc nécessaire, afin d’éclairer leurs choix en matière de transition emploi- retraite.
Le droit à l’information des assurés
L’information des assurés repose notamment sur l’envoi de documents les renseignant sur leurs droits à la retraite. Ainsi, 99 % des assurés âgés de 35, 40, 45 et 50 ans ont reçu, en 2023, le relevé individuel de situation (RIS) qui retrace leurs employeurs successifs, les droits acquis et les rémunérations afférentes, dans les différents régimes auxquels ils sont ou ont été affiliés (indicateur n°2-11). Depuis 2012, les assurés peuvent recevoir, à tout âge, ce relevé par voie électronique. Les assurés peuvent aussi consulter leur carrière et simuler leur retraite, sur le site www.info-retraite.fr, via les services Ma Carrière et Mon estimation retraite. Ces démarches ont porté en 2023 sur un nombre record de 25,5 millions de consultations carrières et 25,8 millions de simulations. A compter de 55 ans, puis tous les 5 ans jusqu’à la liquidation de la pension, une estimation indicative globale (EIG) du montant de la retraite à différents âges de départ est adressée aux assurés. En parallèle, un dispositif destiné aux personnes ayant au moins 45 ans offre la possibilité d’un entretien permettant, sur demande, de recevoir une information sur les droits à la retraite constitués ainsi qu’une estimation de la pension sous différentes hypothèses. Enfin, en 2022, plus de 13,8 millions d’assurés ont créé leur espace personnel sur www.lassuranceretraite.fr.
Le compte personnel de retraite en ligne
La création à l’automne 2016 d’un compte personnel de retraite en ligne, tel que prévu par la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites de 2014, a renforcé le droit à l’information. Conçu comme un point d’entrée unique pour les assurés et l’ensemble des régimes de retraite, il comporte les outils traditionnels du droit à l’information (RIS et EIG) qui sont immédiatement accessibles, ainsi qu’un outil de simulation globale du montant des pensions de retraite selon des hypothèses d’évolution de carrière professionnelle.
Il s’est enrichi depuis le 1er janvier 2019 de nouveaux services : la possibilité de rectifier ses données de carrière et d’effectuer une demande unique inter-régimes de retraite en ligne. Entre 2016 et fin 2023, 15,2 millions de comptes ont été ouverts en ligne (indicateur n°2-11). Depuis le 22 juillet 2020, un nouveau service inter-régimes de demande en ligne des pensions de réversion est accessible aux usagers depuis le site info-retraite.fr et les sites internet des régimes de retraites. Il permet d’effectuer en ligne et en une seule fois une demande de réversion auprès de tous les régimes de retraite.
Le non-recours concerne de façon générale toute personne qui pourrait prétendre à une prestation, mais n’en bénéficie pas, quelle qu’en soit la raison. Est mesuré ici le non-recours des assurés à leurs droits propres, c’est- à-dire les droits retraite acquis au cours de la carrière, essentiellement par des cotisations versées au titre de l’emploi. En rapprochant les données relatives aux cotisants et celles relatives aux retraités, la CNAV peut évaluer finement le nombre d’assurés concernés. Ainsi, parmi les assurés de la génération 1947 vivants à 70 ans et ayant acquis des droits à retraite au régime général, 11,2 % n’avaient pas fait valoir ces droits. Ce chiffre est en diminution depuis ; ils étaient moins de 10 % pour la génération 1950 (indicateur n°2-13).
Globalement, le solde de l’ensemble des régimes vieillesse de base a connu une dégradation sur la période 2017-2019 essentiellement portée par la CNAV. Le régime général représente globalement près de la moitié des sommes dépensées sur le champ de la retraite de base, soit une part bien moindre que pour les autres branches. Toutefois, par son poids dans les dépenses et recettes, le régime général détermine largement la trajectoire des comptes de l’ensemble des régimes de base. D’autant plus que parmi les autres régimes de base, nombreux sont ceux qui sont équilibrés soit à travers une intégration financière au régime général (MSA salariés), soit par une subvention d’équilibre (SNCF notamment).
En 2021, le déficit des régimes de base d’assurance vieillesse et du FSV a atteint 2,6 Md€, en nette amélioration par rapport au creux enregistré en 2020 (7,4 Md€) du fait de la crise. Le déficit est resté quasi-stable en 2022, atteignant 2,5 Md€ avant de se résorber légèrement en 2023 pour atteindre 1,4 Md€.
D’une part, les recettes des ROBSS vieillesse et du FSV ont progressé de 4,9 % en 2023, portés principalement par une croissance de la masse salariale dans le secteur privé de 5,7 %, dont les effets ont été atténués par les allègements généraux. D’autre part, les dépenses de la branche vieillesse et du FSV ont gardé leur dynamique en 2023 (+4,5 % après +5,1 % en 2022), tirées principalement par la revalorisation anticipée des pensions de retraite et de l’ASPA de 4 % en juillet 2022 dans le cadre de la loi MUPPA, et de leur revalorisation annuelle au 1er janvier 2023 de 0,8 %, pour une moyenne annuelle de 3,1 %.
Le solde des seuls régimes de base et du FSV atteindrait -10,8 Md€ à l’horizon 2027, qui est celui des projections de la LFSS pour 2024 (cf. graphique 4). Les mesures permettant le retour à l’équilibre portées par la LFRSS 2023 montent en effet progressivement en charge et l’horizon fixé par la réforme est celui de 2030. Par ailleurs, l’objectif de retour à l’équilibre porte sur l’ensemble des régimes des retraites et pas seulement sur les seuls régimes de base, les excédents des régimes complémentaires étant pris en compte dans l’analyse d’impact de la réforme.
Graphique 4 ● Solde de la branche vieillesse et du FSV
=
Source : CCSS 2024 pour comptes clôturés et LFSS 2024 pour prévisions
A plus long terme, les dernières projections du COR rendues publiques sont celles de son rapport de juin 2023. Ces projections, réalisées après la présentation de la réforme des retraites qui a été votée dans la LFRSS pour 2023, faisaient état d’une dégradation de la trajectoire sur le moyen long terme, avec un solde de -0,2 % du PIB sur le champ de l’ensemble des régimes de base et complémentaires en 2030 (indicateur n°2-15) .
Ce rapport évalue le système de retraite français à l’aune des principaux indicateurs associés aux cinq grands objectifs qui lui sont assignés.
S’agissant de l’objectif d’assurer un niveau de vie adapté aux retraités et de garantir la solidarité entre retraités, le système actuel remplit largement ses objectifs. Le niveau de vie des retraités atteint un niveau élevé en comparaison de nos voisins européens : 93 % comparé au niveau de vie de l’ensemble de la population. Le taux de pauvreté des retraités reste plus faible que pour le reste de la population. Les dispositifs de solidarité contribuent en effet à limiter la pauvreté des personnes âgées, que ce soient le minimum vieillesse, dont le montant a été revalorisé, les minima de pension ou la validation de trimestres au titre de périodes assimilées.
En matière de connaissance par les assurés de leurs droits à la retraite, des progrès importants sont réalisés progressivement, mais la complexité des règles et la multiplicité des régimes nuisent à la transparence d’ensemble du système.
Le système de retraite bénéficie de la poursuite de l’élévation du taux d’emploi des seniors. Ce dernier s’améliore en effet de façon sensible depuis 2008 et rattrape son retard par rapport à la moyenne des pays européens, sous l’effet notamment du recul de l’âge légal de départ à la retraite et de l’extinction de nombreux dispositifs de préretraite publics.
Si la dernière réforme du système de retraites a permis une amélioration des perspectives financières du système de retraites, les projections de moyen terme nécessitent néanmoins une attention continue.