Objectif n°3 : Augmenter progressivement la durée d’activité et accroître l’emploi des travailleurs âgés
Les réformes de 2003, 2010 et 2014, visant à préserver l’équilibre financier du système de retraite, ont conduit, par l’allongement de la durée d’assurance ou le recul des âges légaux de la retraite, à la hausse de l’âge effectif de départ à la retraite. La réforme de 2023 agit sur les deux leviers de la durée et de l’âge légal, concourant au même objectif. Cet indicateur examine les évolutions de l’âge effectif moyen de départ à la retraite, par année de départ. A l’avenir, la réforme de 2023 aura vraisemblablement des effets similaires à ceux observés pour d’autres réformes : hausse de l’âge moyen conjoncturel, hausse à terme de l’âge de départ effectif, évolution « accidentée » de ce dernier à court terme.
retraite L’allongement de la durée d’assurance requise n’implique pas un décalage de même ampleur de l’âge moyen de départ en retraite, notamment en raison de la possibilité de départs dérogatoires à l’âge légal d’ouverture des droits, sans la durée d’assurance requise, par exemple pour inaptitude. De même, l’augmentation des bornes d’âges ne génère pas une hausse identique de l’âge moyen de départ, tous les assurés ne décalant pas, ou pas autant, leur retraite.
L’âge moyen de départ en retraite dépend fortement de la démographie et doit, par conséquent, être interprété avec précaution. Ainsi, l’arrivée en 2006 à l’âge de 60 ans de la première génération nombreuse de l’après-guerre abaisse, toutes choses égales par ailleurs, l’âge moyen de départ. Il s’agit là d’un effet de structure, avec une cohorte plus importante susceptible de partir en retraite à 60 ans.
L’âge moyen est également lié aux paramètres législatifs et réglementaires. Ainsi, l’ouverture du dispositif retraite anticipée pour longues carrières en 2004, ou ses assouplissements en 2010, 2012 et 2014, ont un effet à la baisse sur l’âge moyen de départ.
Enfin, l’âge effectif de départ à la retraite n’est pas toujours celui de la sortie du marché du travail. Les différents types de cessation précoce d’activité (comme les préretraites) ou l’invalidité en fin de carrière, conduisent à ce que le premier soit, en moyenne, plus élevé que le second, cela malgré les dispositifs permettant de cumuler l’exercice d’un emploi et la perception d’une pension de retraite (cf. indicateur n°1-17-1).
L’âge moyen de départ à la retraite au Régime général est de 63 ans en 2022. Corrigé des retraites anticipées, il est de 63,3 ans cette année-là. Il a globalement augmenté depuis le début des années 2000. Les hommes partent en retraite plus tôt que les femmes. En effet, leurs carrières sont en moyenne plus complètes, si bien qu’ils remplissent plus jeunes les conditions pour bénéficier d’une pension à taux plein. À l’opposé, un nombre important de femmes part après l’âge d’annulation de la décote afin d’obtenir le taux plein par l’âge (la réforme des retraites de 2010 repousse progressivement de 65 à 67 ans l’âge permettant d’acquérir le taux plein, cet effet débutant en 2016), qui leur ouvre, en fonction du niveau de leur pension de base, le droit au minimum contributif.
Graphique 1 ● Âge moyen de départ et âge moyen de départ corrigé des retraites anticipées, au régime général
(p) : prévision
Remarque : Entre 2004 et 2019, sont comptabilisés les retraités anciens travailleurs salariés. A partir de 2020* sont comptabilisés les retraités anciens travailleurs salariés et indépendants
Source : CNAV.
Au régime général, la création de la retraite anticipée pour carrières longues en 2004 a fait baisser l’âge moyen des départs en retraite lors de sa mise en place. Cette baisse a été plus marquée pour les hommes, qui en étaient les principaux bénéficiaires (plus de 85 % des assurés bénéficiaires au régime général).
L’âge moyen de départ en retraite des anciens travailleurs salariés augmente ensuite régulièrement depuis 2008 : il est passé de 61 ans en 2008 à 62,8 ans en 2019 . Cette évolution s’explique par la combinaison de plusieurs facteurs, notamment les dispositifs de retraite anticipée, les politiques de relèvement de l’âge légal de départ à la retraite et les effets de structure démographique. Entre 2020 et 2022, l’âge moyen des retraités anciens travailleurs salariés et indépendants continue d’augmenter et passe de 62,7 ans à 63 ans (cf. Graphique 1).
Plus précisément, le durcissement des conditions pour un départ anticipé, appliqué à partir de 2009, a conduit à une réduction du nombre de nouveaux retraités de moins de 60 ans (cf. Indicateur n°1 16 1), induisant une hausse de l’âge moyen de départ. Certains assurés ont reporté leur départ à 2010, ce qui explique le rebond du nombre de départs anticipés cette année-là, et donc la légère baisse de l’âge moyen. A partir de 2010 les assouplissements successifs de la retraite anticipée ont atténué la hausse de l’âge moyen de départ en retraite, qui est imputable à d’autres facteurs.
Afin d’étudier l’évolution de l’âge de départ à la retraite indépendamment de ces changements dans le dispositif RACL, l’âge moyen de départ en retraite est corrigé des retraites anticipées : il est calculé en réaffectant à l’âge légal les départs antérieurs à celui-ci, et permet d’illustrer l’impact de ces autres facteurs (cf. Graphique 1 – courbes pleines). Cet indicateur a connu une légère tendance à la baisse avant 2010 avant de croître à partir de 2011 pour atteindre 63,1 ans en 2019 pour les retraités anciens travailleurs salariés. Entre 2020 et 2022, l’âge moyen de départ en retraite, corrigé des retraites anticipées, continue d’augmenter et passe de 63,1 ans à 63,3 ans pour les retraités anciens travailleurs salariés et indépendants.
La baisse entre 2004 et 2010 s’explique par un effet de structure démographique : la génération 1946, très nombreuse par rapport aux générations précédentes, arrive à l’âge de la retraite. Inversement, l’importante hausse de l’âge moyen à partir de 2011 s’explique en partie par l’atteinte de l’âge d’attribution automatique du taux plein de 65 ans par cette même génération, entraînant une déformation de la structure par âge des départs (hausse de la part des assurés partant à 65 ans).
L’accroissement de l’âge moyen depuis 2011 est également dû à la réforme de 2010, qui a repoussé l’âge légal de départ. Cette réforme modifie la structure des départs une fois atteinte sa pleine montée en charge : tous les départs entre 60 et 62 ans se font nécessairement à 62 ans voire après. De plus, pendant la phase de montée en charge, les assurés décalent la liquidation de leurs droits, pour certains jusqu’à l’année suivante. En conséquence, l’effectif de départ à l’ancien âge légal chute, ce qui fait augmenter la moyenne. Ces assurés viennent à l’inverse augmenter l’effectif de départs à leur nouvel âge légal, ce qui fait baisser la moyenne, à partir de l’année suivante. A partir de 2017, la génération 1955 atteint l’âge légal cible d’ouverture des droits (AOD), de 62 ans ; la part des départs à l’AOD se stabilise.
L’âge moyen a donc atteint 63 ans en 2017, soit une hausse de 1,5 an depuis 2010. La baisse de la part des assurés partant à 60 ans s’est accentuée à partir des années 2015 et 2016, où ceux-ci représentent seulement 26 % des départs, contre 51 % en 2013 (cf. Graphique 2). En effet, à partir de 2014, l’âge légal est passé à 61 ans et 2 mois (pour la génération 1953) alors qu’il était en 2013 à 60 ans et 9 mois (pour la génération 1952). En conséquence, les départs à 61 ans en 2015 et 2016 représentent 33 % et 35 % de l’ensemble, alors qu’ils représentaient seulement 8 % de l’ensemble en 2013. De la même manière, l’âge légal de départ à la retraite passant à 62 ans pour la génération 1955, les départs à 60 et 61 ans ne représentent plus que des retraites anticipées depuis février 2017, et les départs à ces âges diminuent donc tendanciellement du fait de la baisse des liquidations en RACL.
Enfin, la légère baisse de l’âge moyen des retraités anciens travailleurs salariés en 2016 s’explique par les premiers effets liés au relèvement de l’âge du taux plein automatique de 65 à 67 ans mis en œuvre à compter du 1er juillet 2016 pour la génération 1951 (7/12e d’une génération glissante a pu partir à l’âge du taux plein). Ainsi, la part des retraités liquidant à 65 ans a diminué de 5 points entre 2015 et 2016. Entre 2017 et 2019, l’âge moyen des retraités anciens travailleurs salariés est relativement stable. Plus de la moitié des départs ayant lieu entre 62 et 64 ans, l’effet lié au relèvement de l’âge légal jouerait davantage sur l’âge moyen que la poursuite de la hausse de l’âge du taux plein automatique, ce qui explique cette stabilité depuis que le relèvement de l’âge légal produit pleinement ses effets. En 2019, l’augmentation de l’âge du taux plein automatique des retraités anciens salariés à 66 ans et 2 mois pour la génération 1953 conduit naturellement à une hausse des départs de 7 points à partir de 66 ans, par rapport à 2018. En 2020, cette part a diminué légèrement (retraités anciens travailleurs salariés et indépendants) compte tenu d’un nombre de mois creux de départ à l’âge d’annulation de la décote plus élevé sur cette année (7 mois possibles de départs à l’AAD au lieu de 9 mois en 2019) avant de repartir à la hausse pour atteindre 13 % en 2021 et 15 % en 2022. Par ailleurs, la légère hausse de l’âge moyen entre 2017 et 2022 s’explique notamment par la diminution de la part des départs avant l’âge légal (20% des départs avant 62 ans en 2022 contre 30% en 2017). Plusieurs facteurs expliquent cette baisse : hausse de l’âge de fin d’études, hausse de la durée requise pour le taux plein, coefficients de solidarité Agirc-Arrco etc…
Outre les effets de structure démographique et du relèvement de l’âge, la tendance à la hausse de l’âge moyen de départ à la retraite est également liée à l‘augmentation de la durée d’assurance requise pour l’obtention du taux plein et à la hausse de l’âge de fin d’études.
Le Conseil d’orientation des retraites (COR) propose un autre indicateur de suivi de l’évolution des âges de départ à la retraite : l’âge conjoncturel. Cet indicateur présente l’avantage de neutraliser les effets de structure démographique, comme l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom, et intègre l’information disponible la plus récente. Il neutralise également les effets mécaniques liés à la montée en charge des réformes évoqués plus haut. Enfin, à la différence de l’âge moyen de départ par génération, qui ne peut être déterminé que tardivement, lorsque la génération a atteint au moins l’âge d’annulation de la décote, l’âge conjoncturel peut être obtenu pour les générations qui ne sont pas encore complètement parties à la retraite, du fait de son mode de calcul basé sur les taux de retraités.
Graphique 2 ● Structure des âges de départ par année de départ
Source : Cnav ; (p) : projection
Remarque : Entre 2008 et 2019, sont comptabilisés les retraités, anciens travailleurs salariés. A partir de 2020* sont comptabilisés les retraités anciens travailleurs salariés et indépendants
L’âge conjoncturel des retraités anciens travailleurs salariés augmente progressivement depuis 2012, passant de 62,2 ans en 2012 à 63,1 ans en 2019 (cf. Tableau 1). Cette hausse est liée aux réformes des retraites, et notamment au relèvement de l’âge légal. Des facteurs sociodémographiques, comme l’augmentation de l’âge moyen de fin d’études, y contribuent également. En tenant compte des anciens travailleurs indépendants et des anciens salariés, l’âge conjoncturel atteint 63,3 ans en 2020 et 2021 et passerait à 63,4 ans en 2022.
Tableau 1 ● Age conjoncturel de départ (Régime général)
(p) : prévision
Remarque : Entre 2012 et 2019, sont comptabilisés les retraités anciens travailleurs salariés. A partir de 2020* sont comptabilisés les retraités anciens travailleurs salariés et indépendants
Source : Cnav.
L’âge moyen de départ en retraite des assurés des régimes alignés (ex-RSI et MSA salariés), de la MSA non-salariés et de la fonction publique s’accroît également (cf. Tableau 2) sur la période récente.
Tableau 2 ● Age effectif du départ à la retraite de la ex-RSI, de la MSA et de la Fonction publique
*Hors invalidité
Notes : Suite à leur intégration au RG, les assurés de l’ex-RSI ne sont plus distingués à partir de 2020. Jusqu’en 2015, l’âge effectif de départ à la FPE intègre les pensions liquidées pour invalidité. Depuis 2015, ce n’est plus le cas, ce qui a pour conséquence une rupture de série.
Sources : MSA, ex-RSI, CNRACL et DGFIP, Service des retraites de l'État, bases des pensions.
Les anciens travailleurs agricoles non-salariés partent en moyenne à 63,5 ans en 2022, contre 63,3 pour les anciens salariés agricoles.
Les régimes de la fonction publique sont caractérisés par un âge moyen de départ en retraite plus faible que les régimes du secteur privé, notamment en raison des différents dispositifs spécifiques qui permettent de partir en retraite avant l’âge légal (cf. indicateur°1 16 1). Cet écart diminue fortement avec le temps : l’écart entre les assurés de la fonction publique hospitalière (FPH), régime où l’âge de départ en retraite est le plus faible, et ceux du régime général est passé de 5,3 ans en 2004 à 1,8 ans en 2022.
Les âges moyens de départ en retraite de l’ex-RSI et de la MSA suivent globalement la même évolution que ceux du régime général. Depuis 2006, les âges moyens de départ en retraite ont progressé de deux à trois ans pour ces populations.
Après une période de relative stabilité entre 2006 et 2008, les âges moyens ont augmenté à partir de 2009. Malgré une baisse en 2010 (excepté pour la MSA non-salariés) et en 2013, ces âges tendent à progresser sur l’ensemble de la période 2008 à 2018. Depuis 2018, ils sont relativement stables, et devraient être à nouveau en hausse à compter de 2023 du fait du décalage progressif de l’âge légal d’ouverture des droits.
Globalement, l’âge moyen de départ en retraite des assurés de la fonction publique a progressé de manière plus marquée que pour les assurés du secteur privé entre 2004 et 2022. Sur cette période, et particulièrement à partir de 2012, les âges moyens de départ en retraite des assurés de la FPT, FPH et FPE ont respectivement augmenté de 3,4 ans, 5,2 ans et 4,3 ans. Cette hausse est notamment la conséquence d’un durcissement général des conditions de départ à la retraite mis en place par la réforme de 2010. Les âges minimums de départ à la retraite ont été progressivement augmentés de 2 ans. La baisse de l’âge moyen de départ en retraite de 2011 malgré le durcissement des conditions de départ s’explique par la suppression, à partir du 1er janvier 2012, du dispositif de départ anticipé pour raison familiale (excepté pour les mères nées entre 1951 et 1955). L’annonce de cette suppression a engendré une hausse importante du recours à ce dispositif en 2011 : la part de ces départs en retraite est passée de 17 % en 2010 à 28 % en 2011 pour la FPT et de 24 % à 41 % pour la FPH. Les départs précoces de 2011 ont en revanche généré un rebond de l’âge moyen de départ en retraite l’année suivante.
Dans son rapport sur le vieillissement (Ageing report), la commission européenne publie des âges de sortie du marché du travail par pays. Ces âges sont différents de ceux du départ en retraite, les assurés pouvant cesser leur activité avant leur départ (chômage par exemple), ou après leur départ (cumul emploi-retraite par exemple). Au sein des pays européens, la France se distingue par un âge moyen de sortie du marché du travail plutôt faible. En 2022, d’après le modèle de calcul de commission européenne, cet âge s’établissait à 62,6 ans, soit 1 an de moins que la moyenne de l’Union européenne (cf. Graphique 3), en 2019 cet écart s’élevait à 1,5 an.
Graphique 3 ● Age effectif de la sortie du marché du travail dans certains pays de l’union européenne
Source : Commission Européenne, 2024, « Ageing Report »
Construction de l’indicateur
Pour le régime général, l’âge pris en compte est celui à la date d’effet de la pension, c'est-à-dire au moment où l’assuré est éligible à une pension de retraite. A partir de 2020*, les données relatives aux travailleurs indépendants sont intégrées dans le flux de départs à la retraite du régime général (source : Système d’Information Statistique de Liquidation Unique des Régimes Alignés – SIS Lura).
L’âge moyen de départ en retraite des régimes de la fonction publique (FPE, FPH, FPT) ne tient pas compte des départs pour invalidité et tend à surestimer l’âge de départ. L’écart entre les assurés de la fonction publique et des autres régimes est donc sous-estimé. Dans la FPE, les départs pour invalidité ne sont exclus que depuis 2015, ce qui engendre une rupture de série dans le Tableau 2.
Les données de la FPE concernent les pensions civiles de retraite entrées en paiement l'année considérée, hors pensions d'invalidité, hors pensions anciennement cristallisées, hors pensions des agents antérieurement affiliés aux collectivités publiques de Mayotte (CRFM), hors pensions principales et hors pensions temporaires d’orphelins.
Pour l’ex-RSI, le décompte de retraités jusqu’en 2013 ne présentait pas l'ensemble des retraités ayant acquis des droits dans le régime puisque les assurés ayant bénéficié d'une retraite payée sous forme de versement forfaitaire unique étaient exclus des effectifs de retraités, aussi bien pour le stock que pour le flux. A compter de mars 2014, l’ex-RSI ne verse plus les pensions inférieures au seuil du VFU sous forme de capital mais sous forme de rente et ces derniers sont donc désormais comptabilisés dans les effectifs. Ici, les pensions inférieures au seuil du VFU sont prises en compte à partir de 2014.
L’âge conjoncturel est calculé à partir des taux de retraités (nombre de retraités par rapport au nombre d’ayants-droits), pour chaque âge.
L’indicateur d’âge moyen de sortie du marché du travail, publié par la commission européenne, est calculé à l’aide du Cohort Simulation Model. Ce modèle permet notamment de calculer des âges de sortie en projection. Les âges affichés ici sont ceux pour 2022 (cf. Ageing report pour plus de détails).
Pour en savoir plus :
Rapport à la Commission des comptes de la Sécurité sociale de juin 2021 (fiche éclairage n°3.2 : « Bilan du dispositif de retraites anticipées au titre des carrières longues »)
Di Porto A., 2015, « Evolution de l’âge de départ à la retraite : interpréter les indicateurs », Cadrage n°30, Cnav
Organisme responsable de la production de l’indicateur : CNAV-DSS