Finalité

Les régimes obligatoires d’assurance maladie et, pour une contribution plus modeste, le budget de l’État et les collectivités locales, concourent de façon décisive à la prise en charge des dépenses de santé au moyen d’une mutualisation des risques individuels de maladie. L’évolution de leur contribution au financement de l’ensemble des dépenses de santé fournit donc un indicateur agrégé des conditions de l’accès aux soins de la population, même s’il ne rend pas compte des inégalités qui peuvent exister au niveau individuel et selon le poste de soins.

Résultats

La répartition du financement de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) entre les régimes obligatoires, l’État et les ménages évolue de la manière suivante :

Graphique 1 ● Répartition du financement de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM)

Source : DREES, comptes de la santé, édition 2023

Depuis 2012, le taux moyen de prise en charge de la CSBM par les administrations publiques ((Sécurité sociale et État) augmente continûment. Cette hausse s’explique notamment par la forte progression des effectifs de personnes exonérées de ticket modérateur au titre des affections de longues durée (ALD). Ainsi, la part de la CSBM prise en charge par la Sécurité sociale et l’État progresse de 2,6 points entre 2012 et 2019. La crise sanitaire a induit une recomposition importante de la structure de consommation et de financement des soins et biens médicaux en 2020. En 2020, le financement des administrations publiques augmente fortement dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19 (+1,75 point). Les dépenses supplémentaires ou en forte progression en raison de la crise, tels que les soins hospitaliers ou les dispositifs de soutien au revenu des professionnels de santé libéraux et des cliniques privées dans un contexte de baisse de leur activité, sont encore davantage financées par la Sécurité sociale que d’habitude. En outre, ces dépenses exceptionnelles jouent sur la structure des dépenses de santé, notamment via la forte hausse de la part prise par les soins hospitaliers, que la Sécurité sociale finance très majoritairement, si bien que la progression de la part de la CSBM qu’elle finance en 2020 s’explique également par un important effet de recomposition. La part financée par les administrations publiques baisse par contrecoup en 2021 (-0,56 point) et se stabilise en 2022 (-0,03 point).
Par ailleurs, l’intégration, en 2021, des prestations versées au titre de la complémentaire santé solidaire (CSS) au sein du périmètre de la Sécurité sociale modifie la structure du financement de la CSBM par les administrations publiques, la part de l’État baissant de 1,2 point cette année-là. Un nouveau fonds créé en 2021 au sein de la Caisse nationale de l’Assurance maladie s’est en effet substitué au précédent fonds rattaché à l’État dont la part dans le financement de la CSBM devient résiduelle (0,6 % en 2022).
La part des organismes complémentaires (OC) reste quasi-stable entre 2021 et 2022, à 12,6 % après 12,7 % en 2021 et 13,4 % en 2019 avant la crise sanitaire. Ainsi, après la forte baisse observée en 2020 (-1,2 point), puis le rattrapage partiel de 2021 (+0,6 point), cette part ne retrouve pas le niveau d’avant la crise sanitaire. En particulier, la prise en charge par les OC diminue entre 2019 et 2022 dans les soins hospitaliers, les médicaments ou encore les transports. La montée en charge du dispositif 100 % santé, induisant une prise en charge accrue par les OC en optique, audioprothèses et prothèses dentaires, n’a pas compensé ce phénomène. Les dépenses des OC relevant du panier « 100 % santé » représentent 27,1 % de l’ensemble des dépenses des OC dans les postes concernés par cette réforme (à savoir : les prothèses dentaires, les audioprothèses, et l’optique).
En 2022, les ménages financent 7,2 % de la CSBM. En 2019, avant la crise sanitaire, cette part s’établissait à 7,6 % ; en 2020, elle a connu une baisse exceptionnelle de 0,6 point (passant à 7,0 %), due à la recomposition de la consommation vers des postes au RAC faible (soins hospitaliers, notamment). Après une légère hausse en 2021 , en 2022, le RAC augmente de 0,1 point, atteignant ainsi 7,2 %. Cette augmentation concerne les principales composantes de la consommation, à l'exception des trois secteurs de la réforme du 100 % santé : le RAC s’accroît dans les soins hospitaliers (+0,5 point), sous l’effet de la réduction des dotations exceptionnelles pour lutter contre l’épidémie. De fait, la répartition par financeur des soins hospitaliers se rapproche de celle observée avant la crise. Il s’accroît aussi dans les médicaments (+0,2 point) du fait du dynamisme de la consommation de médicaments non remboursables. Dans les soins de médecins, le RAC progresse aussi légèrement (+0,2 point) sous l’effet d’une hausse du taux de dépassement chez les spécialistes. À l’inverse, il poursuit sa baisse sur les trois secteurs concernés par la réforme du 100 % santé.
Le reste à charge moyen par habitant s’élève en 2022 à 250 € (contre 233 € en 2021) dont notamment 30 € de soins de médecins et sages-femmes, 23 € d’optique médicale (hors lentilles), 67 € de médicaments et 45 € de soins hospitaliers.
 

Graphique 2 ● Financement des dépenses courantes de santé au sens international en 2021

* et autres dispositifs facultatifs
Note de lecture : En France, en 2021, la DCSi est financée à 74 % par les assurances maladies obligatoires, à 4 % par l’État et les autorités locales, à 6 % par les assurances privées obligatoires, à 6 % par les assurances privées facultatives et à 9 % par les ménages.
Sources : DREES, comptes de la santé (pour la France); OCDE, Eurostat, OMS, Système international des comptes de la santé (SHA)

Dans la totalité des pays considérés, les régimes obligatoires de financement de la santé (État, Assurance maladie obligatoire et assurance privé obligatoire) couvrent plus de la moitié des dépenses courantes de santé, et même plus des trois quarts pour 18 pays sur 28 (cf. graphique 2).

Dans les pays du nord et du sud de l’Europe, en Lettonie, au Royaume-Uni, en Irlande et au Canada, l’État assure un service national de santé financé par l’impôt (voir encadré ci-dessous). Les administrations centrales, régionales ou locales financent plus de la moitié des dépenses courantes de santé. Cette part dépasse 80 % en Suède, au Danemark et au Royaume-Uni (86 % pour la Suède, 85 % pour le Danemark et 83 % pour le Royaume-Uni). Dans ces pays les résidents sont couverts automatiquement, mais le parcours de soins est très encadré.

Dans les systèmes d’assurance maladie gérée par des caisses publiques de sécurité sociale, les prestations maladie étaient classiquement versées en contrepartie de cotisations en général assises sur les revenus d’activité et l’affiliation est obligatoire. Ainsi, au Luxembourg, en France, en Tchéquie ou en Slovaquie, plus de 70 % de l’ensemble des dépenses courantes de santé au sens international (DCSi) sont couvertes par l’assurance maladie en 2021 (respectivement 77 %, 74 %, 71 % et 70 %). Concernant l’offre de soins, la médecine y est souvent libérale et les médecins sont principalement rémunérés à l’acte, même si ce mode d’exercice cohabite avec des hôpitaux publics.

Enfin, certains pays, comme la Suisse et les Pays-Bas, ont mis en place, de longue date, un système d’assurance maladie obligatoire pour tous les résidents, mais en ont confié la gestion à des assureurs privés mis en concurrence. L’État intervient toutefois afin de pallier les défaillances du marché. Il oblige tous les résidents à contracter une assurance santé (dans une logique universelle), définit le panier de soins de base minimal et met en place des dispositifs d’aide à l’acquisition et au paiement de cette assurance pour les personnes aux revenus modestes. Il impose également des limites à la sélection des risques afin que les assureurs ne puissent ni refuser un souscripteur en raison de son état de santé ou de son âge, ni moduler les tarifs en cours de contrat en fonction des dépenses de santé observées. Enfin, l’État impose des contraintes dans la fixation des primes d’assurance. Ainsi, aux Pays-Bas, une partie de la prime est payée par l’employeur en fonction du revenu du salarié, ce qui n’est pas le cas en Suisse où les primes dépendent de l’âge, du sexe et du lieu de résidence. Aux États-Unis, depuis 2014, le Patient Protection and Affordable Care Act (Obamacare) oblige les particuliers à souscrire une assurance maladie, sous peine de se voir infliger des pénalités. À l’instar de la Suisse et des Pays-Bas, les assurances maladies, devenues obligatoires, restent toutefois largement privées.

En 2021, pour tous les pays considérés ici, une part des dépenses de santé est directement payée par les ménages. Les RAC les plus élevés sont atteints dans les pays du sud de l’Europe (33 % en Grèce, 29 % au Portugal et 22 % en Italie), dans les pays de l’est de l’Europe et en particulier en Lituanie et en Lettonie (respectivement 30 % et 27 %), ainsi qu’en Suisse (22 %). Par rapport aux autres pays comparés ici, en 2021, la France a le RAC le plus faible, en proportion de la DCSi (8,7 %), juste après le Luxembourg (8,9 %). Quinze pays ont une part de la DCSi restant à la charge des ménages inférieure à 15 %. Les États-Unis, où la mise en place en 2014 de l’Obamacare – dont l’extension de la population couverte par Medicaid et l’obligation de souscription à une couverture santé individuelle a conduit à une restructuration du financement de la DCSi – présentent aujourd’hui un RAC relativement faible (10,7 % de la DCSi).

Exprimé en euros et par habitant, le RAC des ménages est nettement supérieur en Suisse (1 963 € par habitant) à celui des autres pays comparés ici, y compris aux États-Unis, second pays avec le RAC en euros par habitant le plus élevé (1 044 € par habitant). Dans l’UE-14, il s’établit en moyenne à 649 € par habitant contre 303 € en moyenne pour les nouveaux membres (NM). Au sein de l’UE-14, c’est en France que le RAC en euros par habitant est le plus faible (405 € par habitant). Il est supérieur en Allemagne, en Finlande, en Suède, en Belgique (855 €), au Danemark et en Autriche (866 €).

Le RAC de la DCSi est en France supérieur au RAC dans la CSBM. Il comprend le reste à charge sur les soins et biens médicaux (7,2 % de la CSBM, cf. ci-dessus) mais aussi le RAC sur les autres composantes de la dépense, notamment sur les soins de longue durée pour lesquels la participation des ménages est élevée en France.

Graphique 3 ● Reste à charge des ménages concernant les dépenses courantes de santé au sens international et de la consommation de soins et biens médicaux en 2021

Note : La consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) regroupe les fonctions suivantes de la DCSi : HC1 : soins courants curatifs, HC2 : soins courants de réhabilitation, HC4 : les services auxiliaires, HC5 : les biens médicaux.
Lecture : Au Luxembourg, le RAC dans la DCSi s’élève à 8,9 % en 2021. Il est légèrement supérieur concernant la CSBM : 10,1 % de la CSBM.
Sources : DREES, comptes de la santé (pour la France) ; OCDE, Eurostat, OMS, Système international des comptes de la santé (SHA).

Les régimes obligatoires de santé sont généralement financés par des prélèvements obligatoires (cotisations et contributions sociales, impôts et taxes)

Les dépenses de santé proviennent généralement de prélèvements obligatoires (cotisations sociales), de transferts publics (impôts et taxes), de prépaiements volontaires (primes d’assurance) ou d’autres ressources nationales et/ou revenus de l’étranger. Cette partie porte uniquement sur les recettes des régimes obligatoires, qu’ils soient privés ou publics. La structure des recettes de ces régimes varie selon le système d’assurance maladie en place (graphique 4). Dans les systèmes nationaux de santé, les impôts et les taxes constituent l’essentiel des recettes des régimes obligatoires. Cette part atteint même 100 % en Lettonie, en Suède et au Danemark.

Dans les systèmes d’assurance maladie, les cotisations sociales occupent une place bien plus importante que dans les systèmes nationaux de santé. Elles représentent même plus de 50 % des ressources des régimes obligatoires dans la plupart des pays étudiés (dont la France, 58 %) ; en Slovénie, les cotisations sociales financent 80 % des régimes obligatoires. Dans ces deux systèmes, les prépaiements obligatoires représentent une part marginale des ressources des régimes obligatoires ; à l’inverse, en Suisse et aux États-Unis (systèmes libéraux de santé), les primes d’assurance constituent une part importante (entre 30 % et 50 %) des ressources. Une partie de cette prime demeure souvent à la charge de l’employeur et, dans certains cas, peut également être subventionnée par l’État.

Graphique 4 ● Les recettes des régimes obligatoires de santé en 2021

*Les données pour la France sont issues du rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale ainsi que des chiffres clés de la Sécurité sociale et portent sur l’année 2022 (DSS, 2022). Elles concernent uniquement la branche maladie du régime général de l’assurance maladie. La segmentation entre les différents types de financement des régimes privés obligatoires n’est pas disponible pour la France et se limite aux seuls régimes publics obligatoires. Néanmoins, les organismes complémentaires sont essentiellement financés par les cotisations des ménages ou des entreprises qui prennent en charge une partie des primes des complémentaires santé. 
Note > La catégorie « contributions publiques » inclut les transferts issus des revenus nationaux de l’administration publique, les transferts d’origine étrangère distribués par l’administration publique et les transferts directs étrangers. En France, les cotisations sociales comprennent les cotisations et les cotisations prises en charge par l’État. Les contributions publiques comprennent la CSG, les contributions sociales divers, impôts, taxes et autres transferts.
Lecture > En France, en 2022, la branche maladie du régime général de l’assurance maladie est financée à 58 % par les cotisations sociales, à 38 % par les contributions publiques, à 2 % par les prépaiements obligatoires et à 2 % par d’autres revenus nationaux.
Sources > DSS, 2022 (pour la France) ; OCDE, Eurostat, OMS, Système international des comptes de la santé.

méthodologiques Les données sont issues des comptes nationaux de la santé, produits par la DREES. Ils font l’objet de révisions méthodologiques périodiques, afin de prendre en compte les nouvelles sources disponibles et d’affiner les estimations.
La dépense courante de santé au sens international (DCSi) est un agrégat plus large des comptes de la santé. Il s’agit de la consommation finale individuelle ou collective de biens et services de santé directement par les ménages ou indirectement via la puissance publique, le secteur associatif (institutions à but non lucratif), les entreprises, etc. Son périmètre est défini dans le System of Health Accounts (SHA) conjoint à l’OCDE, Eurostat et l’OMS.

La DCSi comprend les dépenses de la CSBM ainsi que les dépenses liées à la gouvernance du système de santé ou la prévention ; elle comprend aussi la consommation de soins de longue durée, dans une acception large.

Pour plus de détails, se reporter à la publication «  Les dépenses de santé en 2022. Résultats des comptes de la santé », DREES, Collection Panoramas de la DREES - Santé, septembre 2023.

Organisme responsable de la production de l’indicateur : DREES

Téléchargements complémentaires

  • Intégralité du REPSS - Maladie - Edition 2024 8 MB   Télécharger
  • Synthèse du REPSS - Maladie - Edition 2024 819 KB   Télécharger
  • Données du REPSS Maladie - Edition 2024 7 MB   Télécharger