Objectif n°5 : Renforcer l’efficience du système de soins et développer la maîtrise médicalisée des dépenses
Avec un montant de près de 10,6 Md€ en 2023 pour le seul régime général (yc ex-RSI) hors DROM, les dépenses d’indemnités journalières (IJ) maladie représentent près de 10,2 % de l’ensemble des dépenses de soins de ville constitutives de l’Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam).
Les IJ maladie se décomposent en plusieurs champs : les arrêts de courte durée (inférieur à 3 mois), de longue durée (supérieur à 3 mois), ceux des indépendants, ceux des professions libérales (PL) depuis 2021 et enfin les arrêts liés à la crise sanitaire.
Les dépenses d’IJ ont connu des évolutions heurtées : depuis 2007, l’augmentation des dépenses était assez élevée, avant de connaître un net infléchissement à partir de 2011, puis à nouveau une évolution importante de 2014 à 2019 (soit 3,7 % en moyenne annuelle). Entre 2019 et 2023, les dépenses d’IJ ont augmenté de 6,8 % par an. Néanmoins, les évolutions restent complexes à interpréter en raison de la crise sanitaire et du contexte inflationniste persistant. Hors coûts spécifiques à la crise, les dépenses d’IJ ont augmenté en moyenne de 6,6 % par an entre 2019 et 2023 contre +3,7 % par an entre 2014 et 2019. Cette dynamique a été portée par la forte hausse des arrêts maladie de moins de trois mois (+6,6 % par an entre 2019 et 2023, contre +3,7 % par an entre 2014 et 2019) et de plus de 3 mois (+6,0 % par an entre 2019 et 2023 contre par +4,1 % par an entre 2015 et 2019) et les IJ des indépendants (+13,0 % par an entre 2019 et 2023 contre -0,2 par an entre 2015 et 2019). In fine, entre 2014 et 2023, hors dépenses liées à la crise sanitaire, le taux de croissance annuel moyen est de 5,0 % contre 5,1 % y compris crise.
D’une façon générale, l’évolution des IJ hors crise peut s’expliquer par plusieurs facteurs :
• La croissance et le vieillissement de la population active, induisant un changement de structure de la population, résultent en un effet volume plus important ;
• Augmentation de la durée moyenne d’arrêts ;
• Dans un contexte inflationniste persistant, l’augmentation des salaires, du SMIC et du SMPT accroit la moyenne du montant des IJ, ce qui se traduit par un effet prix plus élevé ;
• Une hausse du taux de recours aux arrêts maladies.
En 2023, les dépenses d’IJ maladie y compris crise diminuent de 8,9 % par rapport à 2022 tandis qu’une progression, hors dépenses liées à la crise sanitaire, est observée à hauteur de 5,9 %. Cette évolution hors crise s’explique majoritairement par un contexte inflationniste persistant, ce qui résulte en une hausse de l’effet prix (4,7 % ). Le volume des IJ maladie progresse faiblement par rapport à 2022 (1,1 %). L’évolution du volume des IJ de courte durée et de longue durée est moins forte que celle de l’année passée (respectivement +1,4 % et -0,4 % en 2023 contre +4.3 % et +1,5 % en 2023).
Graphique 1● Evolution du montant annuel des indemnités journalières maladies entre 2014 et 2023 (en Md€)
Source: CNAM, calculs DSS.
Champ : régime général, France métropolitaine, périmètre Ondam.
Entre 2014 et 2023, les dépenses d’IJ maladie hors crise sanitaire et professions libérales ont été multiplié par 1,5, de 6,8 Md€ en 2014 à 10,3 Md€ en 2023 (cf. graphique 1). Le montant des arrêts liés à la crise sanitaire– représenté en bleu sur le graphique – corresponds à 2,3 Md€ en 2020, 0,8 Md€ en 2021, 1,7 Md€ en 2022 et désormais 0,1 Md€ en 2023, soit 21 % du montant total des IJ maladies en 2020, 8,5 % en 2021, 14,7 % en 2022 et 0,9 % en 2023.
Hors arrêts liées à la crise sanitaire et professions libérales, la part des IJ de courte durée, de longue durée et des indépendants représentent en moyenne 56,9 %, 39,7 % et 3,4 % du total des dépenses entre 2014 et 2023. Bien que la proportion des arrêts de longue durée semble avoir légèrement augmenter depuis 2014 (39,7 % en 2023 contre 39,2 % en 2014), cette structure reste assez stable dans le temps.
Graphique 2 ● Croissance annuelle des indemnités journalières maladie (hors Covid)
Source: CNAM, calculs DSS.
Champ: régime général, France métropolitaine, périmètre Ondam hors Covid.
Note: les prix des IJ independants et professions libérales sont considérés égaux à ceux des IJ maladie des travailleurs salariés
Évolutions observées entre 2014 et 2019
En 2014, les dépenses d’IJ maladie connaissent une forte croissance (+4,8 %), en raison d’un nombre de personnes en arrêts plus conséquents (+4,0 % d’effet volume versus 0,8 % d’effet prix). Il est observé un véritable rebond pour les IJ de plus de 3 mois (+5,8 % d’effet volume). Les IJ de moins de trois mois et des indépendants progressent également à la hausse (+2,6 % et +3,9 % d’effet volume).
La tendance se poursuit en 2015 avec une dynamique plus faible néanmoins qu’en 2014 (+3,4 %). Ce qui s’explique par un effet volume moins important (+2,8 % vs 4,0 % en 2014), résultant d’un ralentissement des arrêts d’IJ indépendants suite à la mise en place d’un plafonnement des bénéfices qui dépends du revenu cotisé (-2,3 %).
En 2016, les dépenses s’accentuent : 4,1 % d’évolution qui se décompose en 3,5 % d’effet volume et 0,5 % d’effet prix. Cette progression est principalement tirée par les IJ courtes (+4,9 % d’effet volume). La baisse des IJ des indépendants s’accentue (-10,7 % d’effet volume) et le volume des IJ de longue durée continue de s’accroitre (+2,6 %).
Entre 2017 et 2019, la dynamique est moins soutenue qu’en 2016 (+3,8 % en 2017, 3,5 % en 2018 et 3,7 % en 2019). Une légère progression de l’effet prix est observée : 0,8 % en 2017 et 1,2 % en 2018-2019. En parallèle, l’effet volume continue de progresser mais la tendance est à la baisse : 3,0 % en 2017, 2,3 % en 2018 et 2,4 % en 2019. On constate que le volume des arrêts de courte durée est inférieur au taux d’évolution de 2015 à 4,9 % (2,6 %, 1,5 % et 2,2 % en 2017, 2018 et 2019). À l’inverse, un nombre plus important d’arrêts de longue durée est constaté (3,5 %, 3,1 % et 2,4 % en 2017, 2018 et 2019), de même pour ceux des indépendants (1,2 %, 2,7 % et 4,7 % en 2017, 2018 et 2019).
Évolution observée durant la crise sanitaire
Entre 2019 et 2022, les évolutions sont difficilement interprétables en raison de la crise sanitaire. Sur cette période, les dépenses d’IJ ont augmenté en moyenne de 12,6 % par an (contre 6,8 % hors crise sanitaire). Cette évolution résulte de mesures spécifiques prises dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, alliée à une dynamique des arrêts maladie plus forte qu’anticipé pour 2021. Lors du premier confinement, le Gouvernement a mis en place des IJ dérogatoires au droit commun, destinées aux personnes se trouvant dans l’incapacité de poursuivre leur activité professionnelle (personnes malades de la Covid, les cas contact ou encore les personnes à risque et les parents sans solution de garde d’enfant ). Le délai de carence de trois jours a également été temporairement supprimé.
Lourdement frappée par la crise sanitaire, l’année 2020 marque un tournant : +35 % d’évolution en 2020 contre 3,7 % en 2019. Le surcoût de ces mesures spécifiques atteint 2,3 Md€ pour le régime général (cf. graphique 1). Le contexte épidémiologique joue un rôle important sur la variation du nombre d’arrêts enregistrés, son effet reste cependant limité aux arrêts très courts (moins de 8 jours, 47,7 %). Hors crise sanitaire, la progression des IJ maladies est quasiment doublée par rapport à la tendance passée (6,7 % vs 3,7 % en 2019). Cet effet est majoritairement due à un effet volume (6,0 %) plutôt qu’à un effet prix (0,6 %) : en termes de volume, on constate une évolution de 14,6 % pour les indépendants, 5,1 % par les arrêts de longue durée et 2,2 % par les arrêts courts.
En 2021, les dépenses d’IJ sont en baisse par rapport à 2020 (-8,8 %), en raison de dépenses en lien avec la crise sanitaire largement inférieures (0,9 Md€ en 2021). Ce qui s’explique par une décélération très nette des arrêts courts (-14,9 %). Les arrêts en lien avec la crise sanitaire pris en charge par l’assurance maladie concernent principalement les personnes malades de la Covid ou cas contact dans le cadre de la stratégie de « contact tracing ». Dans une moindre mesure, ils sont liés aux arrêts dérogatoires pour parents d’enfants sans solution de garde et pour les non-salariés considérés comme particulièrement à risque face à la maladie. Hors coûts spécifiques à la crise, les dépenses d’IJ ont à contrario augmenté de 5,7 %. L’effet prix reste toujours à un niveau très bas (0,4 % vs 0,6 % en 2020). Le volume des IJ maladie continue sa progression mais sans pour autant connaitre une accélération (5,3 %). La répartition est assez équilibrée en termes de volume entre les IJ de – 3 mois, + 3 mois et indépendants (4,9 %, 5,1 % et 5,1 %).
En 2022, les dépenses d’IJ reprennent une dynamique particulièrement soutenue (16,0 %) en raison d’une plus forte dynamique des IJ de moins de3 mois (24,0 %) et des indépendants (17,4 %). Les coûts spécifiques liés à la crise s’élèvent à 1,7 Md€. Les dépenses d’IJ hors COVID ont augmenté de 8,1 % entre 2021 et 2022. La progression des IJ a donc été particulièrement dynamique sur l’année 2022, marquée par une inflation importante donnant lieu à plusieurs revalorisations du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Le SMIC a augmenté de 5,2 % en 2022 contre 1,6 % en 2021. Ces revalorisations du salaire minimum, conjuguées au dynamisme du salaire moyen par tête (SMPT) « économique » :3,7 % vs 1,7 % en 2021, ont mécaniquement affecté les montants moyens des IJ sur l’année 2022, donnant lieu à un effet prix de 3,5 % (0,4 % en 2022), soit l’impact annuel le plus important observé entre 2014 et 2022. L’effet prix sur 2022 aura principalement été marqué sur les IJ maladie de moins de trois mois, par nature plus réactives aux évolutions de salaires.
L’année 2023 marque la fin de la phase endémique de la crise sanitaire mais qui s’ancre dans un contexte inflationniste persistant. Les IJ Covid ne représentent plus que 0,1 Md€, soit 0,9 % du montant total des IJ maladies (cf. graphique 1). Le taux d’évolution y compris crise est désormais en baisse de -8,9 %. Le taux d’évolution hors crise continue de progresser mais à un rythme moins soutenu que l’an passé (5,9 % contre 8,1 % en 2021). Bien que les dépenses liées à la crise sanitaire ont drastiquement diminuées, l’inflation continue de progresser en 2023 (5,3 % d’évolution entre 2021 et 2022 et 4,8 % d’évolution entre 2022 et 2023). Le SMIC et le SMPT ont progressé respectivement de 5,4 % et 4,3 % en 2023, se répercutant dès lors sur le prix des IJ, donnant lieu à un effet prix hors crise de 4,7 %. En comparaison, l’effet volume hors crise se trouve être le plus bas de la période : +1,1 %. Le volume des IJ de courte durée est passé de 4,3 % d’évolution en 2022 à 1,5 % en 2023 et celui des arrêts de longue durée de 1,4 % à -0,4 %. Bien que le volume des IJ des indépendants continuent de progresser en 2023, son évolution a été divisé par deux par rapport à l’an passé (5,8 % contre 13,6 % en 2022).
Construction de l’indicateur
Les montants présentés retracent les dépenses du régime général en France métropolitaine au titre des IJ pour cause de maladie dans le champ de l’Ondam ; elles excluent donc les prestations en espèces versées au titre des congés maternité et paternité ainsi que les pensions d’invalidité. Les arrêts relevant des accidents du travail et des maladies professionnelles ne sont pas présentés.
Les données distinguent les IJ maladie de courte durée de moins de trois mois et celles de longue durée de plus de trois mois. Les IJ maladie de courte durée incluent les IJ normales et les IJ majorées pour enfant à charge. L'IJ maladie normale est égale à 50 % du gain journalier de base. Ce gain journalier est déterminé à partir de la moyenne des 3 derniers mois de salaires dans la limite de 1,8 Smic, dont le montant sert de base au calcul des cotisations maladie, maternité, invalidité et décès. Lorsque le salarié en arrêt de travail a au moins trois enfants à charge, le taux de liquidation de l’IJ est porté aux deux tiers du gain journalier de base, et cela à partir du 31ème jour d'arrêt continu.
Précisions méthodologiques
Les données relatives aux IJ sont de source CNAM; il s’agit de données brutes remboursées en date de soins à fin mars 2024 (régime général y compris anciens bénéficiaires affiliés au RSI, France métropolitaine). Les taux d’évolution de la masse salariale plafonnée du secteur privé sont issus de l’Acoss.
Depuis 2020, la CNAM a adapté son système d’information afin de pouvoir « tracer » spécifiquement les IJ en lien avec la crise sanitaire. Ces IJ correspondent aux IJ dérogatoires au droit commun mis en place par le Gouvernement dès le début de la crise sanitaire (IJ gardes d’enfants, personnes vulnérables, déclare.améli.fr, etc.) ainsi qu’aux IJ de droit commun ayant pour motif « Covid ». Le motif de l’IJ n’étant pas obligatoirement renseigné par le prescripteur, il se peut que le montant d’IJ maladie présenté dans cette fiche ne soit pas exhaustif.
Organisme responsable de la production de l’indicateur : DSS