Objectif n°5 : Renforcer l’efficience du système de soins et développer la maîtrise médicalisée des dépenses
L’accès continu aux médicaments est essentiel pour garantir la continuité de l’offre de soins. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) recense chaque année les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur touchés par des ruptures ou des risques de ruptures de stock, grâce aux signalements effectués par les laboratoires, ceux-ci ayant l’obligation d’informer l’ANSM de tout risque de rupture en amont de sa survenue.
Les ruptures et risques de ruptures de stock déclarées à l’ANSM par les laboratoires pharmaceutiques se définissent comme l'impossibilité de fabriquer ou d'exploiter un médicament (CSP Article R5124-49-1). Cette notion est partielle et se distingue de celle de rupture d’approvisionnement, définie comme l’incapacité pour une pharmacie de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures.
Un signalement de ruptures correspond à une situation dans laquelle le laboratoire ne dispose plus de stock ou d’un stock très limité réservé à une situation d’urgence. Un signalement de risque de ruptures correspond à une situation dans laquelle le stock est inférieur au stock de sécurité défini pour cette spécialité par le décret n°2021-349 du 31 mars 2021. Il peut faire suite à une augmentation forte et anticipée de la demande, à des approvisionnements insuffisants ou retardés, ou encore à des difficultés de production. Un signalement de risque peut basculer en rupture et vice versa en fonction de l’évolution de la situation.
Après une légère décroissance en 2021, le nombre de molécules (dénominations communes internationales ou DCI) concernées par au moins un signalement de rupture ou de risque de rupture ré-augmente légèrement en 2023 (+1 % par rapport à 2022), après avoir plus que doublé entre 2014 et 2020 selon les données de l’ANSM. A noter, qu’à partir de 2022, la classification des DCI a été modifiée, ce qui entraine une augmentation du nombre de DCI par rapport à 2021. Ainsi, l’évolution observée sur le graphique entre 2021 et 2022 est légèrement surévaluée de ce fait. Comme les années précédentes, les classes les plus touchées par ces signalements sont celles des médicaments cardiovasculaires, du système nerveux central et des anti-infectieux (cf. graphique n°3).
L’évolution des signalements au cours des dernières années s’explique en partie par le renforcement des obligations déclaratives des laboratoires pharmaceutiques dans le cadre des plans visant à réduire les risques de rupture de stock de médicaments.
Cette augmentation de signalements s’explique également par une fabrication des médicaments de plus en plus complexe, à la fois réglementairement et techniquement, du fait d’un morcellement des étapes de fabrication. Elle provient également d’une demande mondiale croissante, notamment de la part de pays émergents, avec des capacités de production qui n’ont pas augmenté dans les mêmes proportions.
En 2012 puis 2016, plusieurs dispositifs ont été élaborés pour lutter contre les situations de rupture permettant d’encadrer et de renforcer l’approvisionnement en médicaments. Néanmoins, ils n’ont pas permis de pallier suffisamment les pénuries (cf. graphique 1). Aussi, dans le prolongement de la feuille de route « pénuries » lancée en 2019, des mesures ont été adoptées dans le cadre de la LFSS pour 2020, conduisant à de nouvelles obligations pour les acteurs du circuit de distribution et de fabrication.
Graphique 1 ● Nombre de molécules (DCI) concernées par au moins un signalement de rupture ou de risque de rupture
Note de lecture : En 2023, 827 dénominations communes internationales (DCI) sont concernées par au moins un signalement. Attention, il y a une rupture de tendance entre 2021 et 2022.
Source : ANS
Graphique 2 ● Signalements de ruptures ou de risques de ruptures
Note de lecture : En 2023, 1 506 signalements de ruptures ont été enregistrés.
Source : ANSM
Entre 2022 et 2023, le nombre de signalements de ruptures a diminué de 35 % (2 304 en 2022 et 1 506 en 2023), alors que le nombre de signalements de risque de rupture a très fortement augmenté de 60% (2 139 en 2022, 3 419 en 2023). Le nombre total de signalements a augmenté de 10,8% entre 2022 et 2023.
En 2023, selon les laboratoires, plus de la moitié des signalements sont causés par une tension sur l’offre et la demande ou à un défaut d’approvisionnement. Les signalements liés au coronavirus ont quant à eux disparus.
La forte hausse, du nombre de signalements pour risque déclarés entre 2019 et 2020 (+443 %) s’explique par plusieurs mesures ayant vocation à mieux prévenir les ruptures de médicaments et notamment à inciter les laboratoires pharmaceutiques à déclarer les risques de ruptures auprès de l’ANSM davantage en amont. La LFSS pour 2020 a notamment renforcé les sanctions financières pour les laboratoires ne respectant pas leurs obligations en la matière.
En outre, le décret n°2021-349 publié le 20 mars 2021 instaure l’obligation, au 1er septembre 2021, pour les entreprises pharmaceutiques, d’élaborer des plans de gestion des pénuries (PGP) pour tous les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). Ces PGP permettent de prévenir les ruptures de stocks et, en cas de difficultés d’approvisionnement, d’apporter dans les meilleurs délais des solutions pour assurer la continuité des traitements pour les patients concernés. Les industriels doivent également constituer un stock de sécurité pour tous les MITM qu’ils commercialisent en France. Au-delà de l’obligation de stock de 2 mois prévue par ce décret, l’ANSM a étendu les stocks de sécurité à 4 mois pour une liste de MITM en particulier, établie au regard des difficultés d’approvisionnement observées sur les deux années précédentes. La forte augmentation observée entre 2021 et 2022 provient aussi du changement de nomenclature.
Les médicaments du système cardio-vasculaire et du système nerveux représentent plus de la moitié des signalements (51,1 %, cf. graphique 3). Les médicaments du système digestif et métabolisme et les médicaments anti-infectieux représentent quant à eux près d’un quart (23,2 %).
Ces ruptures ou risques de ruptures de stocks de médicaments ont des origines multifactorielles : difficultés survenues lors de la fabrication des matières premières ou des produits finis, défauts de qualité sur les médicaments, capacité de production insuffisante, morcellement des étapes de fabrication, etc.
Graphiques 3 ● Signalements par aire thérapeutique
(1) A l'exclusion des hormones sexuelles et des insulines
Source : ANSM
Graphique 4 ● Les rationnels de rupture
(1) A l'exclusion des hormones sexuelles et des insulines
Source : ANSM
La notion de rupture de stock est définie par le décret du 20 juillet 2016 comme « l’impossibilité pour un laboratoire de fabriquer ou d’exploiter un médicament ou un vaccin ». Cette notion se distingue de celle de rupture d’approvisionnement, définie comme « l’incapacité pour une pharmacie d’officine ou une pharmacie à usage intérieur (…) de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures ».
Les deux notions présentent des intérêts puisque la première permet d’insister sur les difficultés dans la chaîne d’approvisionnement en amont de la mise à disposition par l’exploitant alors que la seconde rend également compte des problématiques qui peuvent survenir dans la chaîne de distribution et offre une vision plus complète des conséquences des ruptures pour les usagers. Le terme de pénurie, utilisé dans cette étude mais non défini dans la loi, correspond à l’indisponibilité temporaire d’un médicament résultant d’une rupture de stock d’amont et/ou d’une rupture d’approvisionnement d’aval. Une liste actualisée de médicaments en rupture ou en risque de rupture est constamment disponible sur le site de l’ANSM. Un rapport d’activité est également publié pour chaque année écoulée, où sont notamment comptabilisées toutes les déclarations de ruptures ou de risques de ruptures.
Organisme responsable de la production de l’indicateur : DSS