Objectif n°2 : Assurer un égal accès aux soins
L’accessibilité financière des soins, mesurée à travers l’indicateur « Limiter le reste à charge des ménages » (indicateur n°2-4) repose sur l’observation de la consommation de soins, mais également sur la mesure du renoncement aux soins pour raisons financières. Ce dernier indicateur complète la mesure de la consommation de soins qui ne renseigne, par construction, que sur la propension des assurés à recourir à des soins financièrement accessibles, laissant de côté les soins non consommés en raison d’un obstacle financier.
Caractéristiques des besoins de soins non satisfaits (approche Eurostat)
Le renoncement aux soins pour raisons financières est mesuré dans l’enquête SILC – SRCV (Statistics on Income and Living Conditions – Statistiques sur les Ressources et les Conditions de Vie ), via la notion de « besoins de soins non satisfaits » : on mesure ainsi la part des personnes âgées de 16 ans ou plus ayant déclaré avoir renoncé à des examens ou des soins médicaux d’une part, et à des soins dentaires d’autre part, alors qu’elles en éprouvaient le besoin et parce qu’elles n’en avaient pas les moyens.
Mesurer les besoins de soins et l’éventuel renoncement est un exercice délicat, d’une part car la notion de besoins de soins n’est pas perçue de la même façon par les répondants, mais aussi parce que le taux estimé de renoncement aux soins est très sensible à la formulation de la question posée. Ainsi, en raison de deux changements de formulation, en 2015 puis en 2020, il n’est pas possible de comparer d’une part 2014 (et années précédentes) et 2015, et d’autre part 2019 et 2020 (et années à venir).
Le taux de renoncement aux soins pour raisons financières correspond à la part des personnes ayant renoncé à des soins ou cours des douze derniers mois sur l’ensemble de la population. L’indicateur de renoncement aux soins suivi ici est construit comme la différence entre la part des personnes ayant renoncé à au moins un soin pour raisons financières, parmi les 20 % les plus modestes, et celle calculée sur l’ensemble des individus de 16 ans ou plus en France métropolitaine.
Graphique 1 ● Examens ou traitements médicaux non satisfaits pour raisons financières
Source : SILC- SRCV 2008 – 2022.
Champ : France métropolitaine, population âgée de 16 ans ou plus.
Note de lecture : en 2022, le taux de personnes déclarant avoir dû renoncer pour des raisons financières à des examens ou traitements médicaux alors qu’elles en avaient besoin, s’élève à 4,3 % chez les 20 % les plus modestes, soit 2,3 points de plus que dans l’ensemble de la population.
Notes : La question sur le renoncement dans l’enquête SRCV a connu une rupture de série en 2015 puis en 2020 : voir précisions méthodologiques ci-dessous.
La part des personnes confrontées à des besoins d’examens ou de soins médicaux non satisfaits pour raisons financières augmente entre 2008 et 2014, à raison de 0,1 à 0,4 point par an, passant ainsi de 1,6 % en 2008 à 2,3 % en 2014.
À partir de 2015, date à laquelle la modification du questionnaire conduit à une première rupture de série (cf. précisions méthodologiques), la part de la population qui déclare n’avoir pas pu satisfaire pour raisons financières un besoin d’examen ou de soin médical est quasi stable jusqu’en 2019.
Le renoncement des plus modestes à des examens ou traitements médicaux pour raisons financières est plus élevé que pour l’ensemble de la population. Entre 2008 et 2014, la part d’individus ayant renoncé pour raisons financières à des examens ou traitements médicaux chez les 20 % les plus modestes progresse plus vite que pour l’ensemble de la population, de sorte que l’écart augmente, de 2,5 points en 2008 à 4,0 points en 2014. De 2015 à 2019, l’écart entre les plus modestes et l’ensemble de la population se stabilise.
En 2020, suite à une nouvelle rupture de série, les taux de renoncement des examens ou traitements médicaux pour raison financière de l’ensemble de la population et des plus modestes atteignent respectivement 3,9 % et 2,0 % ; soit un écart de 1,9 points. Il n’est pas possible de savoir s’il y a eu une réelle augmentation ni du taux de renoncement, ni de l’écart entre celui des plus modestes et celui de l’ensemble de la population, ou si toute la hausse entre 2019 et 2020 provient du changement dans la formulation de la question.
Sur la période 2020 à 2022, la part de la population déclarant n’avoir pas pu satisfaire un besoin d’examens ou de traitements médicaux pour raisons financières est relativement stable autour de 2 %, tandis que celle mesurée sur les 20 % les plus modestes augmente de 3,9 % à 4,3 %. De ce fait, l’écart entre le taux des plus modestes et celui de l’ensemble de la population a légèrement augmenté, passant de 1,9 à 2,3 points.
Graphique 2 ● Traitements dentaires non satisfaits pour raisons financières
Source : SILC- SRCV 2008 – 2022.
Champ : France métropolitaine, population âgée de 16 ans ou plus.
Note de lecture : en 2022, le taux de personnes déclarant avoir dû renoncer pour des raisons financières à des traitements dentaires alors qu’elles en avaient besoin s’élève à 10,0 % chez les 20 % les plus modestes, soit 4,9 points de plus que dans l’ensemble de la population.
Notes : La question sur le renoncement dans l’enquête SRCV a connu une rupture de série en 2015 puis en 2020 : voir précisions méthodologiques ci-dessous.
La part des personnes confrontées à des besoins non satisfaits pour raisons financières est plus importante pour les soins dentaires que pour les examens et traitements médicaux, du fait de restes à charge élevés pour ces soins. Entre 2008 et 2014, elle croît et l’écart entre les 20 % les plus modeste et l’ensemble de la population augmente, de 4,2 points en 2008 à 6,7 points en 2014.
Le taux de renoncement en soins dentaires pour raisons financières s’est réduit ensuite entre 2015 et 2019 sur l’ensemble de la population comme sur la population des 20 % les plus modestes. Si un écart entre les plus modestes et l’ensemble de la population persiste, il a tendance à se réduire sur la période également.
Comme pour les examens et traitements médicaux, les taux de renoncement en soins dentaires sont plus élevés en 2020 qu’en 2019, sans qu’il soit possible de quantifier l’effet du changement de formulation. Sur la période 2020 à 2022, le taux de renoncement sur l’ensemble de la population diminue de 5,7 % à 5,1 %, tandis que celui des 20 % les plus modestes augmente de 9,7 % à 10,0 %. De ce fait, l’écart entre les taux de renoncement des 20 % les plus modestes et de l’ensemble de la population a légèrement augmenté, passant de 4,0 à 4,9 points.
Organisme responsable de la production de l’indicateur : DREES
Construction de l’indicateur
L’indicateur est la différence entre la part de la population déclarant au moins un besoin non satisfait d'examen ou de traitement médical pour raisons financières au cours des douze derniers mois des 20 % les plus modestes et celui de l’ensemble de la population des 16 ans ou plus. Cet indicateur est complété par une mesure équivalente sur les besoins non satisfaits en soins dentaires. Une baisse de l’indicateur s’interprète ici comme une diminution des inégalités sociales de renoncement aux soins pour raisons financières.
Précisions méthodologiques
L’enquête annuelle SILC-SRCV fournit à un rythme annuel des informations sur les besoins non satisfaits. Les données les plus récentes portent sur 2022
L’enquête EU-SILC (European Union - Statistics on income and living conditions), coordonnée par Eurostat, concerne la quasi-totalité des pays membres de l’Union Européenne, et vise à collecter des données individuelles sur les revenus, l’exclusion sociale et les conditions de vie. L’enquête française, assurée par l’Insee, couvre la France métropolitaine. Le principe consiste à interroger le même échantillon de ménages et d’individus neuf années de suite. Chaque personne âgée de 16 ans ou plus appartenant au ménage interrogé se voit proposer un questionnaire individuel. Un bloc sur la couverture complémentaire y a été intégré en 2017, et sera repris en 2023, puis en 2025.
À la suite de modifications du questionnaire, la comparaison de la part de la population concernée par des besoins non satisfaits pour raisons financières entre 2015 et les années précédentes, d’une part, et entre 2019 et les années suivantes d’autre part, n’est pas possible. Pour pouvoir distinguer les personnes sans besoin de soin de celles n’ayant pas renoncé, une question filtre sur le fait d’avoir « eu besoin de voir un médecin au cours des 12 derniers mois » a été introduite en 2015. Cette question filtre a pu conduire à exclure certaines personnes qui n’auraient pas consulté de médecin sur la période prise en compte. En effet, la distinction entre un besoin identifié et un besoin réalisé a pu ne pas être perçue par certains enquêtés et le fait d’avoir « eu besoin de voir un médecin » être compris comme « avoir vu un médecin ». Le renoncement a pu ainsi être sous-estimé, et ce d’autant plus pour les plus précaires qui sont légèrement plus nombreux que le reste de la population à ne pas du tout consulter de médecin alors que leurs besoins de soins sont plus importants. Ceci pourrait expliquer la baisse de l’écart entre les 20 % les plus modestes et l’ensemble de la population en 2015. Afin de limiter l’effet de sous-déclaration lié à cette question filtre, celle-ci a été supprimée en 2020 et remplacée par une question à trois modalités, pour éviter d’exclure du décompte des personnes ayant renoncé à des soins et n’ayant pas vu de médecin sur la période considérée.
Les modifications apportées au questionnaire ne permettent pas d’isoler l’évolution réelle des besoins non satisfaits de l’effet imputable au changement de formulation entre 2014 et 2015, et entre 2019 et 2020. Les travaux de Legal et Vicard (2015) puis Lapinte (2023) préconisent ainsi de mesurer des évolutions entre deux années uniquement à partir d’enquêtes réalisées dans les mêmes conditions de collecte. Ainsi, dans l’enquête SRCV-SILC, le renoncement aux soins est analysé, jusqu’en 2014, avec la question :
1. « Je n'en avais pas les moyens, c’était trop cher » ; 2. « Le délai pour un rendez-vous était trop long, il y avait une file d’attente trop importante » ; 3. « Je n’avais pas le temps en raison de mes [ses] obligations professionnelles ou familiales » ; 4. « Le médecin était trop éloigné, j’avais des difficultés de transport pour m’y rendre » ; 5. « Je redoute d’aller voir un médecin, de faire faire des examens ou de me soigner » ; 6. « J’ai préféré attendre de voir si les choses iraient mieux d’elles-mêmes » ; 7. « Je ne connaissais pas de bon médecin » ; 8. « Pour d’autres raisons ».
En 2015, si la question sur les motifs du renoncement est restée identique, elle est précédée non plus d’une seule question mais de deux qui s’articulent de la façon suivante :
Si la réponse à cette question est « oui », la question suivante est posée :
1. « Oui, j’ai vu un médecin ou reçu un soin médical chaque fois que j’en ai eu besoin » ; 2. « Non, j’ai renoncé à voir un médecin ou à recevoir un soin médical au moins une fois ».
En 2020, une unique question réunit les deux précédentes, avec toujours l’objectif de distinguer trois populations :
1. Vous n’êtes pas concerné car vous n’avez pas eu besoin d’examen ou de traitement médical, 2. Oui, vous avez dû renoncer à un examen ou à un traitement médical dont vous aviez besoin, 3. Non, vous n’avez pas dû renoncer à un examen ou à un traitement médical dont vous aviez besoin
De plus, le renoncement tel qu’il est mesuré dans l’enquête ne permet pas d'estimer l'intensité ni la gravité des soins non demandés : les personnes qui ont renoncé une fois dans l’année à consulter pour un problème de santé mineur et celles qui ne sont pas allées chez le médecin plusieurs fois durant la période pour une maladie ou une blessure plus grave sont considérées de la même façon. Enfin, déclarer avoir renoncé à des soins présuppose avoir identifié un besoin. Et là encore, il y a des différences de perception entre les personnes, notamment selon les catégories sociales.
Quelles que soient les formulations retenues dans les différents millésimes de SRCV, les individus qui déclarent avoir renoncé à des soins doivent ensuite préciser la raison principale parmi 8 motifs proposés, dont la raison financière. La formulation de ces items est restée stable depuis 2014.Le taux de renoncement pour raisons financières correspond alors à la part des personnes déclarant un besoin non satisfait qui indiquent le motif financier comme principal motif de renoncement.
Tous motifs confondus, le taux de personnes avec un besoin non satisfait augment entre 2020 et 2021 passant de 4,4 % à 6,6 %. Cependant, le motif financier est évoqué comme raison principale par 45 % des personnes ayant renoncé en 2020, contre 24 % en 2021. De ce fait, le renoncement pour raisons financières apparait en baisse entre 2020 et 2021.
À l’inverse, entre ces deux années, le motif « autre raison » passe de 12 % à 38 %. L’enquête ayant lieu en début d’année, les questions portant sur les 12 mois précédents l’enquête couvrent ainsi pour l’enquête 2021 une période fortement impactée par la crise sanitaire Covid-19. Ainsi, ne pas avoir pu réaliser un soin peut notamment s’expliquer par une impossibilité d’avoir un rendez-vous, du fait des fermetures des cabinets médicaux ou des déprogrammations de soins non urgents à l’hôpital, conduisant mécaniquement les répondants à moins souvent déclarer le motif financier comme principal motif de renoncement au profit de l’item « autre raison ». Cela peut alors donner l’impression que les difficultés d’accès aux soins pour motifs financiers se sont réduites.
En 2022, la part des personnes ayant renoncé indiquant comme principal motif « autre raison » a diminué par rapport à 2021 et passe à 27 %, ce qui reste cependant élevé par rapport à 2020. La raison financière retrouve la première place des motifs évoqués mais à un niveau moindre qu’en 2020 (31 %). Le renoncement, tous motifs confondus, concerne alors 6,4 % de la population.
Pour les soins dentaires, le motif « autre raison » est resté plus stable : parmi les personnes avec un besoin non satisfait, il est indiqué par 3 % d’entre elles en 2020, 10 % en 2021 et 9 % en 2022. Tous motifs confondus le renoncement aux soins dentaires est relativement stable sur la période : 8,4% en 2020, 9,2 % en 2021 et 8,9 % en 2022.