Objectif n°4 : Améliorer la connaissance des droits et faciliter l’accès aux prestations
L’accès aux droits constitue un objectif essentiel de la Sécurité sociale. Depuis la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, cette mission est explicitement inscrite dans la loi, la Caisse nationale d’assurance vieillesse ayant notamment pour rôle de définir les orientations mises en œuvre par les organismes de son réseau en matière de lutte contre le non-recours aux prestations de la branche Retraite et de simplification des démarches des demandeurs et assurés.
Cet indicateur mesure les phénomènes de non-recours aux droits directs de retraite et leurs enjeux pour les caisses, notamment la Cnav.
Le non-recours concerne de façon générale toute personne qui pourrait prétendre à une prestation, mais n’en bénéficie pas, quelle qu’en soit la raison. Est mesuré ici le non-recours des assurés à leurs droits propres, c’est-à-dire les droits retraite acquis au cours de la carrière, essentiellement par des cotisations versées au titre de l’emploi.
La retraite est une prestation quérable : l’assuré doit en faire la demande, suivant le principe que c’est à lui de définir le moment auquel il souhaite faire valoir ses droits. Il en résulte qu’une partie des affiliés ne demandent pas leurs droits ou une partie seulement. En rapprochant les données relatives aux cotisants et celles relatives aux retraités, la Cnav peut évaluer finement le nombre d’assurés concernés. Ainsi, parmi les assurés de la génération 1947 vivants à 70 ans et ayant acquis des droits à retraite au régime général, 11,2 % n’avaient pas fait valoir ces droits (cf. Graphique 1). Ce chiffre est en diminution depuis ; ils étaient légèrement moins de 10 % pour la génération 1950.
Sur moyenne période, le taux de non-recours est relativement stable, fréquemment inclus entre 10 et 12 % des assurés pour les générations 1935 à 1950. La baisse entre les générations 1948 et 1949 pourrait être lié à la mise en place du droit à l’information retraite, cette dernière génération étant la première concernée par un envoi systématique, peu avant le départ à la retraite. Les évolutions demeurent cependant limitées, et devront être confirmées sur les années ultérieures, d’autant que d’autres mesures simplifiant l’ouverture des droits, comme la liquidation unique des régimes alignés à compter de la génération 1953, ou la mise en place de la demande unique de retraite, depuis 2019, pourraient conduire à baisser le taux de non-recours.
Ces évolutions sont cependant trop récentes pour en observer les conséquences à ce stade, du fait de la définition retenue qui restreint le champ aux assurés ayant 70 ans : les assurés nés en 1950 – dernière génération disponible – ont ainsi fait valoir pour l’essentiel leurs droits à retraite entre 2010 et 2015.
Graphique 1● Taux de non-recours à 70 ans des assurés ayant acquis des droits à retraite au régime général, par génération
Lecture : 9,8 % des assurés de la génération 1950 disposant de droits à retraite au régime général ne les avaient pas fait valoir l’année de leurs 70 ans.
Champ : assurés ayant cotisé au moins un trimestre salarié au régime général, âgés de 70 ans et vivants à cet âge.
Source : Cnav, DSPR
Les profils de non-recourants à la retraite – comme aux autres prestations quérables de protection sociale – sont relativement divers. C’est pourquoi il est possible de distinguer plusieurs types de non-recours, afin de mieux comprendre le phénomène. Il est ainsi possible de différencier le non-recours partiel, quand une personne éligible demande une prestation et n’en reçoit qu’une partie (par exemple reçoit certaines de ses retraites de base mais pas toutes), du non-recours complet, quand une personne éligible ne reçoit aucune de ses pensions.
Selon des travaux de la Cnav, les assurés qui ne recourent qu’à une partie de leurs droits (assurés en non-recours partiel) ont des caractéristiques socioprofessionnelles différentes de ceux qui ne font valoir aucun de leurs droits (assurés en non-recours complet). Ainsi, les premiers relèvent plus souvent de plusieurs régimes de base (par exemple du régime général et de de la fonction publique), et leur carrière au régime général est courte. A l’inverse, les seconds sont surreprésentés dans les assurés nés à l’étranger, et ayant globalement peu de trimestres de retraite au sein du système français.
Ces deux profils confondus, en moyenne, les carrières non-liquidées au régime général représentent 17 trimestres, soit un montant moyen mensuel de 150 €. Pour la moitié de ces assurés en non-recours au régime général, la durée non liquidée est même inférieure à 8 trimestres (soit une pension non liquidée au plus de 100 € par mois).
Le non-recours aux droits propres de retraite concerne l’ensemble des régimes, et est plus élevé dans les régimes complémentaires que dans les régimes de base. Ainsi, fin septembre 2021, une personne sur trois née entre 1947 et 1952 et ayant acquis des droits à retraite à l’Ircantec, le régime complémentaire des non titulaires de l’État et des collectivités publiques, ne les avait pas fait valoir.
Au-delà des droits propres, la Cnav verse d’autres types de prestations. Si le non-recours aux droits propres est le moins complexe à estimer, du fait de la possibilité de rapprocher les cotisants et les retraités du régime, le non-recours aux autres prestations est plus complexe à évaluer. En effet, il dépend de la situation familiale (par exemple pour la pension de réversion) et / ou des autres revenus perçus par l’assurés (c’est le cas de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées). Des études sont néanmoins réalisées, par la Cnav ou la Drees, pour mieux identifier les profils concernés et les actions de lutte pouvant être mises en place. La Drees montre ainsi qu’en 2016, 50 % des personnes seules éligibles au minimum vieillesse (dont l’Aspa est la principale prestation) n’y recourent pas (soit plus de 300 000 personnes). Ces non-recourants, s’ils en faisaient la demande, percevraient 205 euros en moyenne par mois, tandis que les recourants bénéficient en moyenne de 337 euros. La moitié des non-recourants percevraient moins de 140 euros en moyenne par mois.
Construction de l’indicateur
L’indicateur du taux de non-recours se fonde sur un rapprochement entre les données relatives aux cotisants et droits qu’ils ont acquis, et les prestataires qui ont fait valoir leurs droits. Est considéré comme en situation de non-recours un assuré qui dispose de droits salariés et pourrait les faire valoir, mais n’est pas prestataire. L’indicateur se focalise sur les assurés en non-recours à 70 ans, les demandes de retraite étant très marginales après cet âge.
Pour aller plus loin
Le non-recours à la retraite a fait l’objet de plusieurs travaux, sur lesquels s’appuie cet indicateur. En particulier, se reporter à :
Romane Beaufort (2021, décembre). Principaux résultats sur les assurés en non-recours aux droits propres après 70 ans (en tous régimes, au régime général et au régime de la sécurité sociale des indépendants. Cnav - Direction statistiques, prospective et recherche, note 2021-070-DSPR
Romane Beaufort, Mallory Mattmuller et Mélina Ramos-Gorand (2021, décembre). L’apport des données de la Cnav pour identifier les profils d’assurés en non-recours à la retraite. Retraite et société, volume 87, no. 3, 2021, pp. 25-51.
Gladys Bousquet et Aurélie Brossier (2021, décembre). La réduction du non-recours à l’Ircantec. Caisse des Dépôts, Questions Politiques Sociales – Les études n°35.
Gabin Langevin, Henri Martin (2019, septembre). Non-recours : à 70 ans, un tiers des assurés n'ont pas fait valoir tous leurs droits à retraite. Drees, Études et résultats, 1124.
Pauline Meinzel (2022, mai). Le non-recours au minimum vieillesse des personnes seules. Les dossiers de la DREES, n°97.
Organismes responsables de la production de l’indicateur : CNAV/DSS