1.3. Espérance de vie
L’indicateur d’espérance de vie à 35 ans permet de mettre en évidence les inégalités importantes de risque de décès des actifs existant entre catégories sociales en France. Afin de disposer d’effectifs suffisants, les comparaisons d’espérance de vie à 35 ans dans le temps et par catégorie sociale se font par période.
Si toutes les catégories sociales ont connu une amélioration de leur espérance de vie à 35 ans, ce sont toujours les cadres et professions intellectuelles supérieures qui ont l’espérance de vie la plus longue, atteignant 49 ans chez les hommes et 53 ans chez les femmes à 35 ans (cf. graphique 1). L’écart d’espérance de vie à 35 ans entre les cadres et les ouvriers est de 6,4 ans chez les hommes et de 3,2 ans chez les femmes sur la période 2009-2013.
Les écarts d’espérance de vie entre catégories socioprofessionnelles sont restés stables par rapport à la période précédente (2000-2008). Les différences sociales de mortalité demeurent plus importantes chez les hommes que chez les femmes. Quelle que soit leur catégorie sociale, les femmes vivent plus longtemps que les hommes : même l’espérance de vie des ouvrières est supérieure, d’un peu moins d’un an, à celle des hommes cadres.
Les différences de mortalité entre les cadres et les ouvriers s’atténuent avec l’avancée en âge : à 45 ans, le risque de mourir dans l’année est 2,5 fois plus fort pour un homme ouvrier que pour un cadre; à 90 ans, ce risque n’est plus que 1,4 fois plus important. Il en va de même chez les femmes : à 45 ans, le risque est 2 fois plus grand ; à 90 ans, il l’est 1,3 fois plus.
Aux inégalités d’espérance de vie globale viennent s’ajouter de fortes inégalités d’espérance de vie en bonne santé : les ouvriers ont non seulement une espérance de vie plus courte que les cadres mais vivent moins longtemps en bonne santé. En 2003, les hommes cadres vivaient dix années de plus en bonne santé que les ouvriers hommes.
Les natures mêmes des professions exercées expliquent en partie ces écarts. En effet, les cadres ont moins d’accidents, de maladies ou d’expositions professionnelles que les ouvriers. Par ailleurs, ils appartiennent à un groupe social dont les modes de vie sont favorables à une bonne santé : moins de comportements de santé à risque (tabac, boissons…), et recours et accès aux soins ou aux dépistages plus fréquents chez les cadres que chez les ouvriers.
L’espérance de vie à 35 ans augmente selon le niveau de vie. L’écart d’espérance de vie par niveau de vie à 35 ans entre les plus aisés et les plus modestes est de près de 9 ans chez les hommes et de 5 ans chez les femmes sur la période 2012-2016 (cf. graphique 2).
Cette augmentation de l’espérance de vie avec le niveau de vie s’observe avec ou sans diplôme. En effet, chez les non diplômés, l’espérance de vie à 35 ans des hommes parmi les 25 % les plus aisés est de 46 ans, contre 39 ans pour ceux appartenant aux 25 % les plus modestes. De plus, les hommes les plus aisés sans diplôme ont une espérance de vie plus élevée à 35 ans que les hommes diplômés du supérieur les plus modestes (46 ans contre 42 ans). Un diplôme plus élevé ou le fait d’exercer la profession de cadre ne suffisent donc pas à expliquer l’espérance de vie plus élevée des personnes les plus aisées. Un niveau de vie plus élevé, facilitant les comportements de prévention et l’accès aux soins, permet aussi d’expliquer un meilleur état de santé. D’autres facteurs doivent également être pris en compte pour expliquer le niveau d’espérance de vie, comme l’existence de difficultés de santé ou le comportement plus ou moins favorable à une bonne santé du conjoint éventuel.
Graphique 1 ● Espérance de vie à 35 ans par genre et catégorie sociale
Source : Insee, Échantillon démographique permanent.
Champ : France métropolitaine
Note de lecture : Durant la période 2009 à 2013, l’espérance de vie des cadres à 35 ans était de 49 ans pour les hommes et de 53 ans pour les femmes.
Graphique 2 ● Espérance de vie à 35 ans, selon le niveau de vie et le diplôme (période 2012-2016)
Source : Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Echantillon démographique permanent
Champ : personnes âgées de 35 ans ou plus, France hors Mayotte.
Note de lecture : Pendant la période 2012 à 2016, parmi les 25 % les plus aisés, dont le niveau de vie moyen est de 3 500 euros par mois, l'espérance de vie à 35 ans des hommes est de 49 ans contre 53,1 ans pour les femmes.
Source des données :
Les résultats présentés ici ont été obtenus à partir de l’Échantillon démographique permanent (EDP) de l’Insee. Cet échantillon résulte de la compilation, pour 1 % de la population avant 2008, pour 4 % depuis, des données d’état civil (dont les décès), de recensements et de données socio-fiscales. Il permet de suivre la mortalité des personnes au fil du temps, en fonction de caractéristiques sociodémographiques, observées au recensement (par exemple le diplôme) et dans les données socio-fiscales (par exemple le niveau de vie).
Indications complémentaires :
La mortalité par catégorie sociale était précédemment analysée sur quatre périodes de neuf années, amplitude retenue pour disposer d’effectifs suffisants de décès et de population : la mortalité moyenne des années 1976-1984 était étudiée selon la catégorie sociale en 1975 (mortalité du « début des années quatre-vingt »); des années 1983-1991 selon la catégorie sociale en 1982 (mortalité de la « fin des années quatre-vingt ») ; des années 1991-1999 selon la catégorie sociale en 1990 (mortalité du « milieu des années quatre-vingt-dix »). Le nouveau dispositif de recensement et l’élargissement de l’EDP ont conduit à étudier la mortalité sur 2009-2013 de personnes recensées entre 2004 et 2012.
Les probabilités de décéder dépendent fortement de l’âge. Pour comparer les risques de décès entre groupes d’individus au sein d’une population, il est donc important de tenir compte des différences de structure par âge entre groupes. L’indicateur d’espérance de vie à 35 ans neutralise les effets d’âge. Pour chaque catégorie sociale observée à un recensement, les probabilités annuelles de décès par sexe et âge ont été calculées pour chacune des périodes étudiées. Pour une période donnée, l’espérance de vie à 35 ans relative à une catégorie sociale est le nombre moyen d’années restant à vivre à cet âge, pour une génération fictive de personnes survivantes à 35 ans qui auraient tout au long de leur vie les probabilités de décès de cette catégorie observées à chaque âge sur la période étudiée. Pour la calculer, les probabilités de décès estimées ont été extrapolées pour les âges après 80 ans, faute d’effectifs suffisants pour les estimer directement.
Les retraités sont reclassés selon leur ancienne profession, et les chômeurs ayant déjà travaillé selon la catégorie sociale du dernier emploi qu’ils ont occupé. Les « inactifs » non retraités regroupent donc les chômeurs n’ayant jamais travaillé ainsi que les autres personnes sans emploi (hors retraités). Lorsque l’on compare l’espérance de vie des cadres en 1976-1984 à celle des cadres en 2000-2008, on compare des groupes sociaux qui ne représentent plus la même part dans la population. Ces modifications de structure peuvent avoir des répercussions sur les évolutions de l’espérance de vie. C’est le cas notamment pour les inactifs non retraités, dont la part a fortement baissé parmi les femmes. Par exemple, la part de l’inactivité liée à des problèmes de santé a pu augmenter relativement. En 1999, seuls 3,6 % des hommes sont inactifs et leur inactivité est davantage liée à des problèmes de santé. Les tensions sur le marché du travail ont pu aggraver les difficultés d’emploi des personnes en mauvaise santé et donc leur part relative dans l’inactivité, ce qui pourrait expliquer que l’espérance de vie des inactifs augmente beaucoup moins vite que celle des actifs ou retraités.
Pour aller plus loin :
Pour plus de détails, se reporter aux publications de l’Insee :
Blanpain N., (2016), « Les hommes cadres vivent toujours 6 ans de plus que les hommes ouvriers », Insee Première n°1584.
« L’espérance de vie par niveau de vie : chez les hommes, 13 ans d’écart entre les plus aisés et les plus modestes », Insee Première n°1687 – Février 2018.
Et à la publication de l’INED :
E. Cambois, C. Laborde, J-M Robine, « La « double peine » des ouvriers : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte », Populations et Société n°441 – Janvier 2008.
Organismes responsables de la production de l’indicateur : DSS