Les principaux dispositifs de transition emploi-retraite
La réforme des retraites de 2003 visait spécifiquement à offrir plus de souplesse et de liberté de choix aux assurés quant à leur départ à la retraite. Dans ce cadre, le mécanisme du coefficient de minoration ou « décote », permettant d’anticiper le départ à la retraite, a été modifié au régime général et dans les régimes alignés et institué dans la fonction publique et les régimes spéciaux. En parallèle, la réforme a créé une incitation financière à la poursuite d’une activité professionnelle en différant le départ à la retraite après l’âge d’ouverture des droits (AOD), dite « surcote ». La réforme de 2023 a étendu la surcote une année avant l’AOD pour les assurés bénéficiaires de majorations de durée d’assurance. Ces assurés, principalement des femmes, atteignent souvent la DAR avant l’AOD, sans pour autant pouvoir liquider via le dispositif carrière longue, il s’agit alors de valoriser la poursuite d’activité jusqu’à l’AOD.
La « décote » est une minoration du taux de liquidation de la pension appliquée lorsque l’assuré qui fait valoir ses droits à pension de retraite a une carrière incomplète. Certaines conditions de départ à la retraite permettent néanmoins de bénéficier d’une pension sans décote même si la carrière n’est pas complète : avoir atteint l’âge du taux plein ou bénéficier d’un départ au titre de l’inaptitude (cf. précisions méthodologiques).
Le taux de décote, initialement de 10 % par an, a été progressivement abaissé à 5 % (soit 1,25 % par trimestre) par la loi portant réforme des retraites de 2003 (cf. graphique 1). Ainsi, une personne partant avec une décote maximale (cinq années de cotisations manquantes avant 2023), voit son taux de liquidation abaissé de 50 % à 37,5 %. Pour les générations 1968 et suivante, dont l’AOD a été porté à 64 ans par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, la décote maximale sera de 3 années, et le taux minimal de liquidation sera donc de 42,5 %
Pour la fonction publique, le dispositif, inexistant avant 2003, est mis en place à partir de 2006 avec un alignement progressif sur le taux de décote applicable au régime général, soit 5 % par an. Depuis 2015, les règles de décote sont identiques dans la fonction publique et au régime général.
La proportion de pensions attribuées avec décote au régime général (anciens travailleurs salariés et indépendants) était de 12,4 % en 2020 puis 12,7 % en 2021. En 2022, 13,3% des retraités anciens travailleurs salariés et indépendants ont une pension attribuée avec une décote. Ils partent avec 11,5 trimestres de décote en moyenne et 21 % d’entre eux partent avec 20 trimestres de décote, soit le nombre maximal.
Les proportions d’assurés des régimes agricoles (MSA) liquidant avec une décote sont plus faibles que dans les autres régimes, mais progressent : 11,8 % des nouveaux retraités de la MSA salariés et 6,2 % de la MSA non-salariés sont partis avec une décote en 2022. Les parts des pensions attribuées avec décote ont progressé de 8,3 points pour les salariés agricoles et de 4,0 points pour les exploitants agricoles entre 2006 et 2022.
La montée en charge de la réforme de la décote au sein de la fonction publique s’est étalée de 2006 à 2020. Elle porte à la fois sur le coefficient de décote par année manquante, qui passe de 0,5 % en 2006 à 5 % en 2015, et sur le plafonnement de la décote, qui passe de 4 trimestres en 2006 à 20 trimestres en 2020. L’effet maximal de la décote passe donc de 0,5 % en 2006 à 25 % en 2020. Dès l’année de son entrée en vigueur, la part des assurés partis en retraite avec décote était supérieure à ce qui était observé sur les autres régimes, sur le champ de la fonction publique d’État (FPE, 12,0 % en 2006). Cette part a progressé continuellement jusqu’en 2010 où elle a atteint 17,3 %. Après une période de recul, la part des fonctionnaires civils partis en retraite avec décote a dépassé ce niveau en 2022, s’établissant à 18,9 %, en augmentation de 1,3 point par rapport à l’année précédente.
En 2006, les assurés affiliés à la fonction publique hospitalière (FPH) partaient davantage avec décote que ceux affiliés à la fonction publique territoriale (FPT) (9,6 % contre 2,2 %). L’écart entre la FPH et la FPT s’est toutefois inversé entre 2018 et 2021. Les taux sont similaires en 2022 : la part des retraités partis avec une décote est de 9,9 % dans la FPT, et de 9,8 % dans la FPH. Ces parts de « décoteurs » augmentent depuis 2016.
L’augmentation de l’AOD avec la réforme de 2023 pourrait se traduire à l’avenir par une hausse moins dynamique, et des effets de la décote moins importants sur la pension reçue. En effet certains « décoteurs » pourraient prolonger leur activité et acquérir des trimestres supplémentaires, et, ceux qui enregistraient plus de 12 trimestres de décote, devront attendre l’AOD, reporté de deux ans, ce qui réduira leur taux de minoration.
Graphique 1 ● Taux de décote annuel appliqué selon les régimes de base
Source : CNAV, MSA, CNRACL et SRE (champ : pensions civiles).
Graphique 2 ● Part des assurés partant en retraite avec décote selon leur régime principal d’affiliation
Remarque : Entre 2006 et 2019, sont comptabilisés les retraités anciens travailleurs salariés. A partir de 2020* les retraités anciens travailleurs salariés et indépendants sont comptabilisés dans « régime général ».
Source : CNAV, MSA, CNRACL et SRE (champ : pensions civiles).
Graphique 3 ● Part des assurés partant en retraite avec surcote selon leur régime principal d’affiliation
Remarque : Entre 2006 et 2019, sont comptabilisés les retraités anciens travailleurs salariés. A partir de 2020*, les retraités anciens travailleurs salariés et indépendants sont comptabilisés dans « régime général »
Source : CNAV, MSA, CNRACL et SRE (champ : pensions civiles).
La « surcote » permet de majorer la pension des assurés qui poursuivent une activité professionnelle au-delà de l’âge légal de départ en retraite et au-delà de la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein . Jugé insuffisamment incitatif, ce dispositif a été renforcé à compter du 1er janvier 2009, d’abord en élargissant son champ d’application aux assurés ayant eu une carrière complète mais des salaires faibles et qui bénéficient à ce titre du minimum contributif, et ensuite en augmentant son taux à 1,25 % par trimestre. Ainsi, le taux de surcote est passé à 5 % par année supplémentaire pour les périodes travaillées à partir de cette date et s’est ainsi substitué au barème progressif qui était en vigueur (3 % à 5 % par année), et qui lui-même avait remplacé le dispositif initial (3 % par an) le 1er janvier 2007.
Par ailleurs, la réforme de 2023 a étendu le dispositif de la surcote un an avant l’âge légal, pour les assurés avec des majorations de durée d’assurance (cf. indicateur 1-15) et sous réserve que l’âge légal soit de 63 ans ou supérieur. Pour ces assurés, une liquidation est désormais possible à l’âge légal, avec une surcote pouvant aller jusqu’à 5 % (un an).
Au régime général, la surcote concerne les assurés partis après le 1er avril 2004. Après un démarrage timide, la part des retraités concernés a progressé. Pour les retraités anciens travailleurs salariés, elle est passée de 6,1 % en 2006 à 13,9 % en 2019, encouragée par l’augmentation du taux appliqué (cf. graphique 3). A l’instar de la part des retraités partant avec une décote, le relèvement de l’âge légal de la retraite modifie sensiblement depuis 2011 la part des retraités partis avec une surcote en modifiant le dénominateur. En contenant chaque année le nombre de départs à l’âge légal, la part des assurés liquidant avec une surcote augmente mécaniquement. Celle-ci oscille entre 13 % et 15 % avec un creux en 2013 probablement lié à un plus faible nombre de départs à l’âge légal cette année-là.
La part des bénéficiaires de la surcote au régime général (retraités anciens travailleurs salariés et indépendants) s’établit à 15,0 % en 2020, 16,3 % en 2021, et 17,1 % en 2022. Cette augmentation assez soutenue pourrait s’expliquer en partie par le décalage d’assurés souhaitant éviter les coefficients de solidarité Agirc-Arrco .
Le nombre de trimestres et le montant procuré par la surcote ont, en moyenne, fortement augmenté sur la période. En effet, depuis le 1er avril 2009, en application de l’article 89 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la surcote s’applique désormais aux pensions appréciées après majoration au titre du minimum contributif, ce qui participe à l’augmentation du gain mensuel moyen à partir de 2009.
Le gain mensuel évolue en fonction du montant de la pension moyenne et du nombre de trimestres de surcote.
En 2022, 17,1% des retraités anciens travailleurs salariés et indépendants ont une pension attribuée avec une surcote. Le gain mensuel moyen est de 69,7 € pour les retraités anciens travailleurs salariés et indépendants, proche du montant constaté en 2021 (cf. graphique 4). De plus, les assurés bénéficient en moyenne de 7 trimestres de surcote (soit un gain mensuel de près de 10 € par trimestre surcoté).
La part des nouveaux retraités partis avec une surcote parmi les anciens salariés agricoles progresse depuis 2016 (+5,6 points), et reste très similaire à la part d’assurés bénéficiant d’une surcote au régime général. En 2022, 17,4 % des nouveaux retraités de la MSA salariés ont pris leur retraite avec une surcote. La part des exploitants agricoles bénéficiant d’une surcote est beaucoup plus élevée que celle du régime général ou des régimes alignés : elle oscille entre 28 % et 36 % depuis 2011. En 2022, le taux de surcote chez les exploitants agricoles s’établit à 36 %.
La part des pensions attribuées avec surcote atteint également des niveaux élevés dans la fonction publique. Parmi les nouveaux retraités de 2022, 35,9 % des agents de la fonction publique d’État (FPE) et 25,1 % des agents de la fonction publique territoriale (FPT) ont bénéficié d’une surcote. Le taux de recours à la surcote parmi les nouveaux retraités de la fonction publique hospitalière (FPH) est plus faible : de 16,7 % en 2022. La part de retraités bénéficiant d’une surcote continue de progresser dans les trois fonctions publiques.
Du fait de la réforme de 2023, les assurés qui liquident avec surcote entre 62 et 64 ans, s’ils ne décalent pas leur départ au-delà de 64 ans ne seront plus « surcoteurs ». Cependant, l’extension de la surcote à des assurés liquidant à l’âge légal pourrait contrebalancer cet effet. Aussi, l’effet de la réforme sur la part des « surcoteurs » est à ce stade incertain.
Graphique 4 ● Gain mensuel moyen (euros constants 2020) procuré par la surcote et nombre moyen de trimestres de surcote au régime général
Source : Cnav.
Champ : régime général.
Note : Entre 2006 et 2019, sont comptabilisés les retraités anciens travailleurs salariés. A partir de 2020* sont comptabilisés les retraités anciens travailleurs salariés et indépendants.
Construction de l’indicateur
Les données du régime général, qui concernent les droits directs contributifs, sont calculées sur la base des dates d'effet (correspondant à la date d'ouverture des droits). Les données sont entièrement observées de 2006 à 2021 et en partie projetées en 2022 (source : Système Nationale des Statistiques Prestataires - SNSP).
A partir de 2020, les données sur les travailleurs indépendants sont intégrées dans le flux de départs à la retraite du régime général (source : Système d’Information Statistique de Liquidation Unique des Régimes Alignés – SIS Lura).
Par ailleurs, les assurés partis en retraite progressive à partir de 2015 ne sont pas intégrés dans le champ des assurés partant avec une décote ou une surcote. En effet, les paramètres de calcul sur leur première liquidation étant encore provisoires, il a été choisi de les exclure de ces deux catégories (mais ils sont bien présents parmi l’ensemble des retraités).
Les données présentées issues de la MSA et des régimes de la fonction publique (FPE et CNRACL) sont calculées sur la base des dates d'attribution et sont disponibles chaque année pour l’année n-1.
Les données de la fonction publique d’État concernent les pensions civiles de retraite entrées en paiement l’année étudiée, y compris pensions anciennement cristallisées et soldes de réserve, hors pensions temporaires d’orphelins et pensions des agents antérieurement affiliés aux collectivités publiques de Mayotte (CRFM).
En 2021, le SRE (Service des Retraites de l’Etat) a révisé l’ensemble de ses séries pour intégrer des améliorations techniques en matière de traitement de données. Cette révision (relativement mineure) intervient ici sous forme d’une rupture de série en 2020.
Les assurés ne réunissant pas le nombre de trimestres requis pour le taux plein et n’étant pas reconnus inaptes ou invalides ont un taux de liquidation inférieur à 50 % s’ils partent avant l’âge d’obtention automatique du taux plein (67 ans pour les générations 1955 et suivantes). Leur pension est minorée de 1,25 % par trimestre manquant, c’est la « décote ». Le nombre de trimestres manquants correspond, selon le plus favorable pour l’assuré, au nombre de trimestres séparant la date d’effet de la pension de l’âge du taux plein, ou au nombre de trimestres d’assurance supplémentaires nécessaires pour obtenir le taux plein par la durée.
A l’inverse, les assurés poursuivant leur activité après l’âge légal de départ à la retraite et alors qu’ils ont le nombre de trimestres requis bénéficient d’une majoration de pension, la « surcote ». Le taux de surcote est de 1,25 % par trimestre supplémentaire. A partir de la génération 1964, dont l’âge légal est de 63 ans, la surcote sera possible dès un an avant l’âge légal, sous réserve de justifier d’au moins une majoration de durée d’assurance.
La part des pensions attribuées avec surcote correspond au nombre de pensions liquidées avec au moins un trimestre de surcote comparé au nombre de pensions de droit direct liquidées dans le régime la même année. Le gain procuré par la surcote est évalué en comparant pour chaque retraité les montants mensuels de pension avant et après surcote. L’écart entre les deux montants donne l’effet imputable à la surcote.
L’indicateur ne donne qu’une description imparfaite de l’impact du dispositif, puisqu’il n’est pas possible de distinguer les « effets d’aubaine » (personnes qui auraient de toute manière prolongé leur activité même en l’absence de surcote) des effets d’incitation à la poursuite d’activité du dispositif.
La réforme des retraites de 2014 a instauré le principe d’une liquidation unique (calcul et versement) des pensions de retraite de base des assurés nés après 1953 ayant été affiliés à au moins deux des régimes dits alignés (appliquant les mêmes règles de calcul des pensions) : le régime général (RG), l‘ex-RSI et le régime des salariés agricoles (MSA). Entré en vigueur au 1er juillet 2017, le dispositif a des conséquences importantes sur le niveau moyen des pensions et le nombre de liquidations.
Organismes responsables de la production de l’indicateur : CNAV, DSS