Premier poste de dépenses sociales, les pensions de vieillesse-survie représentent 14 % du produit intérieur brut (indicateur n°1-2) et près d’un quart des dépenses publiques. Le système de retraite assure le versement :

des pensions de droit direct, de base et complémentaires, aux personnes qui ont acquis des droits au cours de leur carrière professionnelle ;
des pensions de droit dérivé, aux conjoints survivants de personnes qui avaient acquis des droits propres ;
de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), minimum social spécifique pour les personnes âgées.

En outre, les caisses de retraite développent une politique d’action sociale destinée à prévenir le risque de perte d’autonomie des personnes âgées.
Le nombre de retraités de droit direct de l’ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale atteint 17 millions en 2020, dont 8 millions d’hommes et 9 millions de femmes (indicateur n°1-8). En 2020, 4,3 millions de personnes perçoivent une pension de réversion (indicateur n°1-14).
Les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale présentent tous les ans les grands objectifs poursuivis par la sécurité sociale et permettent d’identifier les réussites mais également les marges de progrès ou les difficultés rencontrées.
Les indicateurs associés au présent rapport d’évaluation visent à illustrer la diversité de ces enjeux. Cinq objectifs majeurs sont ainsi distingués :

1/ assurer un niveau de vie adapté aux retraités et garantir la solidarité entre eux ;
2/ assurer l’équité du système de retraite ;
3/ augmenter progressivement la durée d’activité et accroître l’emploi des travailleurs âgés ;
4/ améliorer la connaissance des droits et faciliter l’accès aux prestations ;
5/ améliorer progressivement la situation financière de la branche.

Avant de présenter les résultats des indicateurs selon les cinq dimensions, cette synthèse revient sur les évolutions récentes en matière de retraite.
 

Evolutions récentes du système de retraite

Le système de retraite repose sur un équilibre entre les actifs qui le financent et les retraités qui perçoivent les pensions. L’augmentation du nombre de retraités, plus forte que celle du nombre d’actifs, est susceptible d’entraîner un déséquilibre du système dans son état actuel. La loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 y répond, pour assurer l’équilibre financier de notre système par répartition. D’autres mesures sont également portées par cette loi pour renforcer la justice sociale et garantir l’équité.
Depuis 2014, la hausse de la durée d’assurance requise (DAR) pour un départ à la retraite à taux plein, suit le rythme d’un trimestre toutes les trois générations, avec pour objectif d’atteindre 43 annuités pour la génération 1973, qui atteindra 62 ans en 2035. Couplée à un âge d’ouverture des droits (AOD) de 62 ans, il en résulte d’après le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) de septembre 2022 un déficit de 13,5 Md€ en 2030 pour le système de retraite dans son ensemble .
La réforme de 2023 accélère la hausse de la DAR qui s’élèvera au rythme d’un trimestre par génération, à partir de la génération née en septembre 1961, pour aboutir à l’objectif des 43 annuités dès la génération 1965, qui atteindra 62 ans en 2027. L’AOD sera également progressivement relevé à partir du 1er septembre 2023, au rythme d’un trimestre par génération, pour arriver à un âge de 64 ans pour la génération 1968, laquelle atteindra cet âge en 2032. Par ailleurs, un âge de départ anticipé est introduit pour les personnes reconnues inaptes ou invalides, qui continueront de pouvoir partir dès 62 ans à taux plein. De même, les âges d’ouverture de droits des travailleurs exposés à l’amiante et aux travailleurs en situation de handicap sont maintenus à 50 ans et 55 ans respectivement. De plus, la double condition de durée effectivement cotisée pour les travailleurs handicapés est supprimée : seule la condition d’avoir cotisé un nombre minimal de trimestres est maintenue, la condition cumulative de trimestres validés sera supprimée. 
Ces mesures d’équilibre financier permettront des économies qui contribueront à redresser progressivement le solde de la branche vieillesse, mais également à financer de nouvelles mesures visant à faire progresser les droits des retraités et à améliorer la justice du système actuel.
Afin de permettre à ceux ayant commencé à travailler jeune et eu une carrière complète de pouvoir partir plus tôt, le dispositif carrières longues a été amélioré pour rajouter plus d’âges de début d’activité permettant l’accès à ce dispositif, ainsi que pour harmoniser la durée d’assurance requise pour tous les âges d’accès à ce dispositif. La réforme prévoit en particulier une prise en compte spécifique des assurés qui ont commencé à travailler avant les âges de 18 et de 21 ans (en plus des âges de 16 et 20 ans déjà existants auparavant), et la suppression du critère de 45 années cotisées existant pour les départs avant 60 ans. L’objectif poursuivi est de limiter, en nombre comme en amplitude, les cas où les assurés seraient contraints de cotiser plus de 43 annuités et en tout état de cause de leur permettre de partir dès l’âge de départ anticipé atteint. 
La réforme prévoit également une majoration sous conditions de 5% de la pension des mères de familles au titre de périodes travaillées avant l’âge légal.  Les mères de famille qui auraient une retraite à taux plein à compter de 63 ans, et qui auraient validé au moins un trimestre maternité ou au titre de l’éducation des enfants, pourront bénéficier d’une surcote allant jusqu’à 5% pour quatre trimestres travaillés au-delà de l’âge de 63 ans, sans avoir à attendre l’âge légal, de 64 ans à terme. D’autres mesures relatives aux droits familiaux figurent aussi dans la réforme de 2023. L’extension de la majoration de pension de 10% au régime de base des professions libérales en est un exemple, de même que la prise en compte des indemnités journalières pour maternité d’avant 2012 dans le calcul de la pension de retraite au régime général. 
La réforme prévoit par ailleurs une augmentation de 100 euros par mois du minimum contributif (MiCo) majoré, permettant l’atteinte d’une pension égale à 85 % du Salaire Minimum de Croissance (SMIC) net à la liquidation pour les salariés ayant travaillé tout au long de leur vie active à temps plein au SMIC. Pour les assurés déjà partis à la retraite, une mesure de revalorisation similaire sera appliquée et permettre à environ 1,8 million de retraités de bénéficier d’une revalorisation de pension allant jusqu’à +100 € / mois.  
Le dispositif de retraite progressive, quant à lui, a été universalisé pour l’étendre aux fonctionnaires, aux professions libérales et aux salariés des régimes spéciaux qui n’en bénéficiaient pas. L’accès à ce dispositif a également été simplifié : les demandes de passage au temps partiel seront présumées   autorisées, et il incombera désormais à l’employeur de justifier une incompatibilité avec l’activité économique de l’entreprise. Le cumul emploi-retraite (CER) évolue également pour devenir désormais créateur de droits supplémentaires. Avant la réforme, les assurés en CER versaient des cotisations sans amélioration de leur retraite. Dorénavant, le cumul emploi-retraite permettra d’améliorer la pension des retraités à taux plein qui ont décidé de reprendre une activité après leur départ à la retraite.
S’agissant de l’usure professionnelle, le compte professionnel de prévention (C2P) sera étendu à au moins 60 000 salariés supplémentaires grâce à l’assouplissement des conditions d’accès : le seuil de travail de nuit passe de 120 à 100 nuits et le seuil de travail en équipes alternantes est abaissé de 50 à 30 nuits. Les points acquis augmenteront en nombre et en valeur, d’une part avec la suppression du plafond de 100 points qui pouvaient au maximum être accumulés au cours de la carrière, et une meilleure prise en compte de l’exposition simultanée à différents risques, et d’autre part avec la revalorisation de certains usages des points : 500 € pour une utilisation en formation au lieu de 375 € par point, 4 mois de mi-temps payé temps plein au lieu de 3 par tranche de 10 points, et à travers une meilleure prise en compte du C2P dans le calcul du montant de la retraite. Enfin, un nouvel usage du C2P a été créé pour financer un congé de reconversion professionnelle et éviter l’enfermement dans des métiers difficiles.
Au-delà du C2P, d’autre mesures ont été adoptées pour une meilleure prévention de l’usure professionnelle. Un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) doté de 1 Md€ jusqu’en 2027 a été créé pour mieux identifier, avec les branches professionnelles, les métiers exposés aux facteurs de risques ergonomiques, et pour financer avec les employeurs les actions de prévention et de reconversion. 
Enfin, plusieurs mesures ont été adoptées pour améliorer la justice et l’équité du système de retraite, notamment la suppression des régimes spéciaux pour les nouveaux embauchés de la RATP, des branches des industries électriques et gazières, de la Banque de France, des clercs de notaire, et des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui seront désormais affiliés au régime général.
Antérieurement à la réforme, la loi n° 2022-1158 d’août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (dite « loi MUPPA ») a également concerné les droits des retraités. Compte tenu du contexte d’inflation dynamique en 2022, sans attendre l’échéance inscrite dans la loi d’une revalorisation au 1er janvier 2023, les pensions de retraite ainsi que l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ont fait l’objet une revalorisation anticipée de 4% appliquée rétroactivement à partir du 1er juillet 2022. Déduction faite de cette revalorisation anticipée, la revalorisation légale qui est intervenue au 1er janvier 2023 a été de 0,8%.

Objectif n°1 : Assurer un niveau de vie adapté aux retraités et garantir la solidarité entre retraités

Les objectifs du système de retraite français par répartition sont notamment de garantir un niveau de vie satisfaisant aux retraités et de veiller à la solidarité entre eux.

 

 

Un niveau de vie médian des retraités élevé par rapport aux actifs proches de l’âge de la retraite

Le système de retraite vise à assurer un revenu de remplacement aux personnes âgées n’ayant plus de revenus d’activité. C’est la raison pour laquelle le taux de remplacement, c’est-à-dire le montant de la pension rapporté à celui des revenus d’activité, est un indicateur central.
En 2020, le montant médian des pensions perçues par les générations récentes de retraités (âgées de 65 à 74 ans) s’établit à 74 % du montant moyen du revenu d’activité des personnes occupant un emploi et approchant de l’âge de la retraite (âgés de 55 à 59 ans, cf. indicateur n°2-1-1). Ce niveau relativement élevé contribue de façon décisive à ce que le niveau de vie global des retraités – incluant l’ensemble des ressources et tenant compte de la taille du ménage – dépasse légèrement celui de l’ensemble de la population. En effet, en prenant en compte l’ensemble des revenus (revenus d’activité, pensions de retraite, revenus du patrimoine financier), les impôts directs, les prestations sociales et les charges de famille, le rapport des niveaux de vie entre les retraités de plus de 65 ans et l’ensemble de la population s’élève en France à un niveau élevé de 103 %, supérieur à celui des principaux pays européens (cf. graphique 1). Par ailleurs, cet indicateur ne tient pas compte   du fait que les retraités sont plus souvent propriétaires de leur logement.

 

Graphique 1 ● Revenu net moyen des retraités de plus de 65 ans rapporté au revenu net moyen dans une sélection de pays de l’OCDE en 2018

Source : OCDE, données 2018 ou dernière année disponible selon les pays.

 

Une solidarité envers les retraités les plus modestes : ASPA et minimum contributif

Outre son rôle de remplacement des revenus d’activité, le système de retraite assure également une solidarité entre retraités, en particulier en faveur de ceux aux ressources les plus faibles.
Les retraités sont sous-représentés parmi les premiers déciles de niveau de vie. Bien qu’en progression, leur taux de pauvreté reste ainsi très inférieur à celui de l’ensemble de la population en 2019 (dernières données disponibles) : 9,5 % contre 14,6 % (indicateur n°2-3).
Les minima de pension constituent le principal instrument pour réduire la pauvreté des personnes âgées. Fin 2020, 635 000 personnes bénéficient d'une allocation du minimum vieillesse - allocation supplémentaire du minimum vieillesse (qui n’est plus attribuée mais continue à être servie) ou allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) - soit une augmentation de 5,6 % par rapport à 2019 tous régimes de retraite confondus. Les revalorisations successives du montant de l’ASPA et des plafonds de ressources correspondants en 2018, 2019, et 2020 (décret n° 2018-227 du 30 mars 2018) ont en effet entraîné une augmentation du nombre de personnes   éligibles. La baisse des années antérieures s’expliquait quant à elle par l’arrivée à la retraite de cohortes validant des droits à la retraite en constante augmentation, notamment parmi les femmes et, plus mécaniquement, par le recul de l’âge légal de départ à la retraite (réformes de 2010 et de 2014) qui a limité le nombre de nouveaux retraités. Le non-recours élevé à l’ASPA (potentiellement de l’ordre de 50%) pourrait se réduire, à la fois en raison des actions ciblées des caisses de retraite, et par le relèvement du seuil de récupération sur succession de 39 000€ à 100 000€ prévu par la réforme des retraites.
Les minima de pension des différents régimes (minimum contributif, minimum garanti et pension minimale de référence) permettent de majorer le montant de la retraite servie aux assurés qui réunissent les conditions nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein mais dont le montant est faible en raison d’une carrière salariale modeste. Le minimum contributif est par ailleurs majoré pour les assurés ayant cotisé au moins 120 trimestres. A partir de septembre 2023, le minimum contributif majoré augmentera de 100 euros (dont 25 euros d’augmentation du minimum contributif de base, et 75 euros d’augmentation de sa majoration) pour garantir un montant total de pension brut, de base et complémentaire, à 85% du SMIC net (environ 1200 euros brut) pour les salariés ayant travaillé toute leur vie à temps plein au SMIC et liquidant donc leur retraite au taux plein.

 

 

Le système de retraites réduit en partie les écarts de carrière femmes-hommes et prend en compte les carrières longues

Un autre enjeu important de solidarité au sein du système de retraite réside dans la réduction des inégalités de revenus entre femmes et hommes. En 2019, la pension d’une femme issue de ses droits propres de retraite (droit direct, hors majoration pour enfants) reste inférieure en moyenne de 37 % à celle d’un homme (indicateur n°2-5). Le mécanisme de réversion, qui bénéficie majoritairement aux femmes, conduit à limiter cette différence à environ 24%. Cet    écart, qui    a    tendance    à    diminuer (cf. graphique 2), est d’abord le reflet des disparités pendant la vie active. En effet, les femmes ont en moyenne des rémunérations plus faibles et des carrières plus heurtées que les hommes en raison, dans ce dernier cas, d’interruptions dues à la maternité et à l’éducation des enfants, et d’un recours plus fréquent au temps partiel. Les règles de validation de trimestres au régime général atténuent toutefois les conséquences d’une activité à temps réduit sur les droits à la retraite (indicateur n°1-14).

 

Graphique 2 ● Écart de pension (droit direct) moyenne entre hommes et femmes

Source : Drees et indicateur 2-6.

Par ailleurs, le système de retraite français inclut plusieurs dispositifs dérogatoires permettant à certains assurés de partir avant de remplir les conditions d’âge et/ou de durée pour une retraite à taux plein. Le dispositif le plus répandu concerne les personnes ayant commencé à travailler tôt (retraite anticipée pour carrière longue, avec des départs dès 58 ans). Les travailleurs handicapés (à partir de 55 ans), ou en incapacité de travail du fait de leur activité (à partir de 60 ans), ainsi que ceux ayant été exposés à des métiers pénibles (à partir de 60 ans), peuvent liquider avant l’AOD. D’autre part, les salariés reconnus inaptes ou en invalidité peuvent liquider à taux plein dès l’atteinte de leur AOD (à partir de 2023, ils pourront partir dès 62 ans, soit avant le nouvel AOD). En 2020 par exemple, 256 000 nouveaux retraités de droit direct du régime général (y compris ex-indépendants), soit 40 % du total des nouveaux retraités de ce régime, sont partis en bénéficiant de l’un de ces dispositifs dérogatoires. Parmi eux, 53 % sont partis au titre de la retraite anticipée « carrières longues » et 42 % de la retraite pour inaptitude ou invalidité (indicateur n°1-16-1). Enfin, les assurés exerçant un métier de catégorie dite « active » de la fonction publique et de certains régimes spéciaux, peuvent liquider leur pension dès 57 ans, voire dès 52 ans pour certains métiers.

Objectif n°2 : Assurer l’équité du système de retraite

Un système de retraite par répartition pose nécessairement la question de l’équité au sein des générations, entre les générations et particulièrement entre les hommes et les femmes qui connaissent des inégalités sur le marché du travail.
Pour les retraités résidant en France, la pension moyenne tous régimes de droit direct en équivalent carrière complète (EQCC) progresse de 15 % entre les générations 1930 et 1950 (de 1 410 à 1 620 euros). Au sein de la génération 1950, les retraités faisant partie des 10 % les moins aisés (1er décile) perçoivent moins de 51 % de ce montant moyen de pension (cette part s’élève à 46 % pour les femmes et 62 % pour les hommes, rapportés à la pension moyenne femmes et hommes confondus). Les inégalités de pension sont donc davantage marquées pour les femmes que pour les hommes. L’écart interdécile entre les 10 % des retraités au niveau de vie le plus élevé et les 10 % des retraités au niveau de vie le plus faible diminue lentement depuis 2010 ; il était alors de 3,2 et est de 2,9 en 2019 (indicateur n°2-4).
Les retraités ont connu au cours des 25 dernières années une érosion de leur pouvoir d’achat, d’autant plus importante que leur pension est élevée. Ainsi, étudié sur cas type, le pouvoir d’achat d’un retraité non-cadre du secteur privé a diminué entre 4 et 5 % selon les générations, entre l’année du départ à la retraite et 2021. Celui d’un retraité cadre né en 1932 a enregistré une baisse de 15,5 %. Cela s’explique principalement par les mécanismes d’indexation des pensions (y compris complémentaires) et par la hausse des prélèvements sociaux sur les retraités (notamment celle de la CSG depuis sa création au début des années 1990, cf. indicateur n°2-5).
Enfin, l’écart de pension brute moyenne entre femmes et hommes est de 450 euros par mois en 2020. La diminution globale des écarts de pensions femmes-hommes s’explique par un meilleur accès des femmes au marché du travail. D’après le COR, les écarts entre le montant moyen des pensions des femmes et des hommes devraient continuer de diminuer, atteignant 15 % en 2037 et 7,5 % à l’horizon 2070 (indicateur n°2-6).

 

Objectif n°3 : Augmenter progressivement la durée d’activité et améliorer l’emploi des travailleurs âgés

L’orientation retenue dans la réforme des retraites de 2023 a consisté à privilégier, parmi les paramètres permettant d’atteindre l’équilibre financier à moyen et long terme, le levier de l’élévation de la durée effective d’activité des générations successives d’actifs. L’élévation de cette durée permet au-delà de l’amélioration de l’équilibre financier de la branche retraite, une élévation structurelle du niveau d’activité à travers une augmentation du nombre d’actifs et une hausse des pensions de retraite.

 

Une augmentation de la durée d’activité liée à l’évolution des paramètres réglementaires (âge, durée) et aux dispositifs incitant à la prolongation de l’activité

Depuis 2010, l’augmentation de l’âge moyen de départ en retraite, masquée auparavant par le déploiement des dispositifs de départs anticipés et par des effets de composition démographique, est désormais visible : au régime général, il s’établit à 63 ans en 2021 (soit 2 ans de plus qu’en 2008) et à 63,2 ans si l’on ne tient pas compte des départs anticipés (indicateur n°2-7). Suite aux différentes réformes, en particulier celles de 1993 et 2003, la durée d’assurance nécessaire pour une retraite à taux plein augmente depuis la génération 1949. A partir de la génération 1958, la durée d’assurance requise augmente d’un trimestre toutes les trois générations. Dans le cadre de la réforme de 2014, la loi prévoyait de poursuivre cette augmentation jusqu’à atteindre 172 trimestres à partir de la génération 1973. Malgré cette augmentation, les assurés de la génération 1954 ont validé en moyenne 81 % de la durée d’assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein, contre 59 % pour les assurés de la génération 1926 (indicateur n°2-8). Cette augmentation est plus sensible chez les femmes que chez les hommes en raison de la progression de l’activité féminine au fil des générations.
Au-delà de l’évolution des paramètres d’âge et de durée d’assurance, les dispositifs d’incitation à la prolongation d’activité ont également contribué à l’allongement de la durée d’activité. Ils entraînent soit une diminution de la pension en cas de départ en retraite avec une durée de cotisation inférieure à celle requise pour obtenir une pension à taux plein (décote), soit au contraire une augmentation de cette pension lorsque l’assuré retarde la liquidation de ses droits à retraite au-delà de l’âge auquel il réunit cette condition de durée (surcote). La proportion de pensions attribuées avec décote au régime général s’établit à 12,9 % en 2020 soit 4,4 points de plus qu’en 2010 (indicateur n°1-18). La part des pensions attribuées avec surcote progresse depuis 2011, et atteint 16,6 % en 2021.
D’autres dispositifs visent également à assouplir la transition entre l’activité et la retraite (indicateur n°1-17-1). Le cumul emploi-retraite a été « libéralisé » en 2009 pour les assurés ayant atteint l’âge légal de départ et totalisant la durée nécessaire à l’obtention du taux plein, ou ayant atteint l’âge automatique du taux plein, et qui ont liquidé l’ensemble de leurs droits à pension. Il concerne 431 000 assurés du régime général (exerçant une activité dans le secteur privé) en 2020. Le nombre de personnes cumulant emploi et retraite au sein du régime général a ainsi progressé de 56 % depuis 2009. Le cumul emploi-retraite ne permettait plus, sauf exceptions, d’acquérir des droits dans un nouveau régime, comme cela était déjà le cas lorsque l’assuré cumulait une retraite et une activité relevant du même régime. La réforme de 2023 permettra d’acquérir des droits supplémentaires. Par ailleurs, malgré l’assouplissement des règles de cumul pour les allocataires de l’ASPA en 2017, le recours à ce dispositif reste toutefois limité (indicateur n°1-13) avec près de 6 200 allocataires (soit moins de 2 %), 
La retraite progressive permet aux assurés (salariés, et non-salariés affiliés à la SSTI) ayant atteint 60 ans de liquider partiellement leurs droits à la retraite et de poursuivre une activité à temps partiel. Ce dispositif utilisé de façon marginale depuis sa création connaît une hausse importante des effectifs depuis 2015, suite à l’assouplissement de ses conditions d’accès. La réforme de 2023 relève l’âge d’accès à la retraite progressive à 62 ans. 31 000 personnes du régime général bénéficiaient de la retraite progressive en 2020 (indicateur n°1-17-2). Cette dernière a été étendue aux salariés ayant plusieurs employeurs à compter du 1er janvier 2018, aux salariés en convention de forfait en jours depuis le 1er janvier 2022, et sera étendue aux fonctionnaires et aux professions libérales à partir du 1er septembre 2023 afin d’assurer une égalité de traitement, à niveau d’activité comparable, entre assurés relevant de différents employeurs.

 

 

Une progression de l’emploi des seniors 

En incitant les assurés à retarder l’âge de leur départ en retraite, la réforme vise non seulement à ralentir l’évolution des dépenses de retraite, mais également à accroître l’emploi des seniors, ou encore à soutenir la croissance économique et in fine à améliorer les recettes des régimes ainsi que les futures pensions. La mise en place de cette dynamique suppose toutefois que l’essentiel de la durée supplémentaire s’écoulant jusqu’au départ en retraite corresponde à des périodes travaillées pour les assurés. À cet égard, la proportion de personnes âgées de 55 à 64 ans qui occupent un emploi (indicateur n°2-9) constitue un indicateur significatif de la capacité de notre économie à   maintenir   les   travailleurs    âgés    dans    l’emploi (cf. graphique 3).
En 2021, un tiers des 60-64 ans sont en emploi (indicateur n°2-9). Avec une progression du taux d'emploi des 55-64 ans de 18 points depuis 2003, l’évolution observée au cours des dernières années montre des signes indéniables d’amélioration, par ailleurs corrélées aux évolutions de la règlementation en matière de départ à la retraite. A cet égard, la réforme de 2023 permettra d’accentuer cette tendance pour que l’objectif de plein emploi se traduise également par le plein emploi des seniors.

 

Graphique 3 ● Taux d’emploi des personnes âgées

Source : Insee, enquêtes Emploi, calculs Dares. 
Champ : France métropolitaine

Ces résultats positifs sont à mettre en regard du recul très significatif du nombre de dispositifs publics de cessation anticipée d’activité et de l’extinction de la dispense de recherche d’emploi pour les chômeurs de plus de 55 ans. Malgré une forte amélioration depuis 2003, le taux d’emploi des 60-64 ans reste inférieur à celui de la moyenne européenne en 2021 (35,5 % contre 46,4 % pour l’UE-27). 
L’indicateur relatif à la proportion d’assurés du régime général qui valident un trimestre d’assurance effectivement cotisé durant l’année précédant la liquidation de leur retraite rend également compte de l’amélioration de la situation des travailleurs âgés vis-à-vis de l’emploi. 57 % des assurés du régime général partis à la retraite en 2020 ont une présomption d’emploi dans les mois précédant le départ en retraite, contre 45 % en 2007 (indicateur n°2-10).  Malgré cette amélioration, il reste donc une forte marge de progression en vue de rendre plus fréquentes les transitions entre emploi et retraite sans passage par des périodes interstitielles de chômage ou d’inactivité.

 

Objectif n°4 : Améliorer la connaissance par les assurés de leurs droits à la retraite

La transition entre l’activité professionnelle et la retraite se traduit par une variation du revenu parfois importante, alors même que les assurés ne disposent pas toujours d’une information suffisante sur la constitution progressive de leurs droits à la retraite. Une bonne connaissance, par les assurés, de leurs droits à retraite est donc nécessaire, afin d’éclairer leurs choix en matière de transition emploi- retraite.

 

 

Le droit à l’information des assurés

L’information des assurés repose notamment sur l’envoi de documents   les renseignant sur leurs droits à la retraite. Ainsi, 99 % des assurés âgés de 35, 40, 45 et 50 ans ont reçu, en 2021, le relevé individuel de situation (RIS) qui retrace leurs employeurs successifs, les droits acquis et les rémunérations afférentes, dans les différents régimes auxquels ils sont ou ont été affiliés (indicateur n°2-11). Depuis 2012, les assurés peuvent recevoir, à tout âge, ce relevé par voie électronique : près de 3,8 millions de RIS électroniques ont été envoyés en 2020. A compter de    55 ans, puis tous les 5 ans jusqu’à la liquidation de la pension, une estimation indicative globale (EIG) du montant de la retraite à différents âges de départ est adressée aux assurés. En parallèle, un dispositif destiné aux personnes ayant au moins 45 ans offre la possibilité d’un entretien permettant, sur demande, de recevoir une information sur les droits à la retraite constitués ainsi qu’une estimation de la pension sous différentes hypothèses. Enfin, plus de 10 millions d’assurés ont créé leur espace personnel sur www.lassuranceretraite.fr.

Le droit à l’information a ainsi évolué dans le sens de l’amélioration de la lisibilité des droits à retraite par les assurés, mais des marges de progression subsistent encore, en particulier pour certaines catégories d’assurés, tels les polypensionnés.
 

 

 

Le compte personnel de retraite en ligne

La création à l’automne 2016 d’un compte personnel de retraite en ligne, tel que prévu par la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites de 2014, a renforcé le droit à l’information. Conçu comme un point d’entrée unique pour les assurés et l’ensemble des régimes de retraite, il comporte les outils traditionnels du droit à l’information (RIS et EIG) qui sont immédiatement accessibles, ainsi qu’un outil de simulation globale du montant des pensions de retraite selon des hypothèses d’évolution de carrière professionnelle.
Il s’est enrichi depuis le 1er janvier 2019 de nouveaux services : la possibilité de rectifier ses données de carrière et d’effectuer une demande unique inter-régimes de retraite en ligne. Entre 2016 et fin 2020, 8,2 millions de comptes ont été ouverts en ligne (indicateur n°2-11). Depuis le 22 juillet 2020, un nouveau service inter-régimes de demande en ligne des pensions de réversion est accessible aux usagers depuis le site info-retraite.fr et les sites internet des régimes de retraites. Il permet d’effectuer en ligne et en une seule fois une demande de réversion auprès de tous les régimes de retraite.
Le non-recours concerne de façon générale toute personne qui pourrait prétendre à une prestation, mais n’en bénéficie pas, quelle qu’en soit la raison. Est mesuré ici le non-recours des assurés à leurs droits propres, c’est- à-dire les droits retraite acquis au cours de la carrière, essentiellement par des cotisations versées au titre de l’emploi. En rapprochant les données relatives aux cotisants et celles relatives aux retraités, la CNAV peut évaluer finement le nombre d’assurés concernés. Ainsi, parmi les assurés de la génération 1947 vivants à 70 ans et ayant acquis des droits à retraite au régime général, 11,2 % n’avaient pas fait valoir ces droits. Ce chiffre est en   diminution depuis ; ils étaient moins de 10 % pour la génération 1950 (indicateur n°2-13).

 

Objectif n°5 : Améliorer progressivement la situation financière de la branche

En 2021, le déficit des régimes de base vieillesse et du FSV a atteint 2,6 Md€, en nette amélioration par rapport au creux   enregistré en 2020 (7,4 Md€) du fait de la crise. Le déficit est resté quasi-stable en 2022, atteignant 2,5 Md€. D’une part, les recettes des ROBSS vieillesse et du FSV ont progressé de 4,1 % en 2022, portés principalement par une croissance de la masse salariale dans le privé de 8,7 %, croissance dont les effets ont été atténués par les allègements généraux. Côté dépense, les pensions de retraite ainsi que l’ASPA ont été revalorisées de 1,1% en janvier 2022, puis de 4% en juillet 2022 à travers la loi MUPPA.   
Globalement, le solde de l’ensemble des régimes vieillesse de base a connu une dégradation sur la période 2017-2019 essentiellement portée par la CNAV. Le  régime général représente globalement près de la moitié des sommes dépensées sur le champ de la retraite de base, soit une part bien moindre que pour les autres branches. Toutefois, par son poids dans les dépenses et recettes, le régime général détermine largement la trajectoire des comptes de l’ensemble des régimes de base. D’autant plus que parmi les autres régimes de base, nombreux sont ceux équilibrés soit à travers une intégration financière au régime général (MSA salariés), soit par une subvention d’équilibre (SNCF notamment, cf. indicateur n°2-14).
Le solde des seuls régimes de base et du FSV atteindrait -11,3 Md€ à l’horizon 2026, qui est celui des projections de la LFRSS pour 2023 comme illustré dans le graphique 4. Les mesures permettant le retour à l’équilibre portées par la LFRSS montent en effet progressivement en charge et l’horizon fixé par la réforme est celui de 2030. Par ailleurs, l’objectif de retour à l’équilibre est un objectif sur l’ensemble des régimes des retraites et pas seulement sur les régimes de base, les régimes complémentaires projetant des excédents à cet horizon.

 

Graphique 4 ● Solde de la branche vieillesse et du FSV

Source : CCSS 2023 pour comptes clôturés et LFRSS 2023 pour prévisions
P : prévisions

A plus long terme, les dernières projections du COR ont été rendues publiques en septembre 2022 . Ces projections, réalisées avant la présentation de la réforme des retraites qui a été votée dans la LFRSS pour 2023 depuis, faisaient état d’une perspective d’équilibre financier qui irait en se dégradant sur le moyen long terme, avec un solde de -13,5 Md€ sur le champ de l’ensemble des régimes de base et complémentaires en 2030 . Les mesures d’âge portées par la LFRSS ainsi que les mesures d’accompagnement qui y ont été retenues permettront un retour progressif à l’équilibre du système de retraite. Le COR présentera son nouveau rapport avant l’été 2023, postérieurement à la finalisation de la présente annexe.

 

Conclusion

Ce rapport évalue le système de retraite français à l’aune des principaux indicateurs associés aux cinq grands objectifs qui lui sont assignés.
S’agissant de l’objectif d’assurer un niveau de vie adapté aux retraités et de garantir la solidarité entre retraités, le système actuel remplit globalement ses objectifs. Le niveau de vie des retraités atteint un niveau élevé en comparaison de nos voisins européens : 100 % comparé au niveau de vie de la population. Le taux de pauvreté des retraités reste plus faible que pour le reste de la population. Les dispositifs de solidarité contribuent en effet à limiter la pauvreté des personnes âgées, que ce soient le minimum vieillesse, dont le montant a été revalorisé, les minimas de pension ou la validation de trimestres au titre de périodes assimilées.
En matière de connaissance par les assurés de leurs droits à la retraite, des progrès importants ont été réalisés au cours des dernières années, mais la complexité des règles et la multiplicité des régimes nuisent à la transparence d’ensemble du système.
Le système de retraite bénéficie de la poursuite de l’élévation du taux d’emploi des seniors. Ce dernier s’améliore en effet de façon sensible depuis 2008 et rattrape son retard par rapport à la moyenne des pays européens, sous l’effet notamment du recul de l’âge légal de départ à la retraite et de l’extinction de nombreux dispositifs de préretraite publics

 

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