Objectif n°5 : Renforcer l’efficience du système de soins et développer la maîtrise médicalisée des dépenses
La forte consommation d’antibiotiques se traduit par une diminution de l’efficacité de ces médicaments, en raison du développement de résistances. C’est pourquoi la maîtrise de la consommation d’antibiotiques est une priorité de santé publique, tout autant qu’un enjeu de la régulation des dépenses de santé.
Au cours des deux dernières décennies, des efforts ont été déployés dans le monde entier pour optimiser l'utilisation des antibiotiques comme moyen de lutter contre l'augmentation de la résistance aux antibiotiques. Cette résistance est considérée comme l'une des plus grandes menaces pour la santé publique dans l'UE/EEE, avec des niveaux élevés de résistances signalés pour plusieurs espèces bactériennes importantes et entraînant environ 33 000 décès attribuables à des infections par des bactéries résistantes aux antibiotiques chaque année. En 2015, 5 500 décès étaient en lien avec des infections dues à des bactéries résistantes aux antibiotiques en France[1]. Les infections et la résistance des bactéries aux antibiotiques sont un enjeu majeur de santé publique qui nécessite une mobilisation collective, que l’on soit professionnel de santé, patient ou citoyen. La stratégie nationale 2022-2025 de Prévention des Infections et de l’Antibiorésistance correspond à un cadre qui définit les grandes orientations à l’échelle nationale et les décline en 42 actions concrètes à réaliser d’ici 2025. Cette stratégie en santé humaine s’inscrit dans la continuité de la feuille de route interministérielle 2016 pour la maîtrise de l’antibiorésistance et repose sur deux piliers que sont les actions de prévention et contrôle des infections et celles promouvant le bon usage des antibiotiques.
En juin 2017, la Commission européenne a adopté plan d'action européen « One Health » contre la résistance antimicrobienne (au niveau santé humaine, santé animale et environnemental) [2] afin d'aider l'UE et ses États membres à proposer des solutions innovantes, des réponses efficaces et durables à la résistance antimicrobienne. L'une des clés de ce plan est de promouvoir l’utilisation prudente d'antimicrobiens, surveillée par un nombre limité d’indicateurs déjà collectés permettant de mesurer les progrès et l’efficacité des mesures des politiques mises en œuvre.
[1] Cassini,A and al. Attributable deaths and disability-adjusted life-years caused by infections with antibiotic-resistant bacteria in the EU and the European Economic Area in 2015: a population-level modelling analysis. Lancet Infect. Dis. 19, 56–66. https://doi.org/10.1016/S1473-3099(18)30605-4. supplementary appendix p. 214
[2] European Commission. A European One Health Action Plan against Antimicrobial Resistance (AMR), COM/2017/339. Communication from the European Commission to the Council and the European Parliament. Brussels: European Commission; 2017. Available from: http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=COM:2017:339:FIN
En France, l’exposition aux antibiotiques en médecine de ville a diminué depuis la mise en place, au début des années 2000, du premier « Plan national pour préserver l'efficacité des antibiotiques ». La consommation a atteint 19,9 doses définies journalières (DDJ) pour 1 000 personnes par jour en 2021.
Tableau 1 ● Consommation d’antibiotiques en France par classe d’antibiotiques
Source: ANSM
Note de lecture : Consommations exprimées en nombre de DDJ/1000 habitants/jou
En effet, au cours de ces dix dernières années, la consommation s’était stabilisée, avec une légère tendance à la baisse (-7,4 %) entre 2017 et 2019. Fortement marquée par l’épidémie de Covid-19, l’année 2020 avait connu une baisse de la consommation de 25,3 % par rapport à 2010, grâce à l’application la plus stricte des gestes barrières contribuant à une moindre circulation des affections virales et bactériennes saisonnières. Il s’agissait de la baisse la plus importante de ces 10 dernières années. En 2021, la consommation des antibiotiques a baissé de 16,6 % par rapport à 2011 et de 14,9 % par rapport à 2019. La structure de la consommation n’a pas été modifiée : la part des Bêta-lactamines, pénicillines a régulièrement augmenté et représentait en 2021 près de 56 % de la consommation d’antibiotiques en ville. Au sein de cette classe, les pénicillines à large spectre (essentiellement l’amoxicilline) constituaient à elles seules plus de 35 % des consommations. Dans tous les pays européens, quel que soit leur niveau de consommation, les pénicillines constituent la classe d’antibiotiques la plus utilisée.
Par ailleurs, la consommation des céphalosporines a diminué. Il est très probable qu’une partie des prescriptions se soit reportée sur les pénicillines. Une évolution encore plus marquée caractérise les macrolides et les quinolones, dont l’usage a fortement diminué, que l’on raisonne en nombre de DDJ/1 000 habitants ou en part de consommation. En ce qui concerne la dépense engendrée par la consommation d’antibiotiques, la part des génériques y est prépondérante. En 2021, selon les données de Medic’am, les génériques représentaient 83,4 % du nombre total de boîtes d’antibiotiques remboursées par l’ensemble des régimes d’assurance maladie et les antibiotiques ne représentaient que 1,9 % du montant total de la dépense de médicaments délivrés en ville et remboursés.
Tableau 2 ● Consommation d’antibiotiques en Europe (secteur ville)
Source : ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control –Centre européen de contrôle et de prévention des maladies. Surveillance of antimicrobial consumption in Europe) et ANSM (pour les données françaises).
Note : ND = non déterminé ; DDJ = « Dose définie journalière » (cf précisions méthodologiques) Note de lecture : La France est passée de 25,0 doses définies journalières pour 1 000 habitants en 2010 à 18,7 en 2020
Au cours des dix dernières années, la consommation d’antibiotiques a évolué dans de nombreux pays mais aucun changement majeur n’a été observé dans la cartographie des consommations en Europe. Ce sont les mêmes pays qui se caractérisent par le niveau modéré de leur consommation d’antibiotiques (à savoir entre autres le Pays-Bas, la Suède et l’Allemagne). Des niveaux élevés de consommation sont également observés dans les mêmes pays, en début comme en fin de période (la Grèce et dans une moindre mesure la France). La relative stabilité des consommations en Europe semble indiquer que, dans chaque pays, le poids respectif des nombreux déterminants de la prescription pharmaceutique évolue peu au fil des années. Ce constat s’applique particulièrement à la situation française. Il n’en demeure pas moins qu’en 2020, la France se situe toujours parmi les pays les plus consommateurs d’Antibiotiques.
La mesure de la consommation d’antibiotiques en France, est exprimée en doses définies journalières (DDJ) pour 1 000 personnes et par jour.
Initiée par les pays scandinaves, puis reprise par l’Organisation Mondiale de la Santé, la « Dose Définie Journalière », a pour objectif de favoriser les comparaisons internationales en éliminant les difficultés de mesure liées à l’hétérogénéité des tailles de conditionnement et aux différences de dosage des médicaments d’un pays à l’autre. Le calcul des DDJ repose sur la détermination préalable d’une dose quotidienne de référence pour un adulte de soixante-dix kilos dans l’indication principale de chaque substance active. Cette dose moyenne - établie de façon consensuelle - ne reflète pas nécessairement la posologie recommandée par l’AMM ni la posologie effective : elle constitue avant tout un étalon de mesure. Chaque présentation d’un médicament peut ainsi être convertie en nombre de DDJ. Dès lors, si le nombre total de boîtes vendues au cours d’une année est connu, la consommation exprimée en nombre de DDJ peut être calculée pour chaque substance active. Les regroupements de médicaments peuvent alors être effectués selon leur indication thérapeutique et leur caractéristique chimique déterminés par la classe ATC (Anatomical Therapeutic Chemical Classification System) contrôlé par l’OMS.
Pour tenir compte des différences de population d’un pays à l’autre, le nombre de DDJ est divisé par le nombre total d’habitants (enfants compris) et les résultats sont présentés pour mille habitants et par jour. Les résultats présentés ici ont été calculés à partir des données de ventes déclarées chaque année à l’ANSM par les exploitants de spécialités pharmaceutiques. Elles ont été rapportées à la population française (départements d’outremer inclus) en milieu d’année. Ce sont ces données annuelles, exprimées en nombre de DDJ, qui sont transmises au Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC).
Organisme responsable de la production de l’indicateur : ANSM