Objectif n°2 : Assurer un égal accès aux soins
Les régimes obligatoires d’assurance maladie et, pour une contribution plus modeste, le budget de l’État, le fonds CMU et les collectivités locales, concourent de façon décisive à la prise en charge des dépenses de santé au moyen d’une mutualisation des risques individuels de maladie. L’évolution de leur contribution au financement de l’ensemble des dépenses de santé fournit donc un indicateur agrégé des conditions de l’accès aux soins de la population, même s’il ne rend pas compte des inégalités qui peuvent exister au niveau individuel et selon le poste de soins.
Graphique 1 ● Répartition du financement de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM)
Source : DREES, comptes de la santé, édition 2022
Depuis 2011, le taux moyen de prise en charge de la CSBM par la Sécurité sociale augmente continûment. Cette hausse s’explique notamment par la forte progression des effectifs de personnes exonérées de ticket modérateur au titre des affections de longues durée (ALD). Ainsi, la part de la CSBM prise en charge par la sécurité sociale progresse de 0,2 point par an entre 2011 et 2019. La crise sanitaire a induit une recomposition importante de la structure de consommation et de financement des soins et biens médicaux en 2020. La prise en charge par l’Assurance maladie des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire accroît sa participation au financement de la CSBM de 1,7 point entre 2019 et 2020, qui atteint ainsi près de 80 % de la dépense totale. En 2021, la part de la CSBM financée par la Sécurité sociale est quasiment stable : la fin de mesures exceptionnelles et la reprise des consultations et des soins se traduit par un rééquilibrage des dépenses entre la Sécurité sociale et les organismes complémentaires (OC), mais ce rééquilibrage est compensé pour la Sécurité sociale par le transfert concomitant des dépenses de la complémentaire santé solidaire (CSS) de l’État vers l’Assurance maladie. Le financement direct par l’État devient ainsi résiduel en 2021 (0,4 % de la CSBM, après 1,6 % en 2020).
La part des organismes complémentaires (OC) quant à elle, progresse de 0,7 point en 2021, à 12,9 % après 12,2 % en 2020 et 13,5 % avant la crise sanitaire. Cette hausse traduit la reprise de l’activité des soins en ville financée par les OC, mais également l’effet de la poursuite de la mise en œuvre de la réforme du 100 % santé qui contribue à accroitre la participation des organismes complémentaires sur les postes concernés. Les postes de prothèses dentaires, d’audioprothèses et d’optique, concernés par la réforme du 100 % santé mise en place par étapes à compter de 2019, représentent en 2021 35 % des dépenses financées par les organismes complémentaires.
En 2021, les ménages financent 7,0 % de la CSBM. En 2019, avant la crise sanitaire, cette part s’établissait à 7,2 % ; en 2020, elle a connu une baisse exceptionnelle de 0,6 point (à 6,6 %), due à la recomposition de la consommation vers des postes au RAC faible (soins hospitaliers, notamment). En 2021, le RAC augmente de 0,4 point, de 6,6 % à 7,0 %. Cette augmentation concerne quasiment toutes les composantes de la consommation, à l'exception des trois secteurs de la réforme du 100 % santé : ainsi, la part du RAC financée par les ménages baisse sensiblement pour les audioprothèses (-16,2 points), et moins fortement pour les soins dentaires (-1,4 point) et l’optique médicale (-0,8 point). À l'inverse, la part du RAC financée par les ménages augmente pour les soins hospitaliers (+0,6 point), les médicaments en ambulatoire (+0,9 point), les soins des auxiliaires médicaux (+0,9 point) et de médecins (+0,5 point). Le reste à charge moyen par habitant s’élève en 2021 à 233 € dont notamment 25 € d’optique médicale, 12 € d’audioprothèses, 12 € de prothèses dentaires, 61 € de médicaments et 29 € de soins hospitaliers.
Graphique 2 ● Financement des dépenses courantes de santé au sens international en 2019
* Données 2019 ; ** et autres dispositifs facultatifs ; *** le reste du monde correspond en grande partie au financement à l'assurance santé obligatoire ou volontaire par les non-résidents. Elle concerne majoritairement le Luxembourg (2 % de la DCSi), la Grèce et la Lituanie (moins de 1 % de la DCSi).
Sources : DREES, comptes de la santé (pour la France); OCDE, Eurostat, OMS, Système international des comptes de la santé (SHA).
Dans la totalité des pays considérés, les régimes obligatoires de financement de la santé (État, Assurance maladie obligatoire et assurance privé obligatoire) couvrent plus de la moitié des dépenses courantes de santé, et même plus des trois quarts pour 18 pays sur 28 (cf. Graphique 2).
Dans les pays du nord et du sud de l’Europe, en Lettonie, au Royaume-Uni, en Irlande et au Canada, l’État assure un service national de santé financé par l’impôt (voir encadré ci-dessous). Les administrations centrales, régionales ou locales financent plus de la moitié des dépenses courantes de santé. Cette part dépasse 80 % en Norvège, en Suède, au Danemark et au Royaume-Uni (respectivement 86 % pour les deux premiers, 85 % pour le Danemark et 83 % pour le Royaume-Uni). Dans ces pays les résidents sont couverts automatiquement, mais le parcours de soins est très encadré.
Dans les systèmes d’assurance maladie gérée par des caisses publiques de sécurité sociale, les prestations maladie étaient classiquement versées en contrepartie de cotisations en général assises sur les revenus d’activité et l’affiliation est obligatoire. Ainsi, au Luxembourg, en Slovaquie, au Japon, en France ou en Tchéquie, plus de 70 % de l’ensemble des dépenses courantes de santé au sens international (DCSi) sont couvertes par l’assurance maladie en 2020 (respectivement 79 %, 77 %, 76 %, 75 % et 70 %). Concernant l’offre de soins, la médecine y est souvent libérale et les médecins sont principalement rémunérés à l’acte, même si ce mode d’exercice cohabite avec des hôpitaux publics.
Si l’assurance maladie est en grande partie financée par les cotisations sociales versées par les employeurs et les salariés, une part des recettes de ces dispositifs peut également provenir des transferts publics (voir encadré ci-dessous). Ainsi, en 2020, au Luxembourg, en Belgique, ou en Hongrie les recettes pour assurer le financement de la santé proviennent des transferts publics à hauteur respectivement de 38 %, 46 % et 48 % de l’ensemble des dépenses de santé. En France, en 2020, le financement du régime obligatoire est majoritairement assuré par des transferts publics (CSG, taxes et autres contributions sociales) : deux tiers des dépenses du régime obligatoire et 50 % de l’ensemble des dépenses de santé (les données sur le financement sont issues des comptes de la Sécurité sociale ). Par ailleurs, depuis la mise en œuvre de la protection universelle maladie en 2016, la couverture santé ne dépend plus au premier chef de l’affiliation professionnelle.
Enfin, certains pays, comme la Suisse et les Pays-Bas, ont mis en place, de longue date, un système d’assurance maladie obligatoire pour tous les résidents, mais en ont confié la gestion à des assureurs privés mis en concurrence. L’État intervient toutefois afin de pallier les défaillances du marché. Il oblige tous les résidents à contracter une assurance santé (dans une logique universelle), définit le panier de soins de base minimal et met en place des dispositifs d’aide à l’acquisition et au paiement de cette assurance pour les personnes aux revenus modestes. Il impose également des limites à la sélection des risques afin que les assureurs ne puissent ni refuser un souscripteur en raison de son état de santé ou de son âge, ni moduler les tarifs en cours de contrat en fonction des dépenses de santé observées. Enfin, l’État impose des contraintes dans la fixation des primes d’assurance. Ainsi, aux Pays-Bas, une partie de la prime est payée par l’employeur en fonction du revenu du salarié, ce qui n’est pas le cas en Suisse où les primes dépendent de l’âge, du sexe et du lieu de résidence. Aux États-Unis, depuis 2014, le Patient Protection and Affordable Care Act (Obamacare) oblige les particuliers à souscrire une assurance maladie, sous peine de se voir infliger des pénalités. À l’instar de la Suisse et des Pays-Bas, les assurances maladies, devenues obligatoires, restent toutefois largement privées.
Pour tous les pays considérés ici, une part des dépenses de santé est directement payée par les ménages. En 2020, en moyenne dans les pays de l’UE-15, 13,7 % de la DCSi reste à la charge des ménages (cf. Graphique 3). Les RAC les plus élevés sont atteints dans les pays du sud de l’Europe (33,4 % en Grèce, 27,8 % au Portugal et 21,3 % en Italie), dans les nouveaux États membres de l’UE (18,7 % en moyenne) et en particulier en Lituanie et en Lettonie (respectivement 28,7 % et 32,3 %), ainsi qu’en Suisse (22,0 %). Par rapport aux autres pays comparés ici, en 2020, la France a le second RAC le plus faible, en proportion de la DCSi (8,8 %), juste après le Luxembourg (8,5 %). Quatorze pays ont une part de la DCSi restant à la charge des ménages inférieure à 15 %. Les États-Unis, où la mise en place en 2014 d’Obamacare – dont l’extension de la population couverte par Medicaid et l’obligation de souscription à une couverture santé individuelle a conduit à une restructuration du financement de la DCSi – présentent aujourd’hui un RAC relativement faible (9,9 %).
Exprimé en euros et par habitant, le RAC des ménages est nettement supérieur en Suisse (1 980 € par habitant) à celui des autres pays comparés ici, y compris aux États-Unis, second pays avec le RAC en euros par habitant le plus élevé (1 030 € par habitant). Dans l’UE-15, il s’établit en moyenne à 550 € par habitant contre 210 € en moyenne pour les nouveaux membres (NM). Au sein de l’UE-15, c’est en France que le RAC en euros par habitant est le plus faible (370 € par habitant). Il est supérieur en Allemagne (650 €), en Finlande (670 €), en Suède (690 €), en Belgique (700 €), au Danemark (720 €) et en Autriche (820 €).
Le RAC de la DCSi est en France supérieur au RAC dans la CSBM. Il comprend le reste à charge sur les soins et biens médicaux (7,0 % de la CSBM, cf. ci-dessus) mais aussi le RAC sur les autres composantes de la dépense, notamment sur les soins de longue durée pour lesquels la participation des ménages est élevée en France.
Graphique 3 ● Reste à charge des ménages concernant les dépenses courantes de santé au sens international et de la consommation de soins et biens médicaux en 2020
Note : La consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) regroupe les fonctions suivantes de la DCSi : HC1 : soins courants curatifs, HC2 : soins courants de réhabilitation, HC4 : les services auxiliaires, HC5 : les biens médicaux.
Lecture : Au Luxembourg, le RAC dans la DCSi s’élève à 8,5 % en 2020. Il est légèrement supérieur concernant la CSBM : 9,2 % de la CSBM.
Sources : DREES, comptes de la santé (pour la France) ; OCDE, Eurostat, OMS, Système international des comptes de la santé (SHA).
La part des transferts publics dans les recettes des systèmes de santé varie considérablement selon le système d’assurance maladie en place. Ainsi, dans les systèmes d’assurance maladie gérée par des caisses publiques de sécurité sociale, les dépenses de santé proviennent à parts relativement égales des transferts publics et des cotisations sociales. Au Luxembourg par exemple, les recettes de l’assurance maladie sont respectivement financées à 38 % et à 48 % par les transferts publics et les cotisations sociales. À l’inverse, les pays dans lesquels l’État assure un service national de santé sont quasi exclusivement financés par des contributions publiques : c’est le cas notamment de la Norvège, de la Suède et du Danemark. Enfin, dans les systèmes d’assurance maladie gérée par des assureurs privés, les assurés versent des primes régulières à leur caisse d’assurance maladie (primes d’assurance par exemple) qui complète les recettes des régimes obligatoires de santé (de 18 % aux Pays-Bas à 34 % de la part des régimes obligatoires en Suisse).
En France, en 2020, le financement du régime obligatoire est majoritairement assuré par des transferts publics (CSG, taxes et autres contributions sociales) : deux tiers des dépenses du régime obligatoire et 50 % de l’ensemble des dépenses de santé.
Graphique 4 ● Les recettes des régimes obligatoires de santé en 2020
* Les données pour la France sont issues du rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale ainsi que des chiffres clés de la Sécurité sociale (DSS, 2021). Elles concernent uniquement la branche maladie du régime général de l’assurance maladie. La segmentation entre les différents types de financement des régimes privés obligatoires n’est donc pas disponible pour ce pays et se limite aux seuls régimes publics obligatoires. Néanmoins, les organismes complémentaires sont essentiellement financés par les cotisations des ménages ou par des entreprises qui prennent en charge une partie des primes des complémentaires santé ; ** données 2019 ; *** données 2017.
Note : La catégorie « contribution publique » inclut les transferts issus des revenus nationaux de l’administration publique, les transferts d’origine étrangère distribués par l’administration publique et les transferts directs étrangers.
En France, les cotisations sociales comprennent les cotisations et les cotisations prises en charge par l’État. Les contributions publiques comprennent la CSG, les contributions sociales diverses, impôts et taxes et les autres transferts.
Lecture : En France, en 2020, la part des régimes obligatoires est de 85 %. Les recettes des régimes obligatoires proviennent à 26 % des cotisations sociales, à 50 % de la contribution publique et à 3 % d’autres revenus nationaux. Le détail n’est pas disponible pour les régimes privés obligatoires, qui représentent 6 % des régimes obligatoires.
Sources : OCDE, Eurostat, OMS, Système international des comptes de la santé (SHA).
Les données sont issues des comptes nationaux de la santé, produits par la DREES. Ils font l’objet de révisions méthodologiques périodiques, afin de prendre en compte les nouvelles sources disponibles et d’affiner les estimations.
La dépense courante de santé au sens international (DCSi) est un agrégat plus large des comptes de la santé. Il s’agit de la consommation finale individuelle ou collective de biens et services de santé directement par les ménages ou indirectement via la puissance publique, le secteur associatif (institutions à but non lucratif), les entreprises, etc. Son périmètre est défini dans le System of Health Accounts (SHA) conjoint à l’OCDE, Eurostat et l’OMS.
La DCSi comprend les dépenses de la CSBM ainsi que les dépenses liées à la gouvernance du système de santé ou la prévention ; elle comprend aussi la consommation de soins de longue durée, dans une acception large.
Pour plus de détails, se reporter à la publication « Les dépenses de santé en 2021. Résultats des comptes de la santé », DREES, Collection Panoramas de la DREES - Santé, septembre 2022.
Organisme responsable de la production de l’indicateur : DREES