1.6. Caractère redistributif du système français de protection sociale et de son financement

Le fait d’acquitter des prélèvements sociaux crédite les assurés de droits sociaux supplémentaires. La contribution au niveau de vie des ménages des prélèvements payés nets des prestations présentes et futures peut être positive, notamment lorsque les prélèvements sociaux sont proportionnels aux revenus d’activité et que les prestations associées sont essentiellement forfaitaires – l’assurance maladie par exemple – ou comportent des éléments de redistribution. En particulier, les personnes à revenu modeste sont susceptibles d’être bénéficiaires nets : les transferts sociaux qu’ils reçoivent excèdent le montant de leur contribution.
Cependant, la construction d’un indicateur mesurant la contributivité du système français de protection sociale est malaisée. Observer de façon statique la corrélation entre revenus, prélèvements et prestations au niveau des individus à un moment donné est insuffisant, car les prestations reçues varient avec l’âge (du fait notamment des mécanismes de solidarité entre générations à l’œuvre dans les systèmes de retraite, ou de la variation selon l’âge des dépenses d’assurance maladie). Une solution serait d’observer de façon longitudinale les prélèvements acquittés et les prestations reçues par les individus tout au long de leur vie. Cependant, de telles données longitudinales ne sont pas disponibles, et des calculs sur cas-types seraient trompeurs, car les paramètres futurs des régimes sociaux sont inconnus.
Il est toutefois possible d’observer une année donnée le bilan des prélèvements sociaux et des prestations sociales pour l’ensemble des individus en fonction de leur revenu, de leur âge ou d’autres caractéristiques socio-économiques. Le graphique ci-après présente, pour l’année 2020, les divers prélèvements acquittés et les prestations reçues par les ménages en fonction de l’âge de la personne de référence. Les calculs n’incluent ni les prestations d’assurance maladie, ni les cotisations les finançant (cf. précisions méthodologiques ci-après). Sur ce point, on peut se référer à l’indicateur n°1-9 du REPSS Maladie : La redistribution verticale opérée par l’Assurance Maladie.

Dans les ménages dont la personne de référence a moins de 60 ans, les prestations sociales perçues (hors prestations d’assurance maladie) sont en moyenne inférieures aux prélèvements acquittés (y compris cotisations sociales à la charge des employeurs). En équivalent personne seule, en moyenne par an, les prestations sont inférieures à 4 100 euros et même à 3 000 euros entre 40 et 54 ans. Les prélèvements acquittés, eux, approchent les 4 000 euros en moyenne par an lorsque la personne de référence a entre 20 et 24 ans et augmentent avec l’âge pour atteindre 10 000 euros entre 55 et 59 ans. 
Au-delà de la soixantaine, le bilan des transferts sociaux s’inverse nettement, en raison de la perception des retraites. Toujours en équivalent personne seule, les prestations perçues grimpent à près de 13 000 euros en moyenne par an quand la personne de référence a entre 60 et 64 ans, et à plus de 20 000 euros aux âges plus élevés. Parallèlement, les prélèvements acquittés diminuent nettement avec l’âge :  proches de 7 000 euros annuels quand la personne de référence a entre 60 et 64 ans, ils descendent à 3 200 euros entre 65 et 69 ans et à moins de 2 000 euros après 75 ans.
Ces données ne fournissent pas par elles-mêmes une mesure de la contributivité du système de protection sociale, si ce n’est qu’elles montrent que les prélèvements et les prestations accompagnent les individus tout au long de leur vie. Ces résultats seraient renforcés en prenant en compte les prestations maladie : le gain net des groupes les plus âgés serait en effet plus important car ils sont structurellement en plus mauvaise santé. 
L’inflexion aux âges de la retraite des montants de prélèvements nets des prestations reçues s’observe quel que soit le quartile de niveau de vie considéré (cf. graphique 2). Elle est toutefois d’autant plus marquée que le niveau de vie est élevé.
Ainsi lorsque la personne de référence du ménage a 65 ans ou plus, les prestations reçues, largement supérieures en moyenne aux prélèvements acquittés, le sont d’autant plus que le ménage est aisé. C’est le contraire aux âges actifs : en moyenne, les prélèvements sociaux dépassent largement les prestations pour les 25 % de personnes les plus aisées (appartenant au 4ème quartile de la distribution des niveaux de vie dans leur catégorie d’âge) tandis que les 25 % les plus modestes supportent moins de prélèvements qu’elles ne perçoivent de prestations. Cela constitue un premier indice qualitatif du degré de contributivité du système français de protection sociale. 
En ne considérant que les prestations contributives, c’est-à-dire en se restreignant aux retraites et aux prestations chômage, les personnes vivant dans un ménage dont la personne de référence est âgée de 30 à 60 ans sont contributeurs nets quel que soit le quartile de niveau de vie considéré, même si l’écart entre les cotisations acquittées et les prestations reçues est faible pour les plus modestes. Symétriquement, les plus âgés bénéficient d’autant plus des prestations qu’ils sont aisés, du fait du caractère contributif de celles-ci.

Graphique 1 ●Cotisations et contributions sociales acquittées et prestations perçues (hors financement et prestations d’assurance maladie), par unité de consommation, selon l’âge de la personne de référence, en 2020

Fi.1.6.1_G1.jpg

Source : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2018 (actualisée 2020) ; modèle Ines 2020 provisoire, calculs Drees.
Champ : ménages ordinaires vivant en France métropolitaine dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante.

Graphique 2 ● Écart annuel entre les cotisations et contributions acquittées et les prestations perçues, par UC, selon le niveau de vie et l’âge de la personne de référence, en 2020

Fi.1.6.1_G2.jpg

Source : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2018 (actualisée 2020) ; modèle Ines 2020 provisoire, calculs Drees.
Champ : ménages ordinaires vivant en France métropolitaine dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante. 
Note de lecture : en 2020, au sein des ménages dont la personne de référence a entre 20 et 24 ans, les 25 % de personnes les plus modestes (appartenant au premier quartile de la distribution des niveaux de vie pour cette tranche d'âge) perçoivent davantage de prestations qu’elles n’acquittent de cotisations et contributions sociales (CSG, CRDS...) : l'écart moyen entre cotisations et contributions versées et prestations perçues (hors assurance maladie) est négatif, égal à -4314 € par unité de consommation (UC) en 2020. À l’inverse, dans cette même tranche d'âge, les 25 % de personnes les plus aisées (4ème quartile) acquittent plus de cotisations et contributions sociales qu’elles ne reçoivent de prestations : en 2020, l'écart s'élève en moyenne à 6402 € par unité de consommation.

Graphique 3 ● Écart annuel entre les cotisations et contributions acquittées et les prestations contributives perçues, par UC, selon le niveau de vie et l’âge de la personne de référence, en 2020

Fi.1.6.1_G3.jpg

Source : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2018 (actualisée 2020) ; modèle Ines 2020 provisoire, calculs Drees.
Note : voir précisions méthodologiques pour la définition des prélèvements et des prestations prises en compte.
Champ : ménages ordinaires vivant en France métropolitaine dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante. 
Note de lecture : en 2020, au sein des ménages dont la personne de référence a entre 20 et 24 ans, les 25 % de personnes les plus aisées (appartenant au 4ème quartile de la distribution des niveaux de vie pour cette tranche d'âge) versent davantage de cotisations et contributions sociales (hors assurance maladie) qu'elles ne perçoivent de prestations contributives (chômage, retraite et préretraite) : en 2020, l'écart entre cotisations et contributions versées d'une part, prestations contributives perçues de l'autre, s'élève en moyenne à 7620 € par unité de consommation (UC). À l’inverse, parmi les ménages dont la personne de référence a entre 65 et 69 ans, les 25 % de personnes les plus aisées acquittent moins de cotisations et contributions sociales qu’elles ne reçoivent de prestations contributives : l'écart moyen entre cotisations et prestations est négatif, égal à -22 451 € par unité de consommation en 2020.

Source des données :
Les éléments représentés par les graphiques précédents ont été estimés à l’aide du modèle de microsimulation Ines. Développé conjointement par la Drees, l’Insee et la Cnaf, le modèle Ines 2020 encore provisoire applique à une population représentative des ménages « ordinaires » (c'est-à-dire ne vivant ni en habitation mobile ni en collectivité) de France métropolitaine la législation socio-fiscale de 2020. Le modèle Ines est adossé aux enquêtes Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) réalisées par l’Insee, la DGFiP, la Cnaf, la Cnav et la MSA, qui apparient les caractéristiques sociodémographiques des ménages de l’Enquête Emploi aux fichiers administratifs de déclarations fiscales et sociales. Le millésime 2020 du modèle Ines intègre les conséquences de la crise sanitaire et du chômage partiel sur les revenus d’activité. 

Construction de l’indicateur :
Les prélèvements pris en compte sont les cotisations sociales à la charge des salariés, des non-salariés, des titulaires de revenus de remplacement et des employeurs, la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), divers prélèvements sur les revenus du patrimoine, la contribution exceptionnelle de solidarité pour les titulaires de la fonction publique ainsi que la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA). Dans le cas des salariés, les cotisations à la charge des employeurs ont été intégrées aux calculs car elles constituent une composante du financement des diverses prestations et de la rémunération totale du travail. Cela permet aussi de ne pas biaiser l’analyse selon que les ménages comportent des salariés ou des non-salariés. Par ailleurs, dans la mesure où les prestations de l’assurance maladie ne sont pas intégrées ici aux prestations sociales, les cotisations (salariales et patronales) et les contributions sociales qui les financent (une partie de la CSG) sont exclues du champ des prélèvements considérés. Les montants de cotisations sont donc parfaitement comparables aux prestations versées.
Les prestations sociales prises en compte sont : les prestations familiales dévolues à l’accueil et à la garde d’enfants, les autres prestations familiales (allocations familiales, complément familial…), les aides personnelles au logement lorsque le ménage est locataire ou accédant à la propriété, les minima sociaux, la prime d’activité, les aides exceptionnelles versées en 2020 aux ménages modestes dans le cadre de la crise sanitaire ainsi que les retraites (pensions, retraites, rentes viagères à titre gratuit) et les allocations d’indemnisation du chômage, relevant du régime d’assurance et du régime de solidarité.
Les prélèvements acquittés et les prestations reçues par les ménages sont ramenés en équivalent personne seule, en divisant les montants perçus par le nombre d’unités de consommation représentatif de la composition du ménage. On attribue une unité à la personne de référence du ménage, 0,5 unité aux autres personnes âgées de 14 ans et plus, et 0,3 unité aux enfants âgés de moins de 14 ans. Les montants ainsi calculés expriment l’incidence, respectivement positive et négative, des prestations et des prélèvements sociaux sur le niveau de vie des personnes, rendus comparables malgré les différences de taille des ménages.

Organisme responsable de la production de l’indicateur : DREES

Téléchargements complémentaires