La politique de financement de la sécurité sociale comprend l’ensemble des actions allant de la détermination du niveau des cotisations et contributions dues, aux actions mises en œuvre pour la collecte de ces ressources. Elle inclut le financement de la trésorerie des régimes, l’atteinte des objectifs de redressement financier et l’amortissement de la dette.
Les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale présentent tous les ans les grands objectifs poursuivis par la sécurité sociale
et permettent d’identifier les réussites mais également les marges de progrès ou les difficultés rencontrées. Les indicateurs associés au présent rapport d’évaluation visent à illustrer la diversité de ces enjeux. Cinq objectifs majeurs sont assignés à la politique de financement de la sécurité sociale :

1/ Revenir progressivement à l’équilibre financier de la sécurité sociale ;
2/ Veiller à l’équité du prélèvement social ;
3/ Concilier le financement de la sécurité sociale et la politique de l’emploi ;
4/ Simplifier les procédures de financement ;
5/ Améliorer l’efficience de la gestion financière et du recouvrement.

La mise en œuvre des actions de recouvrement est assurée, pour la majorité des ressources, par les organismes chargés du recouvrement (Urssaf, CGSS et CMSA pour l’essentiel). L’Urssaf Caisse nationale qui assure la centralisation des flux financiers pour la quasi-totalité des régimes et des branches redistribue ensuite les cotisations et contributions collectées pour financer l’ensemble des prestations (famille, maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, retraite, autonomie).

 

Un déficit de 10,8 Md€ en 2023

Le déficit de l’ensemble des régimes de base et du FSV s’élève à 10,8 Md€ en 2023. Le solde reste marqué par la crise sanitaire même si le déficit se résorbe : 39,7 Md€ en 2020, 24,3 Md€ en 2021, puis 19,7 Md€ en 2022. Il atteignait 10,5 Md€ en 2024 selon la loi de financement de sécurité sociale pour 2024. La crise sanitaire s’est traduite par une baisse des ressources de la sécurité sociale, et, dans le même temps, par une hausse de ses dépenses, afin d’amortir les effets de la crise sanitaire et économique (cf. graphique 2). L’amélioration à l’œuvre depuis 2021 est permise par le rebond de l’activité économique et la réduction progressive des surcoûts liés à la crise sanitaire. En 2023, les recettes des régimes de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse ont atteint 599,5 Md€, en hausse de 4,7 %.
Depuis 1945, les financements se sont progressivement diversifiés, notamment avec la mise en place de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1991, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) en 1996. De plus, la montée en charge, au cours des 30 dernières années, des allègements de cotisations sociales visant à réduire le coût des emplois à bas salaire a eu pour contrepartie une augmentation de la part du financement de la sécurité sociale assurée par des impôts et des taxes affectés, notamment la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Les différentes baisses de cotisations se sont traduites par une baisse de leur part dans le financement de la sécurité sociale, passée de 64 % en 1990 à 48 % en 2023 (indicateur n°1-3-1)

 

Graphique 1 ● Recettes, dépenses et solde par branche de la sécurité sociale en 2023

Source : CCSS mai 2024

Des réformes structurantes de la branche autonomie de la sécurité sociale

Un premier ensemble de réformes a conduit à diminuer le coût du travail, tout en maintenant les ressources de la sécurité sociale, les allègements de cotisations étant pris en charge par l’État. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS, pour le secteur non lucratif), mis en place à compter de 2013, sont transformés depuis janvier 2019 en baisse pérenne de cotisations sociales pour les employeurs. Cela s’est traduit par une réduction de 6 points du taux de cotisation d’assurance maladie pour les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC. Depuis 2019, les allègements de cotisations patronales sur les bas salaires ont par ailleurs été renforcés, en y intégrant les contributions d’assurance chômage et de retraite complémentaire. Au total, le coefficient maximal de réduction au titre des allègements généraux de cotisations sur les bas salaires a été relevé de 10 points au niveau du SMIC, soit une hausse de 4 points des allègements compte tenu de la suppression concomitante du CICE.
Par ailleurs, pour permettre une maîtrise des coûts des allègements de cotisations patronales dans un contexte d’inflation et de dynamique soutenue du SMIC, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a permis par décret de maintenir en 2024 les plafonds de rémunérations applicables aux réductions de taux de cotisations patronales maladie et famille à leur niveau appliqué fin 2023. 
Par ailleurs, de nouveaux allégements de cotisations salariales ont permis de soutenir le pouvoir d’achat des actifs. Les salariés et les travailleurs indépendants bénéficient ainsi à compter de 2018 de baisses de cotisations salariales en contrepartie d’un relèvement de la CSG de 1,7 %. Pour préserver le pouvoir d’achat des retraités modestes, la hausse de CSG n’a concerné que les retraités aux revenus les plus élevés. De plus, depuis le 1er janvier 2019, les heures supplémentaires sont exonérées de cotisations salariales d’assurance vieillesse de base et complémentaire et d’impôt sur le revenu (pour ce dernier, uniquement en dessous d’un plafond de 5 000 €, relevé à 7 500 € à compter de 2022). La loi portant mesures d’urgence économiques et sociales (MUES) du 24 décembre 2018 a également instauré une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA), exonérée de cotisations et contributions sociales. Le dispositif a été reconduit jusqu’en mars 2022. Depuis le 1er juillet 2022, les employeurs peuvent verser à leurs salariés une prime de partage de la valeur (PPV) exonérée de cotisations et de CSG-CRDS dont les plafonds ont été triplés par rapport à la PEPA. Cette prime a été versée en 2023 dans plus de 519 000 établissements du secteur privé à environ 5,9 millions de salariés, et a atteint en moyenne près de 885 euros. La loi n° 2023-1107 relative à l’accord national interprofessionnel de partage de valeur fait évoluer la PPV à partir de 2024 pour limiter l’exonération de CSG et CRDS pour les salariés dont les rémunérations sont inférieures à 3 SMIC aux seules entreprises de moins de 50 salariés.
La loi organique et la loi du 7 aout 2020 relatives à la dette sociale et à l’autonomie ont été adoptées en réponse au poids de la crise sanitaire sur les finances sociales. Cette loi a prévu une reprise par la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) de 136 Md€ de dettes depuis l’ACOSS, dont 31 Md€ de déficits passés, 13 Md€ afin de soutenir l’investissement des hôpitaux par le désendettement 
– s’ajoutant aux investissements prévus dans le cadre du Ségur de la santé - et 92 Md€ au titre des déficits prévisionnels des comptes sociaux sur la période 2020-2023, en lien avec la crise sanitaire.
Enfin, plusieurs mesures récentes visent à simplifier le recouvrement des prélèvements sociaux et à lutter contre la fraude. Le réseau Urssaf assure désormais, avec des gains en simplicité pour les employeurs et en efficacité du recouvrement, la collecte de nombreux régimes en dehors du régime général (CNIEG, CIPAV, CRPCEN) mais aussi de prélèvements sociaux hors du champ de la sécurité sociale (versement mobilité, assurance chômage, CFP, taxe d’apprentissage, OETH) . La dématérialisation croissante des échanges entre les administrations de sécurité sociale et les entreprises, ainsi que la généralisation de la déclaration sociale nominative (DSN) depuis le 1er juillet 2017, s’inscrivent également dans cette perspective de simplification, ouvrant désormais la voie à des actions plus fortes de fiabilisation des cotisations dues comme des droits constitués, notamment dans la perspective de la solidarité à la source. 
Pour les travailleurs indépendants, de nombreuses mesures de renforcement de l’équité des prélèvements et de simplification ont été adoptées depuis 2017, comme la très structurante suppression du régime social des indépendants (RSI), mais aussi la baisse importante des cotisations maladie des travailleurs indépendants, notamment au niveau du SMIC issue de la loi dite « MUPPA ». À ces efforts structurants s’ajoutera une prochaine réforme de l’assiette de calcul de leurs cotisations. Cette réforme visera à simplifier ce calcul en mettant fin à la circularité dans le calcul des assiettes sur lesquelles sont assises les cotisations sociales et les contributions CSG/CRDS et en unifiant ces assiettes en une assiette basée sur un agrégat plus proche d’un chiffre d’affaires abattu pour le travailleur indépendant. 
Enfin, la lutte contre la fraude a été et continue à être un chantier majeur de réformes structurelles et opérationnelles. Le plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques présenté par le Gouvernement en mai 2023 permettra d’accroître les outils de lutte contre l’ensemble des fraudes dans la sphère sociale. En matière de redressement de cotisations et contributions sociales, l’objectif est fixé à 5 Md€ de fraudes détectées cumulées sur le quinquennat, soit un doublement des résultats entre 2022 et 2027 (soit un niveau de 1,5 Md€ en 2027, contre 0,8 Md€ en 2022). Concernant les prestations sociales, l’objectif de préjudices financiers détectés ou évités par les CAF et les caisses de retraite s’élève à 3 Md€ cumulés sur le quinquennat 2022-2027 comme concrétisé dans les conventions d’objectifs et de gestion (COG) 2023-2027 de ces branches. La COG de la branche maladie pour 2023-2027 comporte également des objectifs de préjudices frauduleux constatés ou évités qui s’élève à un total de 2,8 Md€ cumulés sur le quinquennat. Des moyens humains et financiers sont déployés pour atteindre ces objectifs, dont notamment le recrutement de 1 000 ETP supplémentaires sur la lutte contre les fraudes sociales et le financement d’un plan d’investissement à hauteur de 1 Md€ pour moderniser les systèmes d’information. Ces moyens viendront compléter diverses mesures déjà prises en LFSS 2023 et en LFSS 2024 qui renforcent les prérogatives des agents de contrôle, qui durcissent les sanctions en cas de fraude, facilitent le partage d’informations entre les différents services publics concernés, et qui vont imposer aux  plateformes numériques de précompter les cotisations et contributions sociales des micro-entrepreneurs qui exercent leur activité par l’intermédiaire de ces plateformes d’ici 2027.
La suite de cette synthèse revient sur les résultats obtenus par la politique de financement de la sécurité sociale au regard des cinq grands objectifs retenus dans ce rapport

 

Objectif n°1 : Revenir progressivement à l’équilibre financier

En 2023, le solde des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) se redresse par rapport à 2022 tout en restant marqué par la crise sanitaire et s’établit ainsi à  10,8 Md€ (indicateur n°2-1 et graphique 2). Le solde devait s’élever à -10,5 Md€ en 2024 selon les dernières prévisions votées en loi de financement (LFSS 2024), à la faveur notamment de la quasi extinction des dépenses de crise (seulement 0,2 Md€ prévus en 2024 après 11,7 Md€ en 2022), et d’un impact différencié de l’inflation sur les dépenses et les recettes des comptes sociaux, les premières réagissant avec un délai supplémentaire conformément aux mécanismes de revalorisation en vigueur. Le solde se dégraderait sur les deux années suivantes pour atteindre -15,4 Md€ en 2025, cette dégradation matérialisant la normalisation progressive sur le front de l’inflation, caractérisé côté comptes sociaux par un effet retard entre évolution des salaires et revalorisation des prestations. Le solde prévisionnel en 2026 de l’ensemble des régimes de base et du FSV devrait continuer sa dégradation, à -16,8 Md€ selon les plus récentes projections de la LFSS 2024. La branche retraite demeurerait à cet horizon en déficit dans la mesure où la réforme votée en LFRSS ne monterait en charge qu’au fil des générations concernées. La branche maladie resterait déficitaire ( 9,1 Md€ à horizon 2027). A l’inverse, les branches famille et AT-MP seraient excédentaires en 2027. La branche autonomie serait, quant à elle, à l’équilibre en 2027.

 

Graphique 2 ● Trajectoire financière des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse

Source : CCSS pour comptes clôturés. LFSS 2024 pour les prévisions à compter de l’année 2023
(p) : prévisions
 

 

Un remboursement de la dette de la sécurité sociale visé en 2033

La CADES a été créée en 1996 pour apurer les dettes du régime général de la sécurité sociale. Ainsi, sa mission consiste à rembourser la dette sociale à un horizon limité dans le temps afin d’éviter que celle-ci ne pèse sur les générations futures, et garantir par là-même la crédibilité d’un équilibre financier durable du système.
Avant la crise sanitaire, la dette restant à amortir s’établissait fin 2019 à 89 Md€ (cf. graphique 3 et indicateur n°2-5-2). Les lois organique et ordinaire du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l’autonomie ont organisé de nouveaux transferts de dette à la CADES, à hauteur de 136 Md€, repoussant son extinction à 2033. 
À fin 2023, le montant de dette restant à amortir est de 146 Md€. Ce montant tient compte du nouveau transfert de 27 Md€ à la CADES opéré en 2023 au titre des déficits des branches maladie (22,5 Md€), vieillesse (1,7 Md€) et de la dotation au titre du désendettement pour favoriser les investissements dans les établissements de santé assurant le service public hospitalier (3 Md€). Le montant total de dette transférée à la CADES depuis sa création est de 387,7 Md€. 
À partir du 1er janvier 2024, une fraction de 0,15 point de CSG (soit 2,3 Md€) actuellement attribuée à la CADES a été affectée à la branche autonomie et le versement annuel en provenance du fonds de réserve pour les retraites (FRR) sera diminué de 2,1 Md€ à 1,5 Md€ à partir de 2025 (indicateur n°2-5-5).

 

Graphique 3 ● Dette restant à rembourser par la CADES au 31 décembre

Source : CCSS mai 2024.

En tenant compte des mesures de reprises successives de dette, la dette portée en trésorerie par l’ACOSS au titre des régimes de base de retraite et du FSV a atteint 10,8 Md€ à fin 2023 (indicateur n°2-5-4). Avec la crise sanitaire et le choc sur les recettes de la sécurité sociale et sur les dépenses d’assurance maladie, le besoin de financement moyen de l’ACOSS a légèrement augmenté à 44,2 Md€ en 2021 contre 18,2 Md€ en 2019. Depuis, avec l’extinction des dépenses de crise Covid et les reprises opérées par la Cades, le besoin de financement s’est résorbé pour atteindre 2,2 Md€ en 2023 (cf. indicateur n°2-2).

 

 

Les enjeux de gestion de trésorerie de la sécurité sociale

Outre la sortie de crise et le rétablissement d’un équilibre entre les dépenses et les recettes, l’assainissement de la situation financière des régimes de sécurité sociale nécessite de respecter la neutralité en trésorerie des flux financiers entre administrations publiques. 
En 2023, le taux de couverture initial des exonérations ciblées est de 91 %. Les versements complémentaires effectués en fin de gestion, notamment pour la compensation des exonérations portant sur l’apprentissage, les heures supplémentaires, les aides à domicile, les entreprises implantées en Outre-mer et l’exonération pour les travailleurs indépendants implantés dans les départements d’outre-mer (DOM), ont permis de porter le taux de couverture final à 100 %.
Les exonérations de cotisations et contributions sociales compensées par crédits budgétaires représentent un coût de 6,6 Md€ en 2023 (-1,1 Md€ par rapport à 2022). En 2023, ces dépenses ont principalement concerné la réduction de cotisations pour les entreprises implantées dans les DOM (1,0 Md€), les exonérations au titre de l’emploi d’aides à domicile auprès de personnes fragiles (1,0 Md€), les exonérations au titre de l’apprentissage (1,0 Md€), la déduction forfaitaire patronale sur les heures supplémentaires (0,8 Md€), ainsi que les aides à domicile employés par une association ou une entreprise pour une personne fragile (760,6 M€, cf. indicateur n°2-3-3).

 

Objectif n°2 : Veiller à l’équité du prélèvement social

Historiquement, le financement de la sécurité sociale repose de façon prépondérante sur des taux de prélèvement proportionnels aux assiettes déclarées par les cotisants. Cependant, des taux réduits de cotisations sociales patronales ont été progressivement mis en place sur les bas salaires, tandis que des taux réduits ou une exonération totale de CSG sont applicables aux pensions modestes. Ainsi, le taux de prélèvement social est moindre sur les bas revenus : en 2022, il représente 13 % pour les 10 % de ménages les moins aisés. Il croît ensuite sur la première moitié de la distribution des revenus avant d’atteindre un plateau au-delà (les 10 % de ménages les plus aisés acquittent un taux moyen de prélèvements sociaux de 54 %, cf. indicateur n°2-6-1). Il convient de noter que le montant des prestations est également dégressif en fonction du revenu.

Par ailleurs, un certain nombre de dispositifs de rémunération spécifique ou accessoire mis en place par les employeurs au bénéfice des salariés sont exclus de l’assiette des cotisations sociales. Ils peuvent toutefois supporter des prélèvements spécifiques, notamment la CSG et le forfait social. Les plus importants en valeur concernent les versements au titre de la prévoyance complémentaire, de la participation et de l’intéressement. La perte d’assiette consécutive aux exemptions de cotisations et contributions sociales dont bénéficient ces versements est évaluée à près de 70 Md€ en 2023 contre 66 Md€ en 2022 (indicateur n°2-7, cf. graphique 4). 

Graphique 4 ● Principales exemptions d’assiette des cotisations sociales estimées en 2023

Source : Annexe 2 au PLACSS pour 2023

Objectif n°3 : Concilier le financement de la sécurité sociale et la politique de l’emploi

Au-delà de financer la sécurité sociale, le prélèvement des recettes de la sécurité sociale peut être utilisé comme un levier d’application de politiques publiques. En effet, réduire ou augmenter les prélèvements applicables permet d’encourager ou de décourager la consommation d’un bien ou la pratique d’une activité. C’est le cas notamment des réductions de cotisations sociales qui visent à encourager l’emploi dans certains secteurs d’activité ou à certains niveaux de rémunération, ou des taxes comportementales permettant de recueillir des recettes en plus de décourager la consommation de biens nocifs.

 

 

Des politiques d’exonération de cotisations sociales pour favoriser l’emploi

La structure du financement de la sécurité sociale a été adaptée de manière à ne pas défavoriser l’emploi, en particulier l‘emploi faiblement rémunéré, pour lequel la décision d’embauche est la plus sensible au coût du travail. Le taux de prélèvement net global est stable entre 2020 et 2022 au niveau du SMIC. Toutefois, en 30 ans, le niveau des prélèvements effectifs dont s’acquittent les employeurs au niveau du SMIC a été quasiment divisé par sept, pour les entreprises de plus de 50 salariés : leur part dans le salaire brut est ainsi passée de 45,6 % en 1988 à 7,0 % en 2024.
Les réformes conduites en 2015 puis en 2019 ont renforcé les dispositifs d’allègement du coût du travail, en exonérant, au niveau du SMIC, l’ensemble des cotisations patronales de sécurité sociale , la contribution de solidarité pour l’autonomie et le versement au fonds national d’aide au logement (FNAL). Ainsi, à ce niveau de rémunération, le taux de cotisations de sécurité sociale patronales, pour les entreprises de moins de 10 salariés au régime général (hors complémentaires et assurance chômage), est limité à 1,64 % en 2024 (contre 4,69 % avant 2015, cf. indicateur n°2-8).
Le montant total des exonérations de cotisations est estimé à 89,0 Md€ en 2023, soit une hausse de 7,6 % par rapport à 2022, tirée principalement par l’augmentation de 10% des allègements généraux (qui représentent 88% de l’ensemble des exonérations) sous l’effet de la dynamique continue de la masse salariale du secteur privé (+5,7 %) et du SMIC.
Au-delà des mesures générales d’abaissement du coût du travail pour l’ensemble des bas salaires, des exonérations spécifiques existent également en faveur de certains publics fragiles et de secteurs d’activité ou de zones géographiques déterminés. Cette politique donne lieu à des compensations financières de la part de l’État qui se sont généralisées à partir de la loi du 25 juillet 1994 et dont le principe a été réaffirmé et étendu dans le cadre de la loi du 13 août 2004 réformant l’assurance maladie, et renforcé par la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Les exonérations qui ne donnent pas lieu à compensation, soit parce qu’elles sont antérieures à 1994, soit parce que le Parlement a explicitement décidé de faire exception à la règle de compensation, ne représentent plus que 2,6 Md€, soit 3 % du total des exonérations, le champ des mesures donnant lieu à une compensation ayant été élargi en 2020. L’indicateur n°1-6-1 présente un historique des exonérations compensées et non compensées par l’État.
Ce paysage a été profondément rénové en 2019, puisqu’un certain nombre de dispositifs d’exonération ciblés ont été supprimés, les allègements généraux de droit commun devenant plus intéressants que ces anciens dispositifs pour les rémunérations proches du SMIC. Les employeurs bénéficient ainsi des allègements généraux de cotisations sur les bas salaires en lieu et place des exonérations sur les apprentis et les contrats de professionnalisation, les contrats aidés et l’insertion par l’activité économique. D’autres dispositifs, tels que les exonérations en outre-mer, celles au titre de l’emploi à domicile auprès d’un public fragile, ont été rénovés pour tenir compte du renforcement des allègements généraux et mieux cibler les aides sur les bas salaires.
Par ailleurs, en vue de réduire les niches ou dépenses sociales les moins efficaces, le bénéfice tiré de la déduction forfaitaire spécifique (DFS) a été limité à compter du 1er janvier 2020, afin d’initier son extinction progressive à plus long-terme. Cet abattement d’assiette de cotisations sociales, à l’origine justifié par l’existence de frais professionnels particulièrement élevés pour les salariés mais désormais sans lien avec ceux-ci, bénéficie à certains secteurs d’activité (transport, construction, aviation, commerce, presse, culture) et conduit à réduire à terme les droits sociaux des salariés (droits à la retraite). Face aux limites du dispositif, plusieurs secteurs professionnels ont fait part de leur souhait d’y mettre un terme progressivement et des trajectoires de sortie ont été inscrites au bulletin officiel de la sécurité sociale. 

 

Une fiscalité comportementale renforcée pour promouvoir les objectifs de santé publique

La conciliation du financement de sécurité sociale et des objectifs en matière de santé publique se fait principalement par le biais des taxes comportementales. Celles-ci présentent un « double dividende » lié à l’obtention de recettes tout en décourageant les comportements jugés néfastes pour la santé des usagers, et coûteux pour la sécurité sociale. Le rendement total de la fiscalité spécifique au tabac s’élève à 13,2 Md€ en 2023, et celle sur les alcools à 4,3 Md€. La quasi-totalité de ces sommes est affectée aux recettes de la sécurité sociale dont prioritairement à l’assurance maladie. Les recettes issues de la fiscalité spécifique au tabac sont particulièrement dynamiques (+15% sur la période 2017 à 2023) reflétée principalement par l’augmentation continue du prix moyen du paquet de cigarettes : de 7,1 € en 2017 à 11,0 euros en 2023. Le prix du paquet devrait continuer à croître pour atteindre l’objectif d’un signal-prix de 13 € en 2026 (cf. indicateur n°2-9).

 

Objectif n°4 : Simplifier les procédures de financement

Le recouvrement des prélèvements sociaux doit s’insérer de la manière la plus cohérente et la plus simple possible dans le cadre des actes de gestion d’une entreprise, d’un employeur ou d’un indépendant. La simplification des procédures constitue un objectif majeur des pouvoirs publics et de son opérateur dans ce domaine, l’ACOSS, chargée de gérer le financement des différentes branches du régime général de la sécurité sociale. Cet engagement figure ainsi dans la convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et l’ACOSS pour la période 2023 2027, qui poursuit les actions de simplification du droit et des procédures opérationnelles, déjà présentes dans la COG 2018-2022.

 

 

Simplification continue des déclarations à la charge des cotisants

La généralisation de la déclaration sociale nominative (DSN) depuis le 1er janvier 2017 a simplifié les démarches pour toutes les entreprises en leur permettant de réaliser dans une déclaration unique et dématérialisée la quasi-totalité des déclarations sociales et en réduisant le nombre des données produites et transmises par l’employeur, notamment les plus complexes. Fondée sur un déploiement progressif lancé depuis 2013, la DSN couvre l’ensemble des salariés du secteur privé. 
Par ailleurs, 87 % des particuliers employeurs ont effectué une déclaration sur internet à l’aide du dispositif de déclaration simplifiée du chèque emploi universel (CESU) et 91 % des travailleurs indépendants ont déclaré leur cotisation en ligne(cf. indicateur n°2-10).
Une première étape d’amélioration du recouvrement des cotisations des artisans et commerçants a été réalisée en 2017, avec la mise en place de la nouvelle direction du recouvrement commune à l’Urssaf Caisse nationale et au régime des indépendants (RSI). L’intégration du régime de protection sociale des travailleurs indépendants au régime général depuis janvier 2018 a permis d’engager de nouvelles simplifications.
Le suivi des entreprises en redressement négatif (c'est-à-dire ayant déclaré un niveau de cotisations trop élevé) dans le cadre de contrôles par les Urssaf est un exemple d’indicateur permettant de suivre la complexité de la législation. En 2021, bien que la proportion d’entreprises en redressement négatif soit nettement inférieure au niveau enregistré en 2008 (de 5 points), elle concerne toutefois plus d’une entreprise sur quatre et progresse légèrement par rapport à 2018 (cf. indicateur n°2-11).
Les actions préventives à destination des entreprises, notamment lors des contrôles, telles que l’expérimentation dans deux régions (Hauts de France et Auvergne Rhône Alpes) d’une limitation des temps de contrôle, le déploiement des contrôles à la demande et la suppression des sanctions et pénalités applicables dans le cadre du « droit à l’erreur » contribuent par ailleurs à assurer une meilleure prise en compte des difficultés que peuvent rencontrer les entreprises dans la mise en œuvre de la règle de droit, de même que la mise à disposition récente d’outils de simulation des cotisations dues et d’une information personnalisée en ligne pour les travailleurs indépendants.

 

Objectif n°5 : Améliorer l’efficience de la gestion financière et du recouvrement

Le dernier axe majeur structurant ce rapport d’évaluation est l’amélioration de l’efficience du recouvrement et de la gestion financière effectuée par les opérateurs du financement de la sécurité sociale, notamment les Urssaf.
D’une façon générale, le coût des opérations de recouvrement et de contrôle menées par l’ACOSS a diminué régulièrement (-25 % entre 2009 et 2021). En 2021, le coût de 100 € encaissés s’établit à 34,6 centimes € (cf. indicateur n°2-12).
Les délais dans lesquels ces cotisations sont recouvrées dépendent non seulement de la conjoncture économique, mais encore du statut du cotisant et de la taille des entreprises. Les restes à recouvrer avaient fortement progressé en 2020 sous l’effet des mesures d’aide aux entreprises touchées par la crise sanitaire. En 2023, les taux de reste à recouvrer (RAR) continuent à diminuer après le pic de 2020 pour retrouver leurs niveaux des années avant crise. S’agissant du secteur privé, le taux de RAR, vu au 31 mars de l’année qui suit, continue sa diminution (0,8 % en 2023 après 0,9 % en 2021 et 3,6 % en 2020). Il est inférieur au niveau de l’année 2018 (0,9 %) mais reste plus élevé que le niveau observé en 2019 (0,6 %). De même, le taux de RAR pour les travailleurs indépendants est passé de 7,0 % en 2019 à 26,9 % en 2020. Il a diminué depuis pour atteindre 6,4% en 2023  (cf. indicateur n°2-13). Malgré cette diminution, le stock de créances pour le secteur privé reste plus élevé que ses niveaux d’avant crise. Il a diminué de 22,2 Md€ en 2020 à 17,8 Md€ en 2023, mais reste nettement supérieur à son niveau de 2019 (13,0 Md€). 
Dans le cadre de ses missions, l’ACOSS mène de nombreuses actions de contrôle des cotisations versées par les entreprises, afin de lutter contre l’évasion sociale et le travail dissimulé, synonymes de perte de ressources pour la sécurité sociale. Après une diminution de la part des entreprises contrôlées en 2020 (-4,3 points par rapport à 2019), l’année 2021 est marquée par une reprise progressive des contrôles avec 7,1 % des numéros Siren contrôlés (+2 points) (indicateur n°2-14).
Le montant des redressements opérés dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé atteint 1,2 Md€ en 2023, en forte hausse par rapport à 2022 (0,8 Md€), et dépassant largement l’objectif des 800 M€ fixé dans la 
COG Urssaf 2023-2027. De surcroît, les montants de redressements au titre de la fraude aux prestations ont tous atteint ou dépassé leurs objectifs pour les caisses nationales concernées (CNAV, CNAM et CNAF). Le montant de redressements total des fraudes aux prestations s’élève à 1,0 Md€ en 2023 dépassant l’objectif total de 0,9 Md€ fixé dans les différentes COG.
Ces résultats sont à mettre en regard de l’efficacité du ciblage des activités de contrôle : 82 % des actions de contrôle ont abouti à un redressement en 2021, un taux qui a augmenté de 30 points depuis 2008 (cf. indicateur n°2 15).

 

 

Conclusion

Les indicateurs présentés dans ce rapport d’évaluation soulignent le rôle déterminant des actions visant à sécuriser le financement de la sécurité sociale, en l’articulant avec les enjeux de soutien au pouvoir d’achat des actifs et de relance de la compétitivité et de l’emploi en France. 
Les dernières LFSS ont ainsi introduit des mesures concrètes destinées à soutenir les entrepreneurs (exonérations de cotisations élargies pour soutenir la création d’activité, conversion du CICE en allègements généraux, poursuite de l’alignement de la protection sociale des travailleurs indépendants sur celle des salariés), tout en améliorant le pouvoir d’achat des actifs (baisse des cotisations salariales maladie et chômage, baisse des cotisations maladie des travailleurs indépendants, exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires, prime de partage de la valeur). Il convient cependant de maîtriser les coûts de ces exonérations qui ont systématiquement un coût pour les finances publiques dans leur ensemble, et parfois pour la sécurité sociale elle-même. 
Durant l’épidémie de Covid-19, la sécurité sociale a joué un rôle majeur d’amortisseur économique et social, atténuant l’effet de la crise sanitaire, en préservant le niveau de vie des assurés et en s’adaptant rapidement pour aider les entreprises à faire face à la crise, notamment via des mesures d’exonération et de report de prélèvements.
Enfin, les indicateurs présentés ici rendent compte de l’équité du prélèvement social, condition essentielle de l’acceptabilité du prélèvement, et reflètent l’amélioration constante de l’efficience du recouvrement ainsi que de la gestion financière des organismes de sécurité sociale

 

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