Les principaux dispositifs en faveur de l’équité au sein des générations
Le système de retraite français inclut plusieurs dispositifs dérogatoires permettant, sous conditions, aux assurés de faire valoir leurs droits avant l’âge légal de départ en retraite, ou de bénéficier du taux plein dès l’âge d’ouverture des droits sans avoir validé le nombre de trimestres requis.
Les dispositifs qui autorisent des départs avant l’âge légal sont les suivants : la retraite anticipée pour longues carrières (RACL) ou pour handicap, la retraite au titre de l’incapacité permanente d’origine professionnelle ou au titre de l’amiante (dispositifs de 2010), ou la retraite anticipée pour « catégorie active » (policiers, pompiers professionnels, etc.) ou « catégorie insalubre » (par exemple les égoutiers), qui est spécifique à la fonction publique.
A ces dérogations s’ajoutent des dispositifs ouvrant la possibilité de partir dès l’âge légal en bénéficiant du taux plein quelle que soit la durée d’assurance, tels que les départs en retraite pour inaptitude ou invalidité. Depuis janvier 2015, en application de la loi de janvier 2014, l’obtention de la retraite à taux plein dès l’âge légal est étendue aux assurés justifiant d’un taux d’incapacité permanente de 50 %. La réforme de 2023, qui reporte progressivement l’âge d’ouverture des droits de
62 à 64 ans, transforme dans le même temps le dispositif de la retraite pour inaptitude en dispositif de retraite anticipée. Les conditions d’éligibilité ne sont pas modifiées, mais les assurés concernés pourront partir à taux plein dès 62 ans, y compris si l’âge légal de départ est plus élevé pour leur génération.
En 2022, 255 000 nouveaux retraités de droit direct du régime général (y compris ex-indépendants) sont partis en bénéficiant de l’un de ces dispositifs dérogatoires, soit 35 % du total des nouveaux retraités de ce régime (cf. graphique 1). Parmi ces bénéficiaires, 51 % sont partis au titre de la retraite anticipée « longues carrières » et 46 % de la retraite pour inaptitude ou invalidité.
Au sein de la fonction publique, 51 % des nouveaux retraités sont partis via un dispositif dérogatoire en 2022 dont 39 % au titre de la retraite pour « catégorie active » et 35 % au titre de la retraite anticipée « longues carrières ». Parmi les nouveaux retraités de la fonction publique d’Etat (FPE) en 2022 , 40 % ont bénéficié d’un des dispositifs dérogatoires dont 55 % au titre de la retraite pour « catégorie active » et 22 % au titre de la retraite anticipée « longues carrières ».
Le dispositif RACL, créé par la réforme des retraites de 2003 qui prolongeait la durée d’assurance requise pour le taux plein, permet la liquidation des droits à la retraite jusqu’à 4 ans avant l’âge de droit commun. Les assurés doivent pour cela avoir commencé leur carrière tôt, et cotisé suffisamment longtemps. Il est ouvert aux assurés du régime général, des régimes alignés, du régime des exploitants agricoles et de la fonction publique.
Lors de son ouverture en 2004, le bénéfice des RACL était conditionné à 3 critères : avoir cotisé au moins 5 trimestres avant 16 ou 17 ans ; justifier d’un nombre de trimestres validés au moins égal à la DAR majorée de 8 trimestres ; avoir cotisé un nombre de trimestres égal à la DAR (éventuellement majorée de 4 ou 8 trimestres pour des départs à 56, 57 ou 58 ans). Les périodes de suspension d’activité pour maladie, maternité, accident du travail, ou service militaire étaient « réputés cotisés », dans la limite de 4 trimestres pour chaque cause. La réforme des retraites de 2010 a étendu le bénéfice de la RACL aux assurés ayant commencé à travailler avant 18 ans.
En 2012, un décret a élargi le nombre de trimestres pris en compte pour bénéficier du dispositif, en ajoutant 2 trimestres au titre de la maternité et 2 trimestres au titre du chômage indemnisé. Les départs anticipés ont en outre été ouverts aux assurés ayant débuté leur carrière avant 20 ans. Surtout, la condition de durée validée a été supprimée.
La réforme des retraites de 2014 a, à nouveau, assoupli ces conditions en élargissant le nombre de trimestres retenus pour le bénéfice d’une retraite anticipée à l’ensemble des trimestres au titre du congé maternité et en augmentant jusqu’à 4 le nombre de trimestres retenus au titre du chômage indemnisé. Les périodes validées au titre de l’invalidité ont été incluses, dans la limite de 2 trimestres ainsi que les trimestres au titre de la « pénibilité ».
Au-delà de ces réformes du dispositif lui-même, des modifications des paramètres de droit commun ont des répercussions sur les retraites anticipées. Ainsi, la réforme de 2010 a décalé progressivement l’âge d’ouverture des droits à la retraite de 60 à 62 ans. Les âges de départ anticipé ont été décalés, parallèlement, de deux années. En conséquence, des assurés qui n’étaient pas éligibles au dispositif RACL avant ces décalages le sont devenus. Ces assurés, qui atteignent la DAR entre l’ancien et le nouvel âge légal, continuent de pouvoir partir au même âge, mais liquident désormais de manière anticipée.
Les réformes de 2003 et 2014 ont augmenté progressivement la durée d’assurance requise pour une retraite à taux plein (de 160 à 172 trimestres). Les conditions d’éligibilité pour la RACL dépendant de la durée d’assurance requise, ces réformes ont limité le nombre d’assurés susceptibles de bénéficier du dispositif. Pour la fonction publique, la mesure de retraite anticipée est progressivement entrée en vigueur entre 2005 et 2008. Les conditions exigées en termes de durée cotisée sont identiques à celles requises pour le régime général.
La réforme de 2023 conserve la structure du dispositif, mais en modifie largement les paramètres. En premier lieu, deux nouvelles bornes sont créées, permettant une liquidation à 60 ans (pour les assurés ayant démarré avant 18 ans) et à 63 ans (pour les assurés ayant démarré avant 21 ans). Les assurés ayant démarré avant 16 ans pourront toujours liquider à partir de 58 ans, tandis que ceux ayant démarré avant 20 ans pourront liquider à partir de 62 ans. En second lieu, le critère de durée cotisée est ramené à la DAR (contre la DAR majorée de 8 trimestres auparavant) pour les assurés ayant démarré très tôt. Enfin, 4 trimestres d’AVPF sont désormais pris en compte dans la durée d’assurance prise en compte.
Il faut également noter que, comme après la réforme de 2010, le report de l’AOD conduira mécaniquement des assurés qui atteignent la DAR entre 62 et 64 ans à devenir éligibles au dispositif. Ces assurés partiront potentiellement au même âge que sans réforme, mais seront désormais comptés comme des départs anticipés. A l’inverse, l’accélération de la hausse de la durée d’assurance requise va légèrement limiter le nombre d’assurés éligibles.
Au régime général, le dispositif de retraite anticipée « longues carrières » concerne, en 2022 18 % des nouveaux retraités, anciens travailleurs salariés et indépendants, soit environ 130 000 départs (cf. Tableau 1).
Les effectifs concernés par un départ en retraite anticipée « longues carrières » ont varié de manière importante depuis sa mise en place, en lien avec les changements de modalités d’accès au dispositif, et avec les mutations sociodémographiques, notamment l’augmentation de l’âge moyen de fin d’études (effet baissier sur l’effectif de bénéficiaires) et du taux d’activité des femmes (effet haussier sur l’effectif).
Ainsi, en 2004, 113 000 assurés du RG ont bénéficié du dispositif. Les flux de bénéficiaires sont restés supérieurs à 100 000 jusqu’en 2008 et ont chuté de près de 80 % en 2009, en raison de l’allongement de la durée d’assurance requise et du durcissement des possibilités de régularisation de cotisations arriérées. Certains départs se sont toutefois reportés sur l’année suivante expliquant le quasi-doublement du nombre de départs en retraite anticipée constaté en 2010.
L’augmentation de l’âge légal et les assouplissements du dispositif de retraite anticipée liés au décret du 2 juillet 2012 ont conduit à une hausse notable des effectifs, portant le nombre de nouveaux départs avant l’âge légal à plus de 86 000 en 2012, puis à plus de 144 000 en 2013. Malgré la poursuite du recul de l’âge, la hausse des effectifs s’est poursuivie en 2014, notamment soutenue par l’entrée en vigueur de la loi du 20 janvier 2014 qui étend le champ des périodes prises en compte conduisant à des effectifs de nouveaux bénéficiaires de l’ordre de 156 000. Si la tendance à la hausse s’est prolongée en 2015 et en 2016, elle marque le pas en 2017 en raison de l’entrée en vigueur de la liquidation unique des régimes alignés (Lura) au 1er juillet de cette année-là. En effet, l’instauration de la Lura a entraîné une baisse du nombre de liquidations à partir du second semestre de l’année. Depuis 2017, l’effectif suit une tendance à la baisse. Cette tendance devrait s’atténuer, voire s’inverser au cours des prochaines années, sous l’effet de la réforme de 2023.
Graphique 1 ● Répartition des flux de départs en retraite anticipée des assurés du régime général (anciens salariés uniquement) et de la fonction publique d’Etat selon les dispositifs dérogatoires en 2022
Sources : Cnav pour le régime général, SRE pour la fonction publique d’Etat.
Note : Le nombre de départs en retraite anticipée pour handicap dans la fonction publique d’Etat correspond à la valeur 2021.
Tableau 1 ● Flux de départs en retraite anticipée pour carrière longue selon le régime d’appartenance
Sources : CNAV, MSA, CNRACL et FPE (champ : pensions civiles).
Note : le nombre total de départs ne peut s’obtenir en sommant les flux des régimes du fait des personnes liquidant dans plusieurs régimes (polypensionnés) ; la part des nouveaux retraités est calculée sur les données 2022 ;
Remarque : de 2010 à 2019, sont comptabilisés les retraités, anciens travailleurs salariés. A partir de 2020* sont comptabilisés les retraités anciens travailleurs salariés et indépendants. Rupture de série en 2020* sur le champ FPE en lien avec un changement de méthode.
En 2019, le nombre de départs en retraite anticipée « longues carrières » avait diminué d’environ 8 000 (pour les retraités anciens travailleurs salariés). Une partie de cette baisse, pourrait être expliquée par l’entrée en vigueur des coefficients minorants Agirc-Arrco, une partie des assurés ayant pu reculer leur départ pour éviter ces coefficients. En tenant compte des anciens travailleurs indépendants et des anciens travailleurs salariés, les effectifs de retraités du régime général partis en RACL sont passés d’environ 140 000 en 2020 à 130 000 en 2022, parallèlement à la baisse du nombre d’assurés remplissant les conditions pour bénéficier du dispositif.
Les évolutions des départs anticipés pour les anciens salariés ou exploitants agricoles sont similaires à celles observées pour le régime général. Le nombre de départs anticipés, en forte hausse entre 2009 et 2016, a ensuite diminué entre 2017 et 2022. Parmi les nouveaux retraités, environ 9 300 salariés agricoles et 7 400 agriculteurs exploitants ont bénéficié d’une retraite anticipée en 2022, contre respectivement 25 000 et 7 600 en 2016. Cette baisse est liée à la fois à la liquidation unique supprimant les doubles comptes pour les salariés agricoles, et au durcissement des conditions d’éligibilité.
Dans la fonction publique, le nombre de bénéficiaires de la retraite anticipée parmi les nouveaux retraités continue de diminuer, et s’établit à 4 900 dans la fonction publique d’État (FPE). Les effectifs se sont également contractés pour le régime des collectivités locales (CNRACL, 18 800), à la fois dans la fonction publique territoriale (FPT, 15 300) et dans la fonction publique hospitalière (FPH, 3 500). Ces chiffres sont à analyser au regard de l’évolution de la législation spécifique au secteur public. En effet, d’autres dispositifs de départ avant 60 ans, propres à la fonction publique, réduisent la population de fonctionnaires éligibles à la retraite anticipée longue carrière. Les fonctionnaires qui ont accompli au moins 17 ans de service dans un emploi classé en catégorie active (15 ans avant le 11 novembre 2010) peuvent partir en retraite entre 55 et 57 ans selon leur année de naissance (retraite anticipée pour catégorie « active »). Dans la fonction publique hospitalière et la fonction publique d’Etat, qui comptent justement de nombreux bénéficiaires de la retraite anticipée pour catégorie active (cf. indicateur n°1-16-2), la part des assurés partant en retraite anticipée pour « carrières longues » est ainsi relativement faible. Par ailleurs, il existait jusqu’en 2010, un départ anticipé sans condition d’âge pour les fonctionnaires parents d’au moins trois enfants ayant 15 ans de service. La réforme des retraites de 2010 a supprimé ce dispositif, mais a toutefois laissé ouverte la possibilité de départ en retraite pour les agents parents d’au moins trois enfants et ayant 15 ans de service remplissant les conditions avant le 1er janvier 2012. Ainsi, en 2022, environ 5 200 assurés de la CNRACL et 2 100 de la FPE ont bénéficié d’un départ en retraite anticipée pour motifs familiaux.
En 2019, le nombre de départs en retraite anticipée « longues carrières » avait diminué d’environ 8 000 (pour les retraités anciens travailleurs salariés). Une partie de cette baisse, pourrait être expliquée par l’entrée en vigueur des coefficients minorants Agirc-Arrco, une partie des assurés ayant pu reculer leur départ pour éviter ces coefficients. En tenant compte des anciens travailleurs indépendants et des anciens travailleurs salariés, les effectifs de retraités du régime général partis en RACL sont passés d’environ 140 000 en 2020 à 130 000 en 2022, parallèlement à la baisse du nombre d’assurés remplissant les conditions pour bénéficier du dispositif.
Les évolutions des départs anticipés pour les anciens salariés ou exploitants agricoles sont similaires à celles observées pour le régime général. Le nombre de départs anticipés, en forte hausse entre 2009 et 2016, a ensuite diminué entre 2017 et 2022. Parmi les nouveaux retraités, environ 9 300 salariés agricoles et 7 400 agriculteurs exploitants ont bénéficié d’une retraite anticipée en 2022, contre respectivement 25 000 et 7 600 en 2016. Cette baisse est liée à la fois à la liquidation unique supprimant les doubles comptes pour les salariés agricoles, et au durcissement des conditions d’éligibilité.
Dans la fonction publique, le nombre de bénéficiaires de la retraite anticipée parmi les nouveaux retraités continue de diminuer, et s’établit à 4 900 dans la fonction publique d’État (FPE). Les effectifs se sont également contractés pour le régime des collectivités locales (CNRACL, 18 800), à la fois dans la fonction publique territoriale (FPT, 15 300) et dans la fonction publique hospitalière (FPH, 3 500). Ces chiffres sont à analyser au regard de l’évolution de la législation spécifique au secteur public. En effet, d’autres dispositifs de départ avant 60 ans, propres à la fonction publique, réduisent la population de fonctionnaires éligibles à la retraite anticipée longue carrière. Les fonctionnaires qui ont accompli au moins 17 ans de service dans un emploi classé en catégorie active (15 ans avant le 11 novembre 2010) peuvent partir en retraite entre 55 et 57 ans selon leur année de naissance (retraite anticipée pour catégorie « active »). Dans la fonction publique hospitalière et la fonction publique d’Etat, qui comptent justement de nombreux bénéficiaires de la retraite anticipée pour catégorie active (cf. indicateur n°1-16-2), la part des assurés partant en retraite anticipée pour « carrières longues » est ainsi relativement faible. Par ailleurs, il existait jusqu’en 2010, un départ anticipé sans condition d’âge pour les fonctionnaires parents d’au moins trois enfants ayant 15 ans de service. La réforme des retraites de 2010 a supprimé ce dispositif, mais a toutefois laissé ouverte la possibilité de départ en retraite pour les agents parents d’au moins trois enfants et ayant 15 ans de service remplissant les conditions avant le 1er janvier 2012. Ainsi, en 2022, environ 5 200 assurés de la CNRACL et 2 100 de la FPE ont bénéficié d’un départ en retraite anticipée pour motifs familiaux.
Sources des données
Les données du régime général, qui concernent les droits directs contributifs, sont calculées sur la base des dates d'effet (correspondant à la date d'ouverture des droits). Les données sont entièrement observées de 2006 à 2021 et en partie projetées en 2022 (source : Système Nationale des Statistiques Prestataires - SNSP).
A partir de 2020*, les données sur les travailleurs indépendants sont intégrées dans le flux de départs à la retraite du régime général (source : Système d’Information Statistique de Liquidation Unique des Régimes Alignés – SIS Lura).
Le champ de l’indicateur est complété par des éléments issus de la MSA et des régimes de la fonction publique. Concernant les retraites anticipées pour handicap ou incapacité permanente et les départs pour inaptitude et invalidité, il s’agit de données de flux de nouvelles attributions annuelles.
Les données de la MSA ainsi que les données de la FPE correspondent également à des données de flux de nouveaux retraités (en date d’attribution). Les données de la CNRACL (FPT et FPH) correspondent en revanche à des données en date d’effet.
Les données de la fonction publique d’État présentées dans cette fiche concernent les pensions civiles de retraite entrées en paiement l’année étudiée, y compris pensions anciennement cristallisées et soldes de réserve, hors pensions temporaires d’orphelins et pensions des agents antérieurement affiliés aux collectivités publiques de Mayotte (CRFM).
En 2021, le SRE a révisé l’ensemble de ses séries pour intégrer des améliorations techniques en matière de traitement de données. Cette révision (relativement mineure dans la plupart des cas) intervient ici sous forme d’une rupture de série en 2020.
Organismes responsables de la production de l’indicateur : CNAV, CNRACL, DSS, MSA, SRE