Les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale présentent tous les ans les grands objectifs poursuivis par la sécurité sociale et permettent d’identifier les réussites mais également les marges de progrès ou les difficultés rencontrées.

La branche maladie prend en charge plus des trois quarts des dépenses engagées par les Français au titre des soins (indicateur 2-4-1). Elle concourt ainsi de façon décisive au financement de la dépense courante de santé, qui s’établit à 12,3 % du produit intérieur brut en 2021 (indicateur n°1‑1), un niveau élevé au plan international. Cette prise en charge est complétée par les complémentaires santé.

Ce rapport consacré à l’assurance maladie et à la politique sanitaire permet d’évaluer la contribution de la sécurité sociale à cette politique, autour de six objectifs principaux :

1/ développer la prévention ;

2/ assurer un égal accès aux soins ;

3/ garantir les moyens nécessaires au système de santé ;

4/ améliorer la qualité de la prise en charge par le système de soins ;

5/ renforcer l’efficience du système de santé et développer la maîtrise médicalisée des dépenses ;

6/ améliorer la situation financière de la branche maladie, des établissements de santé et promouvoir l’investissement.

Avant de présenter les résultats des indicateurs selon ces dimensions, la synthèse revient sur les dépenses financées par la branche, qui font l’objet de la première partie du rapport (données de cadrage), et sur les mesures récentes et prévues en matière de politique de santé.

 

La branche maladie a dépensé 242 Md€ en 2022

La branche maladie a dépensé 242,1 Md€ en 2022. Ces charges couvrent principalement les prestations nettes versées en 2022 qui s’élèvent à 221,6 Md€ consacrées aux soins de ville, aux établissements de santé et aux prestations maternité. La branche verse également des transferts qui financent notamment le fonds d'intervention régional (FIR), le fonds de modernisation de l’investissement en santé (FMIS), ainsi que d’autres fonds médicaux et hospitaliers.

 

Graphique 1 ● Dépenses de la branche maladie en 2022

Source: Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2023.

L’objectif national de dépense d’assurance maladie (Ondam) est un objectif interbranches mais qui concerne dans sa grande majorité la branche maladie . L’Ondam s’est ainsi élevé à 247,2 Md€ en 2022, en dépassement de 10,4 Md€ par rapport à l’Ondam initial fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Malgré la baisse des dépenses liées à la crise sanitaire (11,7 Md€ en 2022, contre 18,3 Md€ en 2021), les dépenses qui relèvent du champ de l’Ondam ont vu une croissance de 2,9% par rapport 2021 (Cf. indicateur 2-14-2).

Des réformes structurantes de la branche autonomie de la sécurité sociale

La stratégie nationale de santé 2018-2022 a choisi la promotion de la prévention comme un des quatre axes stratégiques majeurs du système de santé publique. Ainsi, plusieurs mesures préventives ont été mises en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (LFSS 2023) pour mettre en œuvre cet axe majeur de la stratégie de santé.

Dans la lignée de la réorganisation en 2019 des consultations obligatoires des enfants, la LFSS 2023 met en place trois rendez-vous de prévention proposés aux adultes à trois périodes clés de la vie (20-25 ans, 40-45 ans, 60-65 ans). Il s’agit de prévenir l’apparition de facteurs de risques ou de pathologies spécifiques à chacun de ces âges de la vie. Ces rendez-vous prévention sont intégralement pris en charge par l’Assurance maladie sans avance de frais.

Toujours dans le volet prévention, la LFSS 2023 poursuit les efforts en matière de santé sexuelle, après la LFSS 2022 qui avait permis aux assurés une prise en charge intégrale du dépistage du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), sans prescription. La LFSS 2023 a prévu d’étendre cette mesure à deux autres infections sexuellement transmissibles (infection à Chlamydia trachomatis et gonococcie), avec un remboursement intégral pour les moins de 26 ans. La contraception hormonale d’urgence est également remboursée intégralement sans avance de frais pour toutes les femmes sans condition de prescription médicale.

Enfin, pour lutter contre le tabagisme, le plafonnement du prix du paquet à 10 euros a été supprimé, et les montants d’accises spécifiques et de minimum de perception ont été réévalués à la hausse avec une indexation sur l’inflation à partir de mars 2023. Cette mesure est complétée par la création d’une nouvelle catégorie fiscale pour les produits de tabac à chauffer qui seront désormais soumis à un régime fiscal similaire au reste des produits du tabac. Ces mesures doivent contribuer à la réduction du tabagisme et générer 215 M€ de recettes additionnelles en 2023, puis 465 M€ en année pleine à partir de 2024.

Un second axe de la stratégie nationale de santé 2018-2022 est la participation citoyenne à la gouvernance du système de santé. Cet axe est porté par plusieurs actions de consultations et concertations citoyennes, dont la plus récente est le volet santé du Conseil National de Refondation (CNR santé). Le CNR santé met les citoyens, les professionnels de santé, les élus, le réseau de l’Assurance maladie, des ARS et des préfectures au cœur de concertations sur quatre thématiques, notamment la prévention, l’attractivité des métiers de santé, l’accès aux soins, et la permanence de ces soins. Il s’agit en particulier d’identifier, après une première phase de diagnostic sur les principales difficultés rencontrées, des initiatives prometteuses à soutenir voire à diffuser, en partant des besoins des acteurs de terrain, et en mobilisant le cas échéant des financements issus du fonds d’intervention régional pour un montant total de 30 M€ en 2023.

La loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, qui traduit les ambitions de « Ma Santé 2022 », a posé les premiers jalons d’une réforme de notre système de santé. Le Ségur de la santé a accéléré cette dynamique et a permis d’engager rapidement les transformations visant à revaloriser les métiers de la santé. La transformation de l’hôpital sera poursuivie, conformément aux annonces du Président de la République de janvier 2023.

La LFSS 2022 a poursuivi les engagements du Ségur de la santé. L’Ondam 2022 a ainsi intégré 12,7 Md€ de financement au titre des composantes du Ségur, dont 7,3 Md€ consacrées aux revalorisations salariales des personnels de santé (hors secteur médico-social). En 2022, il s’agit en particulier de l’extension de la revalorisation socle du Ségur au secteur médico-social ainsi que de la mesure de renforcement de l’attractivité, qui consiste en une revalorisation des grilles de plusieurs métiers de la fonction publique hospitalière, pour 635 millions d’euros. L’Ondam 2022 prévoit également le financement des mesures prévues dans l’avenant n°9 à la convention médicale signé en juillet 2021. Cet avenant définit notamment les modalités de rémunération des médecins libéraux au titre de leur participation au service d’accès aux soins (SAS) prévu dans le pilier 4 du Ségur de la santé qui poursuit ainsi son déploiement en 2022. Avec la fin de la montée en charge du Ségur, l’Ondam 2023 intègrera un financement de 13,4 Md€.

De plus, d’autres revalorisations ont concerné les composantes salariales des professionnels de santé en établissement, notamment à travers les majorations recommandées par la mission sur les urgences et les soins non programmés. Ces revalorisations ont été prorogées jusqu’en août 2023, dans l’attente de la mise en place d’un plan sur la rémunération du travail de nuit et de la permanence des soins.

Par ailleurs, une réforme du financement des établissements de santé va être engagée, conformément aux annonces présidentielles en date du 6 janvier 2023, pour aller vers un nouveau système de financement comportant une part structurante de la rémunération des établissements de santé publics et privés qui repose sur des objectifs de santé publique négociés à l’échelle d’un territoire, une rémunération des missions réalisées et le maintien d’une part de financement à l’activité. Cette réforme se traduira par une mesure dans le PLFSS pour 2024.

L’accès aux soins constitue également une ambition majeure. Pour mieux répondre aux besoins d’accès aux soins et aux différents professionnels de santé, le numerus clausus limitant le nombre d’étudiants en médecine a été remplacé par des objectifs nationaux pluriannuels. Ces objectifs sont fixés en collaboration entre les agences régionales de santé (ARS) et les universités de médecine pour répondre aux besoins régionaux en termes de médecins tout en respectant la capacité de formation des universités. D’autres mesures ont été actées, notamment la possibilité pour les infirmiers, pharmaciens, et sages-femmes de vacciner, et une majoration de 15 euros pour les médecins libéraux qui prennent en charge des soins non programmés pour des personnes hors de leur patientèle.

La réforme « 100% santé » facilite également l’accès aux soins des assurés ayant des complémentaires santé solidaires ou complémentaires santé responsables. Cette réforme garantit une prise en charge à 100% sur un panier de soins et d’équipements pour trois postes de soins qui présentaient les restes à charge les plus élevés : l’optique, l’audiologie, et le dentaire. Ces secteurs représentent également des taux de renoncement aux soins les plus élevés, notamment dans le segment des traitements dentaires où le taux renoncement est de 5,7 % comparé à 2 % de taux de renoncement aux soins médicaux au global en 2020 (indicateur 2-5-2). La réforme est mise en place progressivement depuis 2019 à travers des plafonnements de prix et des baisses de reste à charge, jusqu’à une prise en charge intégrale de l’ensemble des soins et équipements relevant du panier désigné en janvier 2021.

Enfin, l’année 2023 a également vu en ville l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations conventionnelles avec les professionnels de santé, avec notamment les médecins, les transporteurs sanitaires, les sages-femmes et les masseurs-kinésithérapeutes.

Lors de la négociation de la convention médicale, diverses mesures ont été envisagées et pour certaines retenues dans le cadre du règlement arbitral notamment pour lutter contre les difficultés d’accès aux soins. En effet, le règlement arbitral simplifie les modalités de recrutement des assistants médicaux, prévoit des revalorisations spécifiques (augmentation du forfait patientèle médecin traitant, création d’une consultation initiale d’inscription en tant que médecin traitant pour les patients en ALD…) et intègre les mesures prises à l’été 2022 sur les soins urgents et non programmés avec une majoration de 15€ pour les soins non programmés adressés par le SAMU ou le SAS ainsi que la rémunération au taux horaire de 100€ des médecins libéraux régulateurs.

L’année 2023 a également vu l’ouverture des négociations avec les chirurgiens-dentistes libéraux en vue de la signature d’une nouvelle convention. Ces négociations s’articulent autour de quatre objectifs prioritaires : renforcer la prévention bucco-dentaire, assurer un égal accès aux soins dentaires sur l’ensemble du territoire, engager une évolution du dispositif 100% santé dentaire et améliorer la prise en charge des publics fragiles.

L’année 2023 confirme également le dynamisme des négociations conventionnelles avec les sages-femmes (Avenant n°5 en 2021 et avenant n°6 en 2022) avec l’ouverture d’une nouvelle négociation relative à l’avenant n°7 à la convention nationale pour renforcer le rôle des sages-femmes en matière de prévention, lutter contre les difficultés d’accès aux sages-femmes libérales sur le territoire et améliorer le lien entre la ville et l’hôpital.

Conformément aux engagements du Ségur de la Santé, un soutien massif est apporté à l’investissement en santé. Ce plan exceptionnel, reposant sur une enveloppe de 19 Md€, comporte un accompagnement de l’investissement en santé de 6 Md€ (dont 2,5 Md€ pour les établissements sanitaires, 1,5 Md€ pour les établissements médico-sociaux et 2,5 Md€ pour le numérique en santé) et un programme de 13 Md€ prévu par l’article 50 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021. Ce dernier est destiné à permettre aux établissements assurant le service public hospitalier de retrouver rapidement les leviers de financement permettant de maintenir et renouveler leur outil de production de soins. Il vise à permettre la restauration des capacités de financement des établissements et à accompagner la transformation du service public hospitalier sur le territoire en limitant leur recours à l’endettement (indicateur n°2-15).

La suite de cette synthèse revient sur les résultats obtenus au regard des six grands objectifs retenus dans ce rapport en matière de politique de santé.

Objectif n°1 : Développer la prévention

Selon les dernières données internationales disponibles, la France occupe en 2020 le quatrième rang mondial pour l’espérance de vie à 65 ans chez les femmes et le huitième chez les hommes, avec respectivement 23,4 ans et 19,3 ans (indicateur n°1-3-1). En revanche, la mortalité prématurée, avant 65 ans, est relativement élevée. En 2017 (dernière année disponible), la France se situe au niveau de la moyenne européenne : 190 décès pour 100 000 habitants contre 202 décès pour 100 000 dans l’UE-28 (indicateur n°1 2 2). Des écarts substantiels d’espérance de vie existent selon la catégorie socioprofessionnelle et le niveau de vie, même si l’espérance de vie a globalement augmenté pour toutes les catégories (indicateur n°1 3 2). Ces résultats sont à mettre en relation avec les conditions de vie et notamment l’exposition à certains facteurs de risques, tels que la pollution de l’air, la consommation de tabac et d’alcool ou les déséquilibres nutritionnels.

 

 

Des actions de prévention pour réduire les facteurs de risque

La sécurité sociale met en œuvre un grand nombre d’actions de prévention au profit des assurés. Des programmes d’accompagnement des patients, de participation aux campagnes de prévention ciblées (dépistage du cancer, vaccination antigrippale, etc.), ainsi que des dispositifs conventionnels et d’accompagnement individualisé des professionnels de santé.
En plus des actions menées habituellement, la crise sanitaire liée à la Covid-19 s’est traduite par des actions de prévention effectuées afin de limiter la propagation du virus : vaccination, gestes barrière, stratégie « tester, alerter, protéger », actions d’aller vers, etc. (cf. indicateur 2-3-4 sur la vaccination).

Santé publique France estime que 30 % de la mortalité prématurée est imputable aux conduites individuelles, au premier rang desquelles le tabagisme, la consommation d’alcool, l’alimentation ou le manque d’exercice. En particulier, la prévalence du tabagisme quotidien demeure élevée en 2020 : elle concerne plus d’un quart de la population de plus de 18 ans (indicateur n°2-1-3), même si elle baisse légèrement ces dernières années (31 % en 2005, contre 26 % en 2020).
Face à ce constat, le Gouvernement a renforcé la lutte contre le tabagisme afin de concrétiser les objectifs ambitieux  du programme national de réduction du tabagisme 2018-2022 : il a procédé à un relèvement important de la fiscalité, ainsi qu’au déplafonnement du prix du paquet comme indiqué supra. Il a en parallèle intensifié les actions de prévention auprès des populations les plus touchées et promu des dispositifs d’accompagnement de l’arrêt de la consommation.
Depuis le 1er janvier 2019, les substituts nicotiniques sont remboursés à 65 % par l’assurance maladie obligatoire, sans plafond. 
Depuis le début de la décennie 2010, la prévalence moyenne de l’obésité et du surpoids se réduit chez les enfants de grande section de maternelle et chez les élèves de CM2, pour lesquels la prévalence de la surcharge pondérale est la plus importante des classes d’âge étudiées (18 % des élèves de CM2 en 2014-2015, indicateur n°2-1-1). Par ailleurs la généralisation de l’expérimentation « mission retrouve ton cap » par la LFSS 2022 met en place un parcours pluridisciplinaire (diététicien, psychologue, activité physique) pour les enfants de 3 à 12 ans afin d’éviter la constitution d’une obésité persistante à l’âge adulte et la survenue de complications métaboliques.
La stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 prévoit de renforcer les programmes de dépistage grâce à des évolutions organisationnelles et technologiques. Elle prévoit également le renfort de la recherche dans le domaine des dépistages afin de disposer de tests plus efficaces, de développer de nouveaux dépistages (cancer du poumon, cancer de la prostate) et d’orienter chacun vers un dépistage plus personnalisé prenant mieux en compte les risques individuels. Le dépistage précoce des cancers permet en effet de limiter la mortalité liée à ces pathologies. A l’horizon 2025, la stratégie vise à dépasser les objectifs de couverture recommandés au niveau européen en matière de dépistage des cancers (70 % pour le cancer du sein, 65 % pour le cancer colorectal, 70 % pour le cancer du col de l’utérus), notamment en levant les inégalités d’accès et de recours au dépistage. A cette fin, elle prévoit la réalisation d’un million de dépistages en plus en 2025, qui viendraient s’ajouter aux 9 millions de dépistages réalisés chaque année. En 2020, en raison de la crise sanitaire qui a limité l’accès aux centres et les actions de prévention, les taux de couverture des différents programmes de dépistage ont baissé. Ils ont augmenté en 2021 pour atteindre 51 % pour le cancer du sein, 59 % pour le cancer du col de l’utérus et 35 % pour le cancer colorectal, sans toutefois parvenir aux objectifs fixés (indicateur n°2-2-1).

 

 

 

Un renforcement de la couverture vaccinale

Les résultats sont encourageants concernant les actions de prévention par la vaccination (indicateur n°2 3-1). Pour rendre efficace la protection collective contre des maladies évitables, l’obligation vaccinale a été étendue pour les enfants de moins de 18 mois, nés à compter du 1er janvier 2018, à onze vaccins, c’est-à-dire les huit vaccins déjà recommandés en sus des trois auparavant obligatoires.
Le taux de couverture vaccinale contre la grippe des personnes fragiles (en particulier les personnes âgées de plus de 65 ans) s'établit à 57 % en 2021-2022 (indicateur n°2-3-2). L’augmentation constatée depuis 2020 s’explique par le contexte de l'épidémie de Covid-19 qui a encouragé la vaccination. Par ailleurs, la LFSS 2019 permet aux personnes majeures ciblées par les recommandations vaccinales de se faire vacciner par le professionnel de leur choix : médecin, sage-femme, infirmier et pharmacien volontaire.

 

Objectif n°2 : Assurer un égal accès aux soins

L’égalité d’accès aux soins est un objectif majeur des politiques de santé publique. Il recouvre d’une part l’accessibilité à une offre de soins adaptée aux besoins de la population, en particulier quant à sa répartition sur le territoire, et d’autre part un niveau maîtrisé des dépenses de santé restant à la charge des assurés.

 

 

La part des dépenses de santé laissée à la charge des ménages la plus faible des pays de l’OCDE : 7 % en 2021

Sur le plan financier, le niveau de prise en charge par les administrations publiques (principalement par la sécurité sociale, et à titre secondaire par l’État et les collectivités locales) est élevé : il s’établit à 80,2 % en 2021, en progression de 2,6 points par rapport à 2011 (indicateur n°2-4-1). Cela tient notamment à la prise en charge à 100 % par l’assurance maladie obligatoire des dépenses liées à l’épidémie (téléconsultations, vaccins et tests PCR, etc.) qui a représenté une économie équivalente pour les organismes complémentaires. En arrêtant les chiffres à 2019, le taux de prise en charge par les administrations publiques avant les dépenses liées à la crise sanitaire était 0,8 point plus bas, mais demeure élevé à 79,4% et croît depuis 10 ans. La France figure ainsi parmi les pays de l’OCDE qui consacrent une part importante de leur richesse à la fois aux dépenses de santé et à leur prise en charge publique. Ce niveau de couverture publique fondé sur une logique de solidarité via une mutualisation des risques et un financement proportionnel aux revenus contribue de façon sensible à la réduction des inégalités de niveau de vie.
La part des dépenses de santé laissée à la charge des ménages après intervention des complémentaires santé s’établit à 7 % en 2021, stable par rapport à 2019 (- 0,2 point) (cf. graphique 1). Sur une période plus longue, la baisse est quasi-généralisée à toutes les composantes de la consommation à l’exception de l’optique médicale (du fait d’une pénétration encore limitée du « 100 % santé » et d’une baisse de la prise en charge de l’Assurance maladie sur les produits au tarif libre).

 

Graphique 2 ● Part des dépenses directe de santé restant à la charge des ménages

Source : indicateur n°2-4-1 et Drees, Comptes de la santé 2022.
Champ : Consommation de soins et de biens médicaux prise (CSBM)

Sur longue période, ce recul est en partie dû à des facteurs structurels (particulièrement progression des effectifs en affection de longue durée exonérés de ticket modérateur sur les soins en lien avec l’affection et croissance plus dynamique des postes de dépenses les mieux remboursés, mais aussi hausse de la qualité des contrats complémentaires,), et plus récemment à la mise en place du 100 % santé ainsi qu’au ralentissement des dépassements d’honoraires des médecins.

 

 

Les obstacles financiers à l’accès aux soins

Les indicateurs d’accès aux soins des assurés aux revenus modestes présentent un bilan plus contrasté. 
D’une part, les efforts financiers en matière de soins restent contenus pour les ménages disposant de faibles revenus : selon les dernières évaluations disponibles, en 2017, le reste à charge en santé représentait ainsi 2 % du revenu disponible des 10 % de personnes aux revenus les plus faibles (contre 0,5 % pour les personnes du dernier décile, indicateur n°2-4-2). Les taux d’effort sont stables par rapport à 2017.
Mais, d’autre part, selon les statistiques sur les ressources et les conditions de vie de l’Insee, en 2020, 2,0 % de la population âgée de 16 ans et plus a déclaré avoir dû renoncer à des soins pour raisons financières. Cette proportion est plus élevée parmi les 20% les plus modestes (3,9%), et plus élevée pour certains soins comme les soins dentaires (respectivement 5,7% et 9,7%). La mise en place du panier sans reste à charge dans le cadre du 100% santé devrait faire baisser le renoncement aux soins des plus vulnérables .
Les deux dispositifs historiques d’accès aux soins à destination des populations précaires (CMU-c et ACS) ont fusionné en novembre 2019 pour constituer la complémentaire santé solidaire (C2S). Celle-ci offre une assurance santé complémentaire, prenant en charge la quasi-totalité des frais engagés, sur un large panier de soins (au-delà de la prise en charge des tickets modérateurs en ville et à l’hôpital, en optique, dentaire, aide auditive, mais aussi un grand nombre de dispositifs médicaux antérieurement non pris en charge par l’ACS, au-delà de la part couverte par l’Assurance maladie obligatoire). Cette réforme est particulièrement favorable aux personnes âgées (dont les niveaux de primes d’assurance sont élevés) mais aussi aux personnes en situation de handicap (à travers l’accès à une prise en charge intégrale des dispositifs médicaux – fauteuils roulants, pansements, sondes par exemple).

A fin décembre 2022, 7,4 millions de personnes sont couvertes par la C2S pour l’ensemble du territoire et des régimes d’assurance maladie. 5,9 millions bénéficient de la C2S sans participation et 1,5 million de la complémentaire santé participative (C2SP). Cette participation financière s'élève au plus à 1 euro par jour et par personne. Le nombre de bénéficiaires a augmenté de 4 % par rapport à décembre 2021 (7,1 millions), ce qui s’explique par des mesures de la LFSS 2022 en faveur de l’accès aux droits à la C2S : l’attribution automatique de la C2SG pour les nouveaux allocataires du RSA et la simplification des déclarations de ressources pour les non allocataires du RSA, grâce à l’utilisation par les caisses du dispositif des ressources mensuelles (indicateur n°2-5-1).
 

 

 

La régulation des dépassements d’honoraires et des tarifs des soins

Dans certaines zones telles que les grandes agglomérations, les patients peuvent rencontrer des difficultés à accéder à une offre de soins à tarifs opposables, sans dépassements d’honoraires. 
Depuis 2018, dans tous les départements, moins de 20 % des omnipraticiens exercent en secteur à honoraires libres. Néanmoins, l’accès à des spécialistes libéraux à tarifs opposables demeure moins aisé. En 2021, la proportion de spécialistes qui définissent librement leurs honoraires (spécialistes de secteur 2) et peuvent donc pratiquer des tarifs supérieurs à ceux établis par la sécurité sociale, est de 51 %. Elle a augmenté en moyenne de 34 points entre 2010 et 2021 (indicateur n°2-4-4 et graphique 3), avec de fortes disparités en fonction des spécialités.

 

Graphique 3 ● Accès aux soins à tarifs opposables, pour les généralistes et les spécialistes

Source : Cnam.
Lecture : en 2021, 51 % de la population réside dans des départements où plus de la moitié des spécialistes exercent en secteur 2 (autorisé à pratiquer des dépassements d'honoraires)

Le taux de dépassement moyen – rapport du montant des dépassements pratiqués par les médecins à honoraires libres aux honoraires sans dépassement – s’établit à 45 % en 2021, retrouvant son niveau de 2019 et en baisse de 10 points depuis 2010 (cf. graphique 4).
Ce résultat traduit les efforts de l'Assurance maladie et des médecins libéraux pour maîtriser les dépassements tarifaires. Le contrat d’accès aux soins (CAS) mis en place fin 2013 et remplacé ensuite en 2017 par l’option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM), a contribué à modérer les dépassements d’honoraires.
En étant signataire de l’OPTAM, les médecins s’engagent à ne pas dépasser le taux moyen de 100 % de dépassement d’honoraires, basé sur les tarifs du secteur 1. Ce taux moyen de dépassement est calculé par l’Assurance Maladie en fonction de l’activité des trois dernières années. À partir du 20 juillet 2020, les médecins qui ont respecté leurs engagements au titre de l’année 2019 reçoivent une prime. En 2020, 8 600 médecins ont reçu une prime d’un montant global de 66 M€ (en moyenne 7 640 euros pour les médecins généralistes et 9 000 euros pour les spécialistes).

Graphique 4 ● Taux de dépassement moyen des médecins en secteur 2

Source : Cnam.

Enfin, les dépassements d’honoraires et tarifaires de certains soins ou dispositifs médicaux représentent une part importante de l’ensemble du reste à charge des ménages, notamment en dentaire, optique et audiologie. En concertation avec les professionnels de ces secteurs, le Gouvernement a défini un panier de soins « 100 % santé » en optique, dentaire et aides auditives pour lequel les assurés bénéficient d’un reste à charge nul après remboursement par les assurances maladie obligatoire et complémentaire. Le taux de pénétration des dispositifs « 100 % Santé » diffère selon les domaines. Il est plus important pour le dentaire, avec 55,5 % des équipements relevant du dispositif sur le second semestre 2022, et les audioprothèses (39,3 %) que pour l’optique (18,0 %).

 

Objectif n°3 : Garantir les moyens nécessaires au système de santé

La crise sanitaire a eu un impact majeur sur l’activité des établissements de santé. Les services de réanimation ont été très fortement sollicités dans les régions les plus exposées à l’épidémie et les capacités ont été globalement doublées sur l’ensemble du territoire. A l’inverse, certaines interventions non urgentes ont été déprogrammées et l’activité des services et établissements moins directement en lien avec la crise a baissé à partir de la mi-mars 2020. En réponse à cette situation, le Gouvernement a aménagé la tarification à l’activité pour l’année 2020 et substitué à ce mécanisme un dispositif de garantie de ressources des établissements de santé. Au regard de la persistance de la crise sanitaire et de son impact durable sur le fonctionnement des établissements de santé, il a été décidé de prolonger la garantie de recettes, dans un premier temps au premier semestre 2021, puis à l’ensemble de l’année 2021, et enfin à l’ensemble de l’année 2022.

 

 

Des inégalités de répartition des professionnels de santé persistantes

En 2022, on comptait en France 229 000 médecins généralistes et spécialistes, en forte hausse depuis les années 1980, avec une croissance supérieure à celle de la population (indicateur n°1-4-1). Même si la densité moyenne de médecins spécialistes (libéraux et salariés) a augmenté en dix ans, les écarts de densité observés se maintiennent, avec un nombre de spécialistes pour 100 000 habitants deux fois plus élevé dans les départements les mieux dotés que dans ceux les moins bien dotés. Les densités les plus élevées correspondent aux départements contenant les grandes agglomérations, avec Paris en tête (646 pour 100 000 habitants), ou au pourtour méditerranéen. Les départements les moins bien dotés sont ceux de Mayotte et de l’Eure (respectivement 41 et 73 spécialistes pour 100 000 habitants). 15 autres départements n’atteignent pas 100 spécialistes pour 100 000 habitants.

 

Carte 1 ● Densité de médecins spécialistes en 2022

Sources : REPPS 2022, ASIP-Santé ; estimations de population 2022, Insee ; traitements Drees. 
Champ : France métropolitaine et DROM, hors Mayotte. ©geofla 2019

 

L’évolution de la rémunération des professionnels de santé

En 2019, le salaire mensuel net d’un équivalent temps plein dans le secteur hospitalier s’élève en moyenne à 2 333 € : 2 380 € dans le secteur public, 2 337 € dans le secteur privé non lucratif et 2 026 € dans le secteur privé lucratif (cf. indicateur n°2-7-1). Ces résultats sont antérieurs à la crise sanitaire et au Ségur de la santé.
Entre 2015 et 2019, le revenu d’activité libérale des médecins libéraux a augmenté de 5 %, soit une croissance proche de celle du salaire moyen dans le secteur privé. Les spécialistes ont vu leur revenu progresser de 6 %, tandis que la rémunération des généralistes a augmenté de 3 % sur la période. Les infirmiers ont vu quant à eux leur revenu baisser de 3 % par rapport à leur niveau de 2015 (cf. indicateur n°2-7-2). Ces résultats concernent uniquement les professionnels de santé libéraux. 

Dans le cadre des accords du Ségur de la santé, une augmentation de 183 euros nets par mois a notamment été accordée à 1,5 million de professionnels des établissements de santé et des EHPAD. Toutes mesures du Ségur et de ses suites confondues, jusqu’aux mesures en faveur des travailleurs du social annoncées le 18 février 2022, le nombre de personnels revalorisés a été de près de 1,9 million.

 

Objectif n°4 : Améliorer la qualité de la prise en charge des patients

L’amélioration de la qualité des soins doit s’appuyer sur la promotion des meilleures pratiques, sur la bonne coordination des soins fournis par les différents offreurs de soins, notamment dans les champs ambulatoire et hospitalier, ainsi que sur la formation continue des professionnels de santé.

 

 

Renforcer la transversalité de prise en charge entre les établissements de santé et la médecine de ville

La lettre de liaison est un document clé de la transmission d’informations relatives aux patients entre les professionnels de santé de ville et ceux exerçant en établissement de santé. La qualité de la lettre de liaison fait l’objet d’une évaluation. On note une amélioration de la qualité entre 2016 et 2019. La Haute Autorité de Santé (HAS) a annulé le recueil prévu en 2020 afin d’alléger les contraintes pesant sur les établissements et les professionnels de santé en raison de la situation sanitaire due à la Covid-19. Le nouveau recueil de cet indicateur a été réalisé de mi-avril à fin septembre 2022 (cf. indicateur n°2-8-1).
Les programmes d'accompagnement au retour à domicile (PRADO) des patients après une hospitalisation visent à mieux coordonner la transition de la prise en charge entre hôpital et ville. Initié en maternité en 2010, ce dispositif a été étendu depuis à cinq autres domaines : chirurgie, insuffisance cardiaque, bronchopneumopathie chronique obstructive, accidents cardio-vasculaires et suivi des personnes âgées. En 2021, sous l’effet de la crise sanitaire, le nombre de patientes ayant bénéficié du PRADO a diminué de moitié en maternité, avec 100 000 prises en charge seulement. Une baisse du recours est également constatée pour la plupart des autres hospitalisations (chirurgie ou pathologies chroniques). L’épidémie de Covid-19 a en effet entraîné le report d’opérations programmées, notamment en chirurgie, et a conduit à mobiliser les conseillers de l’Assurance maladie sur l’accompagnement des sorties de patients Covid (indicateur n°2-8-3).

La loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé du 24 juillet 2019, modifiée par l’article 98 de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique du 7 décembre 2020, a prévu la mise en place d’un espace numérique de santé. Ce dispositif prolonge et complète le Dossier Médical Partagé (DMP) mis en place en 2016. Ces dispositions législatives ont notamment prévu une création automatique des profils « Mon espace » pour les assurés de tous les régimes d’assurance maladie obligatoire sauf pour ceux s’étant opposés à cette création automatique. Depuis juillet 2019, on constate une progression de l’alimentation du DMP sur mon espace santé. Celle-ci devrait s’accélérer avec les logiciels référencés Ségur qui doivent se déployer pour en faciliter alimentation (indicateur n°2-8-4).

 

 

Améliorer la qualité des soins

Plusieurs indicateurs permettent d’évaluer la qualité des soins.
La prévalence des infections contractées au cours d'un séjour dans un établissement de santé (infections nosocomiales) est un élément d’appréciation de la qualité des soins en milieu hospitalier. Après avoir baissé de 7,7 % entre 2001 et 2006, la prévalence des maladies nosocomiales s’est stabilisée sur la période 2007-2012 puis a augmenté de 5,7 % entre 2013 et 2017 (indicateur n°2-9-3).
Deux indicateurs traitent de l’engagement des offreurs de soins dans des démarches d’amélioration de la qualité des prises en charge. Chaque année, les établissements peuvent être certifiés avec ou sans réserve par la Haute Autorité de Santé (HAS). Les critères de certification deviennent de plus en plus exigeants entre les différentes versions des procédures de certification. Fin 2021, 2 367 établissements de santé ont fait l’objet d’une visite, 47 % ont obtenu une certification sans réserve et 52 % ont reçu une certification avec recommandation d’amélioration (indicateur n°2 10 1).

En 2020, la procédure de certification a été profondément réformée afin de renforcer l’adhésion par l’ensemble des professionnels et des usagers à la démarche de certification et de mise en cohérence de l’ensemble des éléments du dispositif : manuel, visite, rapport, processus décisionnel, diffusion publique des résultats. Le référentiel de certification reste universel mais celui-ci se veut aussi adapté en fonction du profil de l’établissement. Ainsi, en plus des critères génériques définis pour tous les établissements s’ajoutent des critères spécifiques qui se déclinent en fonction du type de population pris en charge, des modalités de prise en charge et également des activités de chacun des établissements. La nouvelle certification conserve le compte qualité qui sera structuré en cohérence avec le référentiel. Il sera utilisé par les établissements pour les évaluations internes avant visite et en suivi régulier, et par les experts-visiteurs au moment de la visite. La visite, dans ses modalités, ne va pas fondamentalement changer. Cependant, elle intègrera davantage la méthodologie des patients-traceurs. La méthode du patient-traceur permet d'analyser de manière rétrospective le parcours d'un patient de l'amont de son hospitalisation jusqu'à l'aval, en évaluant les processus de soins, les organisations et les systèmes qui concourent à sa prise en charge.

Par ailleurs, en 2021, la satisfaction moyenne des patients hospitalisés en Médecine ou chirurgie ou obstétrique (MCO) est de 73 %, elle est de 78 % en chirurgie ambulatoire (CA) et de 74 % en soins de suite et de réadaptation (cf. indicateur n° n°2 9 4).

Concernant les médecins libéraux, les indicateurs confirment les progrès des pratiques cliniques réalisés en matière de suivi des pathologies chroniques et de prescription dans le cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique ou ROSP (indicateur n°2 12 2), A titre d’exemple, après la forte baisse observée en 2020 due à la pandémie, l’indicateur de dosages d’HbA1c chez les patients diabétiques progresse significativement (+2,0 points). Les deux autres indicateurs relatifs au diabète restent stables (légère baisse du dépistage de la maladie rénale chronique avec -0,3 point). L’indicateur de dépistage de la maladie rénale chronique chez les patients hypertendus s’améliore (+0,8 point) : 36 % des médecins dépassent l’objectif cible. 
Le suivi des recommandations de bonnes pratiques cliniques dans le suivi du diabète s’est dégradé en 2020 en raison de la crise sanitaire. Sur la période 2010-2019, la proportion de personnes diabétiques ayant bénéficié d’au moins 3 contrôles a progressé de près de 14 points, passant de 42 % à 56 % (52,5 % en 2020). La tendance est identique pour les personnes diabétiques traitées pharmacologiquement ayant bénéficié d’au moins un dosage de la créatinine et des lipides. Ce résultat est à mettre en relation avec le programme d’accompagnement SOPHIA développé par la Cnam, dans le cadre duquel les infirmiers conseillers relaient les recommandations de bonnes pratiques des médecins traitants. Les objectifs de prévention des complications du diabète sont également intégrés aux actions menées avec les professionnels de santé, notamment dans le cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (cf. infra). Toutefois, des efforts sont à poursuivre, le suivi étant inégal selon les examens recommandés (indicateur n°2-1-2).

 

 

Objectif n°5 : Renforcer l’efficience du système de soins et développer la maîtrise médicalisée

L’Assurance maladie a, à l’issue du plus fort de la crise sanitaire, repris ses efforts pour contenir la progression tendancielle des dépenses de santé, en tenant compte des évolutions de l’environnement.
Compte tenu de la diminution de l’impact des actions de gestion du risque (GDR) depuis quelques années, l’Assurance maladie a engagé un programme ambitieux de rénovation de sa stratégie de gestion du risque (incluant la maîtrise médicalisée).
Les actions de maîtrise médicalisée visent notamment à un meilleur usage des soins et des produits de santé en incitant les offreurs de soins à améliorer leurs pratiques, à la fois en ville et à l’hôpital. Elles cherchent à réduire les consommations de soins médicalement non justifiés, et à promouvoir le respect de bonnes pratiques, notamment celles faisant l’objet de recommandations de la Haute autorité de santé.

 

 

Un bilan de la maîtrise médicalisée contrasté

L’objectif d’économies à atteindre dans le cadre de la maîtrise médicalisée est devenu de plus en plus ambitieux au cours du temps. Toutefois, en raison de la crise sanitaire, cet indicateur a été neutralisé en 2020 et les résultats présentés sont ceux des années antérieures. L’Ondam 2022 a réintégré les actions de maîtrise médicalisée, après une suspension au plus fort de la crise sanitaire. Ces actions visent à renforcer la pertinence et la qualité des soins et des prescriptions correspondant à des économies de 775 M€.

 

 

Dynamique des dépenses, notamment de médicaments, et mesures de régulation

En matière de médicaments, après trois années d’une croissance dynamique mais inférieure à 4,0 %, les dépenses de médicaments délivrés en officine de ville relevant du régime général (y compris les anciens affiliés au régime des indépendants) ont sensiblement augmenté entre 2019 et 2021 avec un taux de croissance annuel moyen de 5,7% en termes bruts (avant remises), portées par le transfert du circuit hospitalier au circuit officinal de certains anticancéreux et de produits indiqués dans le traitement de la cardiomyopathie et celui de la mucoviscidose initialement délivrés en rétrocession, puis inscrits au remboursement de droit commun et délivrés en officine de ville.. En perspective historique, les dépenses de médicaments étaient orientées à la baisse entre 2011 et 2015 ( 2,0 % en moyenne) et stables en 2016 et 2017 (indicateur n°2 10 1). L’augmentation récente s’explique principalement par l’arrivée en officine de ville de médicaments auparavant uniquement prescrits dans le cadre hospitalier, et par la déformation du marché vers des traitements innovants et coûteux.
Plus généralement, les dépenses de médicaments relevant de l’ONDAM (en ville et en établissement de santé) ont fortement progressé en 2022, au rythme de +9,6 % en termes bruts. Cette progression est ramenée à +4,1 % après déduction des recettes atténuatives (remises de prix, clause de sauvegarde)
L’un des moyens de maîtriser les dépenses de médicaments est d’encourager l’usage de génériques et biosmiliaires quand ils existent. Le taux de pénétration des génériques au sein du répertoire est de 90 % en 2021 et atteint pour la seconde année consécutive l’objectif, fixé depuis 2018 à 90 %. Ce résultat fait suite à la mise en œuvre de différentes mesures depuis juin 2012, comme la généralisation du « tiers payant contre génériques », la mise en place d’une rémunération sur objectifs de santé publique pour les pharmaciens d’officine, le plan national de promotion des médicaments génériques 2015-2017 (indicateur n°2 10 4) et la mesure dite article 66 (LFSS pour 2019) entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Afin d’accompagner et d’encourager le développement des biosimilaires, la LFSS 2022 a permis la substitution par le pharmacien entre médicaments biologiques d’un même groupe, levier supplémentaire à l’expérimentation article 51 débutée fin 2018 pour l'incitation à la prescription hospitalière de médicaments biologiques délivrés en ville (indicateur n°2 11 5). Bien que la part des biosimilaires reste encore modeste (25 % des volumes de vente des spécialités appartenant à la liste de référence des groupes biologiques similaires en 2021, soit 5 points de moins qu’en 2020), le développement des biosimilaires devrait être encouragé par les dispositifs expérimentaux d’incitation des services (ou pôles d’activité) prescripteurs à un plus grand recours à la prescription de médicaments biosimilaires, lorsque la prescription est exécutée en ville. Cette rémunération porte sur les groupes de médicaments pour lesquels des médicaments biosimilaires ont récemment été admis au remboursement, et dont la prescription est au moins pour partie hospitalière mais exécutée en ville (l’étanercept et l’adalimumab de la classe des anti-TNF alpha et l’insuline glargine)
La maîtrise des dépenses d’indemnités journalières maladie (IJ) constitue un autre levier d’action important, dans la mesure où ces indemnités, à destination des salariés en arrêt maladie, représentent plus de 10 % de l’ensemble des dépenses de soins de ville de l’Ondam (indicateur n°2 12 1). Les dépenses d’indemnités journalières maladie ont cependant été très dynamiques depuis la crise. Les indemnités journalières hors crise Covid relevant du champ de l’ONDAM ont augmenté de 7,9 % en 2022 pour atteindre 15,0 Md€. Ce rythme d’augmentation soutenu sur les dernières années (+5,7 % en 2021 et +6,1 % en 2020), est dû à un effet volume, mais également, depuis 2022, aux effets des hausses du SMIC et des salaires, ainsi qu’à la mise en place des indemnités journalières pour les professions libérales depuis juillet 2021. D’autre part, les indemnités journalières dérogatoires liées à la crise sanitaire ont atteint 1,8 Md€ en 2022 contre 0,9 Md€ en 2021. Toutefois, la crise sanitaire a aussi conduit à faciliter de façon générale l’accès à ces indemnités journalières, notamment pendant le premier état d’urgence sanitaire pendant lequel le délai de carence et les durées maximales de versement ont été suspendus.

 

 

Des actions destinées à renforcer l’efficience de la prise en charge à l’hôpital

Les capacités de soins dépendent notamment du nombre de lits disponibles et de la durée moyenne de séjour (DMS). Une part de l’efficience des établissements de santé peut être approchée par la durée moyenne de séjour.
Le développement d’alternatives à l’hospitalisation classique comme la chirurgie ambulatoire (indicateur n°2 11 4) contribue également à une meilleure efficience des dépenses de santé. Le taux national de chirurgie ambulatoire s’élevait à 59,2 % en 2019. En dépit de la crise sanitaire, il a progressé de 2,1 points entre 2019 et 2021, pour s’établir à 62,3 %. Le programme repose notamment sur l’amélioration de l’organisation des structures de soins, le renforcement de la coordination des acteurs dans une logique de parcours, le développement de la formation, tout en encourageant l’innovation, ainsi que le maintien d’un haut niveau de qualité et de sécurité des soins.

 

Graphique 5 ● Part des séjours en chirurgie ambulatoire

Sources : ATIH, PMSI-MCO

La diminution de la durée moyenne de séjour des patients hospitalisés en court séjour, puis transférés en soins de suite et de réadaptation (SSR), traduit une meilleure articulation entre soins aigus et SSR, notamment par une augmentation de l’offre de soins d’aval (indicateur n°2 12 5).
Enfin, l’épidémie de Covid-19 a mis en lumière certains risques associés à une réduction du nombre de lits. Le Ségur de la santé prévoit ainsi de financer l’ouverture ou la réouverture de 4 000 lits « à la demande ».
Par ailleurs, les établissements publics hospitaliers ont pour objectif de réaliser des gains dans le secteur des achats, dans le cadre du programme de performance hospitalière pour des achats responsables (PHARE), lancé en 2011. En 2021, 363 M€ de gains ont été réalisés, contre 455 M€ en 2019 (indicateur n°2-11-2).

 

Des établissements publics de santé en déficit

En 2021, les comptes financiers des hôpitaux publics clôturent sur un déficit de 391 M€  sur leur budget principal. Ce déficit reste principalement concentré sur quelques catégories d’établissements, notamment l’assistance publique – hôpitaux de paris (AP-HP). L’évolution du solde des établissements publics de santé est décrite plus en détail dans la fiche indicateur 2-4-1.
L’encours de la dette est stable depuis 2019 et atteint 31,0 Md€ en 2021. Exprimé en pourcentage des recettes, l’encours de la dette des hôpitaux publics a atteint un point haut en 2013 (42 %) et recule depuis, lentement mais régulièrement. Il s’établit à 34 % des recettes en 2020, après 36 % en 2019. Notons toutefois que 31 % des hôpitaux sont en situation de surendettement (indicateur n°2-13). Les investissements des hôpitaux publics représentent 3,9 Md€ en 2020, comme en 2019. Après un léger rebond en 2019, l’effort d’investissement a de nouveau baissé en 2020 pour s’établir à 4,4 % des recettes.
Afin de répondre à cette double problématique de réduction de la dette et de relance de l’investissement, le Ségur de la santé met en œuvre un plan d’investissement de 6 Md€ sur cinq ans dans le système de santé, venant s'ajouter aux 13 Md€ de dotations prévus à l’article 50 de la LFSS pour 2021. Ce dispositif se répartit en deux volets poursuivant deux objectifs :
•    Le soutien à la restauration des capacités financières des établissement permettant d’assurer la continuité, la sécurité et la qualité du service public hospitalier (6,5 Md€)
•    Le soutien à des opérations structurantes d’investissements immobiliers ou mobiliers concourant à l’amélioration et à la modernisation des établissements de santé assurant le service public hospitalier (6,5 Md€)

 

 

Limiter et prévoir les pénuries de médicaments

La crise sanitaire a également mis en lumière les risque de pénuries de médicaments et de vaccins en France. En 2021, environ 527 médicaments ont fait l’objet d’un signalement de rupture de stock, ou de risque de rupture, à un moment de l’année, contre 214 en 2016. Cela concerne notamment des médicaments anti-cancéreux, contre la maladie de Parkinson, et des vaccins. Les difficultés d'approvisionnement ont des origines multifactorielles : complications survenues lors de la fabrication des matières premières ou des produits finis, défauts de qualité sur les médicaments, capacité de production insuffisante, morcellement des étapes de fabrication, etc. Par ailleurs, la demande mondiale de médicaments est croissante ce qui accentue les tensions sur le système de production. L’augmentation apparente du nombre de ruptures ou de risques de ruptures signalés (indicateur n°2 10 7) est essentiellement le fait du renforcement des obligations déclaratives des laboratoires pharmaceutiques dans le cadre des plans visant à réduire les risques de rupture de stock de médicaments. Le Gouvernement a engagé un plan de lutte contre ces ruptures, qui s’appuie notamment sur le « décret stock » prévoyant pour les industries de santé une obligation de stock pour certains médicaments pouvant aller jusqu’à 4 mois.

 

Objectif n°6 : Améliorer progressivement la situation financière de la branche maladie

Durant la décennie 2010-2019, la maîtrise des dépenses avait permis un redressement de la situation financière de la branche maladie, dont le déficit avait été ramené à 0,8 Md€ en 2018 et 1,5 Md€ en 2019. En 2020 et 2021, la crise sanitaire a fortement affecté la branche, qui accuse un déficit de 30,5 Md€ et 26,1 Md€ respectivement.
En 2022, le déficit de la branche maladie s’est redressé mais demeure à un niveau élevé (21,0 Md€), malgré la poursuite du rebond de la conjoncture économique, et un contexte inflationniste favorable à l’équilibre financier de la branche à court terme. Une part importante de l’amélioration tient à la forte diminution des coûts covid (passés de 18,3 Md€ en 2021 à 11,7 Md€ en 2022, toutes branches confondues). En effet, la progression de la masse salariale dans un contexte inflationniste marqué ainsi que par la fin des exonérations exceptionnelles accordée aux employeurs pour faire face à la crise sanitaire et économique ont été favorables à la croissance des cotisations salariales et patronales, mais également à la croissance des recettes fiscales (principalement TVA). Ainsi, les recettes de la branche maladie ont vu une croissance de 5,6 % entre 2021 et 2022.
Les dépenses, tirées par l’allongement du congé paternité ainsi que par la revalorisation de la pension d’invalidité de 1,8 % en avril puis 4,0 % en juillet 2022, progressent plus lentement en 2022 (+2,9 %) grâce à la baisse considérable des coûts liés à la crise sanitaire ; le taux de progression de l’Ondam a ainsi lui aussi progressé de 2,9%, à l’instar de l’ensemble des charges de la branche maladie.
En 2023, le déficit de la branche maladie se redresserait nettement grâce à la baisse continue des charges liées à la lutte contre la Covid-19 (provisionnées à hauteur de 1 Md€), et atteindrait 7,9 Md€ selon les plus récentes projections de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Il continuera à baisser jusqu’en 2026 pour atteindre 4 Md€.

 

Graphique 6 ● Solde financier de la branche

Source : CCSS 2023 pour comptes clôturés et LFRSS 2023 pour prévisions
P : prévisions

 

Lutte contre la fraude et recours contre tiers

Un plan de lutte contre la fraude est mis en place annuellement par l’assurance maladie afin de dissuader les fraudes, pratiques fautives et abusives de l’ensemble des acteurs. Depuis 2011, à la demande de la Direction de la sécurité sociale et de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, ce plan distingue d’une part, les fraudes et les activités fautives détectées et stoppées et, d’autre part, les activités abusives. Le montant des économies directes réalisées dans ce domaine a atteint près de 161 M€ en 2020 dépassant l’objectif de 130 M€ (indicateur n°2 14 4). En 2021, les actions de l’assurance maladie en matière de lutte contre la fraude ont été fortement marquées par les confinements et la mobilisation des équipes de l’assurance maladie sur les activités prioritaires en lien avec la gestion de la crise sanitaire. Dans la continuité des dispositions de la LFSS 2023, le plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques présenté par le Gouvernement en mai 2023 permettra d’accroître les outils de détection, de prévention et de sanction de l’ensemble des fraudes à l’assurance maladie. 
Un dernier enjeu mentionné dans le rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale « maladie » porte sur la relance de l’utilisation de la procédure de recours contre tiers par les régimes d’assurance maladie. Elle a permis de récupérer 755 M€ en 2021, soit 0,44 % des prestations légales nettes des régimes (indicateur n°2 14 3). En 2020, les produits de recours contre tiers bruts avaient subi une baisse (-17,2 %), en 2021 ils retrouvent un niveau supérieur à celui de 2018.

 

Conclusion

Jugée à l’aune des principaux indicateurs de ce rapport, la politique de sécurité sociale « maladie » remplit globalement les objectifs qui lui sont assignés, mais présente certaines marges de progrès :

D’importants efforts doivent être portés sur la prévention. Si les comportements à risque se réduisent avec une diminution du tabagisme, de la consommation d’alcool et de la prévalence moyenne du surpoids des enfants, certains facteurs de risques ne dépendent pas des comportements individuels. La pollution de l’air par exemple a un fort impact sur la santé de la population. Le taux de vaccination contre la grippe et les dépistages du cancer n’atteignent pas les cibles fixées. La Covid, introduit une nouvelle dimension aux actions de prévention rappelant que les bons gestes permettent de se protéger et de protéger les autres. Toutefois, elle s’est aussi traduite par une diminution de certains actes de prévention.

La proportion de personnes à revenus modestes qui déclarent renoncer à des soins pour des raisons financières reste élevée, et justifie la poursuite des efforts dans ce domaine, via l’amélioration de la prise en charge des soins pour les personnes modestes au travers de la mise en place de « la complémentaire santé solidaire » et de la réforme « 100 % santé » visant à assurer un reste à charge nul pour les patients en optique, prothèses auditives et dentaire et la montée en charge progressive du tiers payant.

La crise sanitaire traduit une rupture en termes de politiques publiques de santé. Les capacités en lits de soins critiques ont été globalement doublées sur l’ensemble du territoire afin de garantir l’accès au système de soins. La mise en place de 4 000 lits « à la demande » doit permettre de continuer à mieux adapter l’offre de soins aux besoins. Toutefois, des inégalités de répartition des professionnels de santé persistent. Par ailleurs, dans le cadre des accords du Ségur de la Santé, une augmentation de 183 euros nets par mois a été accordée à 1,5 million de professionnels des établissements de santé et des EHPAD.

Face à l’urgence, les indicateurs de suivi de la qualité des soins ont été moins bien renseignés durant la crise. Il conviendra de poursuivre les efforts engagés, en particulier en termes de prescriptions médicale et d’hospitalisation à domicile. Le lancement du pilote « Mon espace santé » et la généralisation du dossier médical partagé doivent ainsi contribuer à l’amélioration du suivi des patients.

Pour renforcer l’efficience du système de soins tout en limitant l’endettement des établissements de santé la « maîtrise médicalisée des dépenses d’assurance maladie » a fixé des objectifs toujours plus ambitieux. Toutefois, les économies réalisées estimées à 377 M€, en 2019 sont largement inférieures à l’objectif fixé (51 %). Une attention particulière est également portée aux pénuries de médicaments. Si la forte augmentation des pénuries s’explique, pour partie, par le renforcement des obligations déclaratives, des mécanismes sont mis en place pour permettre la diminution du nombre de ruptures de stock.

La nécessité d’un système équilibré financièrement a été reléguée au second plan lors de la crise sanitaire afin de garantir la sécurité de tous. Les mesures adoptées se sont traduites par des déficits importants qu’il convient désormais de résorber.

 

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