La politique de financement de la sécurité sociale comprend l’ensemble des actions allant de la détermination du niveau des cotisations et contributions dues, aux actions mises en œuvre pour la collecte de ces ressources. Elle inclut le financement de la trésorerie des régimes, l’atteinte des objectifs de redressement financier et l’amortissement de la dette.
Les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale présentent tous les ans les grands objectifs poursuivis par la sécurité sociale et permettent d’identifier les réussites mais également les marges de progrès ou les difficultés rencontrées. Les indicateurs associés au présent rapport d’évaluation visent à illustrer la diversité de ces enjeux. Cinq objectifs majeurs sont assignés à la politique de financement de la sécurité sociale :
1/ Revenir progressivement à l’équilibre financier de la sécurité sociale ;
2/ Veiller à l’équité du prélèvement social ;
3/ Concilier le financement de la sécurité sociale et la politique de l’emploi ;
4/ Simplifier les procédures de financement ;
5/ Améliorer l’efficience de la gestion financière et du recouvrement.
La mise en œuvre des actions de recouvrement est assurée, pour la majorité des ressources, par les organismes chargés du recouvrement (Urssaf, CGSS et CMSA pour l’essentiel). L’Urssaf Caisse nationale qui assure la centralisation des flux financiers pour la quasi-totalité des régimes et des branches redistribue ensuite les cotisations et contributions collectées pour financer l’ensemble des prestations (famille, maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, retraite, autonomie).
Un déficit de 19,6 Md€ en 2022
Le déficit de l’ensemble des régimes de base et du FSV s’élève à 19,6 Md€ en 2022. Le solde reste marqué par la crise sanitaire même si le déficit se résorbe : il était de 39,7 Md€ en 2020 puis de 24,3 Md€ en 2021, il devrait atteindre -8,2 Md€ en 2023 selon la loi de financement rectificative pour 2023. La crise sanitaire s’est traduite par une baisse des ressources de la sécurité sociale, et, dans le même temps, par une hausse de ses dépenses, afin d’amortir les effets de la crise sanitaire et économique (cf. graphique 2). L’amélioration à l’œuvre depuis 2021 est permise par le rebond de l’activité économique et la réduction progressive des surcoûts liés à la crise sanitaire. En 2022, les recettes des régimes de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse ont atteint 572,2 Md€, en hausse de 5,4 %.
Depuis 1945, les financements se sont progressivement diversifiés, notamment avec la mise en place de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1991 et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) en 1996. De plus, la montée en charge, au cours des 30 dernières années, des allègements de cotisations sociales visant à réduire le coût des emplois à bas salaire a eu pour contrepartie une augmentation de la part du financement de la sécurité sociale assurée par des impôts et taxes affectés. Les différentes baisses de cotisations se sont traduites par une baisse de leur part dans le financement de la sécurité sociale, passée de 64 % en 1990 à 49 % en 2022. Pour un historique détaillé de l’évolution des parts des différentes sources de financementsur les dernières années, voir l‘indicateur 1-3-1.
Graphique 1 ● Recettes, dépenses et solde par branche de la sécurité sociale en 2022
Source : CCSS mai 2023
Un premier ensemble de réformes a conduit à diminuer le coût du travail, tout en maintenant les ressources de la sécurité sociale, les allègements de cotisations étant pris en charge par l’Etat. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS, pour le secteur non lucratif), mis en place à compter de 2013, sont transformés depuis janvier 2019 en baisse pérenne de cotisations sociales pour les employeurs. Cela s’est traduit par une réduction de 6 points du taux de cotisation d’assurance maladie pour les rémunérations inférieures à 2,5 Smic. Depuis 2019, les allègements de cotisations patronales sur les bas salaires ont par ailleurs été renforcés, en y intégrant les contributions d’assurance chômage. Au total, le coefficient maximal de réduction au titre des allégements généraux de cotisations sur les bas salaires a été relevé de 10 points au niveau du Smic, soit une hausse de 4 points des allègements compte tenu de la suppression concomitante du CICE.
Par ailleurs, de nouveaux allégements de cotisations salariales ont permis de soutenir le pouvoir d’achat des actifs. Les salariés et les travailleurs indépendants bénéficient ainsi à compter de 2018 de baisses de cotisations salariales en contrepartie d’un relèvement de la CSG de 1,7 %. Pour préserver le pouvoir d’achat des retraités modestes, la hausse de CSG n’a concerné que les retraités aux revenus les plus élevés. De plus, depuis le 1er janvier 2019, les heures supplémentaires sont exonérées de cotisations salariales d’assurance vieillesse de base et complémentaire et d’impôt sur le revenu (pour ce dernier, uniquement en dessous d’un plafond de 5 000 €, relevé à 7500 € à compter de 2022). La loi portant mesures d’urgence économiques et sociales (MUES) du 24 décembre 2018 a également instauré une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, exonérée de cotisations et contributions sociales. Le dispositif a été reconduit jusqu’en mars 2022. Depuis le 1er juillet 2022, les employeurs peuvent verser à leurs salariés une prime de partage de la valeur (PPV) exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite de 3 000 €, et jusqu’à 6 000 € pour les entreprises ayant mis en place un dispositif d’intéressement ou de participation. Cette prime exceptionnelle a été versée en 2022 dans plus de 461 000 établissements du secteur privé à environ 5,5 millions de salariés, et a atteint en moyenne près de 800 euros.
La loi organique et la loi du 7 aout 2020 relatives à la dette sociale et à l’autonomie ont été adoptées en réponse au poids de la crise sanitaire sur les finances sociales. Cette loi a prévu une reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) de 136 Md€ de dettes depuis l’URSSAF caisse nationale, dont 31 Md€ de déficits passés, 13 Md€ de dettes des hôpitaux – s’ajoutant aux investissements prévus dans le cadre du Ségur de la santé - et 92 Md€ au titre des déficits prévisionnels des comptes sociaux sur la période 2020-2023, en lien avec la crise sanitaire.
Enfin, plusieurs mesures récentes visent à simplifier le recouvrement des prélèvements sociaux et à lutter contre la fraude. Le réseau Urssaf assure désormais, avec des gains en simplicité pour les employeurs et en efficacité du recouvrement la collecte, de nombreux prélèvements sociaux hors du champ de la sécurité sociale (CFP, taxe d’apprentissage, OETH) mais aussi dans le champ de nombreux régimes (CNIEG, CIPAV, CRPCEN). La dématérialisation croissante des échanges entre les administrations de sécurité sociale et les entreprises, ainsi que la généralisation de la déclaration sociale nominative (DSN) depuis le 1er juillet 2017, s’inscrivent également dans cette perspective de simplification, ouvrant désormais la voie à des actions plus fortes de fiabilisation des cotisations dues comme des droits constitués, notamment dans la perspective de la solidarité à la source.
Pour les travailleurs indépendants, de nombreuses mesures de renforcement de l’équité des prélèvements et de simplification ont été adoptées depuis 2017, comme la très structurante suppression du régime social des indépendants (RSI), mais aussi la baisse importante des cotisations maladie des travailleurs indépendants, notamment au niveau du SMIC issue de la loi dite « MUPPA ». A ces efforts structurants s’ajoutera une prochaine réforme de l’assiette de calcul de leurs cotisations.
Enfin, la lutte contre la fraude a été et continue à être un chantier majeur de réformes structurelles et opérationnelles. La décret du 15 juillet 2020 a créé la mission interministérielle de lutte contre la fraude (MICAF), pour un pilotage à haut niveau des actions de lutte contre la fraude, mais aussi pour faciliter la coopération avec les instances européennes. Les différentes branches ont également pris des actions stratégiques dans la même direction, avec notamment la mise en place par la branche famille du « service national de lutte contre les fraudes à forts enjeux » orienté vers l’identification de nouveaux mécanismes de fraude, et le renouvellement de la stratégie de lutte contre la fraude de la branche maladie qui vise à passer de 287 M€ en 2019 à 500 M€ de préjudices détectés et stoppés en 2024. D’autres mesures d’ordre pratique ont été portées par la LFSS 2023. La détection et la prévention des fraudes sera améliorée à travers un meilleur accès à l’information : les greffiers des tribunaux de commerce seront habilités à transmettre aux organismes de protection sociale des renseignements et documents recueillis dans l’exercice de leurs missions, et des agents de contrôle se verront attribuer des prérogatives de police judiciaire avec notamment des pouvoirs de cyber-enquête. Enfin, la dissuasion des fraudes est renforcée par la hausse des barèmes de pénalités financières applicables par le directeur d’un organisme local d’assurance maladie en cas de fraude, tandis que le champ d’application du déconventionnement d’urgence est élargi à toutes les catégories d’offreurs de soins et prestataires de services en cas de violation particulièrement grave des engagements conventionnels ou de préjudice financier important. Dans la continuité des dispositions de la LFSS 2023, le plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques présenté par le Gouvernement en mai 2023 permettra d’accroître les outils de lutte contre l’ensemble des fraudes dans la sphère sociale.
La suite de cette synthèse revient sur les résultats obtenus par la politique de financement de la sécurité sociale au regard des cinq grands objectifs retenus dans ce rapport.
En 2022, le solde des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) reste fortement marqué par la crise sanitaire et s’est établi à 19,6 Md€ (indicateur n°2 1 et graphique 2). Le solde devrait s’élever à -8,2 Md€ en 2023 selon les dernières prévisions votées en loi de financement (LFRSS 2023), à la faveur notamment de la quasi extinction des dépenses de crise (seulement 1 Md€ prévus, après 11,7 Md€ en 2022), et d’un impact différencié de l’inflation sur les dépenses et les recettes des comptes sociaux, les premières réagissant avec un délai supplémentaire conformément aux mécanismes de revalorisation en vigueur. Le solde se dégraderait sur les deux années suivantes pour atteindre -13,5 Md€ en 2025, cette dégradation matérialisant la normalisation progressive sur le front de l’inflation. Le solde prévisionnel en 2026 de l’ensemble des régimes de base et du FSV est prévu en légère amélioration, à -13,1 Md€ selon les plus récentes projections de la LFRSS 2023. La branche retraite demeurerait à cet horizon en déficit dans la mesure où la réforme votée en LFRSS ne monterait en charge que progressivement au fil des générations concernées. Le déficit de la branche maladie se résorberait en partie (-4,0 Md€ à horizon 2026). A l’inverse, les branches famille, autonomie et AT-MP seraient excédentaires en 2026.
Graphique 2 ● Trajectoire financière des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse
Source : CCSS pour comptes clôturés. LFRSS 2023 pour les prévisions à compter de l’année 2023
P : prévisions
Un remboursement de la dette de la sécurité sociale visé en 2033
La CADES a été créée en 1996 pour apurer les dettes du régime général de la sécurité sociale. Ainsi, sa mission consiste à rembourser la dette sociale à un horizon limité dans le temps afin d’éviter qu’elle ne pèse sur les générations futures, et garantir par là-même la crédibilité d’un équilibre financier durable du système.
Avant la crise sanitaire, la dette restant à amortir s’établissait fin 2019 à 89 Md€ (cf. graphique 3 et indicateur n°2-5-2). Les lois organique et ordinaire du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l’autonomie ont organisé de nouveaux transferts de dette à la CADES, à hauteur de 136 Md€, repoussant à 2033 l’extinction de la dette. La dette restant à amortir a ainsi augmenté à 93 Md€ fin 2020 et 115 Md€ fin 2021.
À fin 2022, le montant de dette restant à amortir a encore augmenté pour atteindre les 136 Md€. Cette augmentation tient compte du nouveau transfert de 40 Md€ à la CADES au titre des déficits des branches maladie (32,3 Md€), vieillesse (1,5 Md€) du régime général, du FSV (1,2 Md€) et de la dotation au titre du désendettement pour favoriser les investissements dans les établissements de santé assurant le service public hospitalier (5 Md€).
A partir du 1er janvier 2024, une fraction de 0,15 point de contribution sociale généralisée (soit 2,3 Md€) actuellement attribuée à la CADES sera affectée à la branche autonomie, et le versement annuel en provenance du Fond de Reserve pour les Retraites (FRR) sera diminué de 2,1 Md€ à 1,5 Md€ (indicateur n°2-5-3).
Graphique 3 ● Dette restant à rembourser par la CADES au 31 décembre
Source : CCSS mai 2023.
En tenant compte des mesures de reprises de dette successives, la dette portée en trésorerie par l’Urssaf Caisse nationale au titre des régimes de base de retraite et du FSV a atteint près de 27 Md€ à fin 2022 (indicateur n°2-5-4). Avec la crise sanitaire et le choc sur les recettes de la sécurité sociale et sur les dépenses d’assurance maladie, le besoin de financement moyen de l’Urssaf caisse nationale a légèrement augmenté en 2021 : 44,2 Md€ contre 42,5 Md€ en 2020. Ces montants restent très élevés en comparaison de ceux observés avant la crise (18,2 Md€ en 2019, cf. indicateur n°2-2).
Les enjeux de gestion de trésorerie de la sécurité sociale
Outre la sortie de crise et le rétablissement d’un équilibre entre dépenses et recettes, l’assainissement de la situation financière des régimes de sécurité sociale nécessite de respecter la neutralité en trésorerie des flux financiers entre administrations publiques.
En 2022, le taux de couverture des crédits ouverts en loi de finances initiale est en forte baisse par rapport à 2021 (75 % en 2022 contre 94 % en 2021). Cette baisse est liée notamment au coût des dispositifs liés au plan d’urgence pour faire face à la crise sanitaire, qui n’ont pas fait l’objet d’une ouverture de crédits en LFI 2022 mais ont bien été compensés par la troisième loi de finances rectificative pour 2022.
Les exonérations de cotisations et contributions sociales compensées par crédits budgétaires représentent un coût de 7,7 Md€ en 2022 (-2,7 Md€ par rapport à 2021). En 2022, ces dépenses ont principalement concerné les exonérations au titre de l’emploi d’aides à domicile auprès de personnes fragiles (1,7 Md€), la réduction de cotisations pour les entreprises implantées dans les DOM (1,2 Md€), l’aide au paiement mise en place dans le cadre du plan d’urgence déployé pour faire face à la crise sanitaire (0,94 Md€), les exonérations au titre de l’apprentissage (0,84 Md€), les rémunérations au titre des heures supplémentaires (0,68 Md€), ainsi que l’aide aux chômeurs créateurs repreneurs d'entreprise – ACCRE (0,59 Md€). En neutralisant les effets de l’indemnité inflation à la fois en 2021 et 2022, l’État demeure créditeur vis-à-vis des organismes de sécurité sociale au 31 décembre 2022 : sa créance s’élève à 92,6 M€ (cf. indicateur n°2-3-3).
Historiquement, le financement de la sécurité sociale repose de façon prépondérante sur des taux de prélèvement proportionnels aux assiettes déclarées par les cotisants. Cependant, des taux réduits de cotisations sociales patronales ont été progressivement mis en place sur les bas salaires, tandis que des taux réduits ou une exonération totale de CSG sont applicables aux pensions modestes. Ainsi, le taux de prélèvement social est moindre sur les bas revenus : en 2020, il représente 14 % pour les 12 % de ménages les moins aisés, croît ensuite sur la première moitié de la distribution des revenus avant d’atteindre un plateau au-delà (les 10 % de ménages les plus aisés acquittent un taux moyen de prélèvements sociaux de 55 %, cf. indicateur n°2-6). Il convient de noter que le montant des prestations est également dégressif en fonction du revenu.
Par ailleurs, un certain nombre de dispositifs de rémunération spécifique ou accessoire mis en place par les employeurs au bénéfice des salariés sont exclus de l’assiette des cotisations sociales. Ils peuvent toutefois supporter des prélèvements spécifiques, notamment la CSG et le forfait social. Les plus importants en valeur concernent les versements au titre de la prévoyance complémentaire, de la participation et de l’intéressement. La perte d’assiette consécutive aux exemptions de cotisations et contributions sociales dont bénéficient ces versements est évaluée à un peu plus de 66 Md€ en 2022 contre 54 Md€ en 2021 (indicateur n°2-7, cf. graphique 4).
Graphique 4 ● Principales exemptions d’assiette des cotisations sociales estimées en 2022
Source : Annexe 2 au PLACSS pour 2022
La structure du financement de la sécurité sociale a été adaptée de manière à ne pas défavoriser l’emploi, en particulier l‘emploi faiblement rémunéré, pour lequel la décision d’embauche est la plus sensible au coût du travail. Le taux de prélèvement net global est stable entre 2020 et 2022 au niveau du Smic. Toutefois, en 30 ans, le niveau des prélèvements effectifs dont s’acquittent les employeurs au niveau du Smic a été quasiment divisé par sept, pour les entreprises de plus de 50 salariés : leur part dans le salaire brut est ainsi passée de 45,6 % en 1988 à 6,9 % en 2022.
La mise en œuvre du pacte de responsabilité au 1er janvier 2015 a renforcé les dispositifs d’allègement du coût du travail, en exonérant, au niveau du Smic, l’ensemble des cotisations patronales de sécurité sociale , la contribution de solidarité pour l’autonomie et le versement au fonds national d’aide au logement (FNAL). Ainsi, à ce niveau de rémunération, le taux de cotisations de sécurité sociale patronales, pour les entreprises de moins de 10 salariés au régime général, est limité à 1,64 % en 2022 (contre 4,69 % avant la mise en place du pacte, cf. indicateur n°2-8).
Le montant total des exonérations de cotisations est estimé à 68,4 Md€ en 2022, soit une hausse de 3 % par rapport à 2021, tirée principalement par l’augmentation de 3% des allègements généraux (qui représentent 86% de l’ensemble des exonérations) sous l’effet du rebond de la masse salariale du secteur privé (+8,7 %).
Au-delà des mesures générales d’abaissement du coût du travail pour l’ensemble des bas salaires, des exonérations spécifiques existent également en faveur de certains publics fragiles et de secteurs d’activité ou de zones géographiques déterminés. Cette politique donne lieu à des compensations financières de la part de l’État qui se sont généralisées à partir de la loi du 25 juillet 1994 et dont le principe a été réaffirmé dans le cadre de la loi du 13 août 2004 réformant l’assurance maladie. Les exonérations qui ne donnent pas lieu à compensation, soit parce qu’elles sont antérieures à 1994, soit parce que le Parlement a explicitement décidé de faire exception à la règle de compensation, ne représentent plus que 2,1 Md€, soit 3 % du total des exonérations, le champ des mesures donnant lieu à une compensation ayant été élargi en 2020. L’indicateur n°1 8-1 présente un historique détaillé des exonérations compensées et non compensées par l’Etat.
Ce paysage a été profondément rénové en 2019, puisqu’un certain nombre de dispositifs d’exonération ciblés ont été supprimés, les allégements généraux de droit commun devenant plus intéressants que ces anciens dispositifs pour les rémunérations proches du Smic. Les employeurs bénéficient ainsi des allégements généraux de cotisations sur les bas salaires en lieu et place des exonérations sur les apprentis et les contrats de professionnalisation, les contrats aidés et l’insertion par l’activité économique. D’autres dispositifs, tels que les exonérations en outre-mer celles au titre de l’emploi à domicile auprès d’un public fragile, ont été rénovés pour tenir compte du renforcement des allégements généraux et mieux cibler les aides sur les bas salaires.
Par ailleurs, en vue de réduire les niches ou dépenses sociales les moins efficaces, le bénéfice tiré de la déduction forfaitaire spécifique (DFS) a été limité à compter du 1er janvier 2020, afin d’initier son extinction progressive à plus long-terme. Cet abattement d’assiette de cotisations sociales, à l’origine justifié par l’existence de frais professionnels particulièrement élevés pour les salariés mais désormais sans lien avec ceux-ci, bénéficie à certains secteurs d’activité (transport, construction, aviation, commerce, presse, culture) et conduit à réduire à terme les droits sociaux des salariés (droits à la retraite). Face aux limites du dispositif, plusieurs secteurs professionnels ont fait part de leur souhait d’y mettre un terme progressivement.
Le recouvrement des prélèvements sociaux doit s’insérer de la manière la plus cohérente et la plus simple possible dans le cadre des actes de gestion d’une entreprise, d’un employeur ou d’un indépendant. La simplification des procédures constitue un objectif majeur des pouvoirs publics et de son opérateur dans ce domaine, l’Urssaf Caisse nationale chargée de gérer le financement des différentes branches du régime général de la sécurité sociale. Cet engagement figure ainsi dans la convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et l’Urssaf Caisse nationale pour la période 2018 2022, qui poursuit les actions de simplification du droit et des procédures opérationnelles.
Simplification continue des déclarations à la charge des cotisants
La généralisation de la déclaration sociale nominative (DSN) depuis le 1er janvier 2017 a simplifié les démarches pour toutes les entreprises en leur permettant de réaliser dans une déclaration unique et dématérialisée la quasi-totalité des déclarations sociales et en réduisant le nombre des données produites et transmises par l’employeur, notamment les plus complexes. Fondée sur un déploiement progressif lancé depuis 2013, la DSN couvre l’ensemble des salariés du secteur privé.
Par ailleurs, 87 % des particuliers employeurs ont effectué une déclaration sur internet à l’aide du dispositif de déclaration simplifiée du chèque emploi universel (CESU) et 91 % des travailleurs indépendants ont déclaré leur cotisation en ligne(cf. indicateur n°2-10).
Une première étape d’amélioration du recouvrement des cotisations des artisans et commerçants a été réalisée en 2017, avec la mise en place de la nouvelle direction du recouvrement commune à l’Urssaf Caisse nationale et au régime des indépendants (RSI). L’intégration du régime de protection sociale des travailleurs indépendants au régime général depuis janvier 2018 a permis d’engager de nouvelles simplifications.
Le suivi des entreprises en redressement négatif (c'est-à-dire ayant déclaré un niveau de cotisations trop élevé) dans le cadre de contrôles par les Urssaf est un exemple d’indicateur permettant de suivre la complexité de la législation. En 2021, bien que la proportion d’entreprises en redressement négatif soit nettement inférieure au niveau enregistré en 2008 (de 5 points), elle concerne toutefois plus d’une entreprise sur quatre et progresse légèrement par rapport à 2018 (cf. indicateur n°2-11).
Les actions préventives à destination des entreprises, notamment lors des contrôles, telles que l’expérimentation dans deux régions (Hauts de France et Auvergne Rhône Alpes) d’une limitation des temps de contrôle, le déploiement des contrôles à la demande et la suppression des sanctions et pénalités applicables dans le cadre du « droit à l’erreur » contribuent par ailleurs à assurer une meilleure prise en compte des difficultés que peuvent rencontrer les entreprises dans la mise en œuvre de la règle de droit, de même que la mise à disposition récente d’outils de simulation des cotisations dues et d’une information personnalisée en ligne pour les travailleurs indépendants.
Le dernier axe majeur structurant ce rapport d’évaluation est l’amélioration de l’efficience du recouvrement et de la gestion financière effectuée par les opérateurs du financement de la sécurité sociale, notamment les Urssaf.
D’une façon générale, le coût des opérations de recouvrement et de contrôle menées par l’ Urssaf Caisse nationale a diminué régulièrement (-25 % entre 2009 et 2021). En 2021, le coût de 100 euros encaissés s’établit à 34,6 centimes (cf. indicateur n°2-12).
Les délais dans lesquels ces cotisations sont recouvrées dépendent non seulement de la conjoncture économique, mais encore du statut du cotisant et de la taille des entreprises. Les restes à recouvrer avaient fortement progressé en 2020 sous l’effet des mesures d’aide aux entreprises touchées par la crise sanitaire. En 2022, les taux de reste à recouvrer (RAR) continue à diminiuer après le pic de 2020 sans retrouver son niveau des années précédente. S’agissant du secteur privé, le taux de RAR continue sa diminution (1,2 % en 2022 après 2,2 % en 2021 et 3,5 % en 2020) mais reste supérieur à son niveau avant crise covid (0,5 % en 2019). De même, le taux de RAR pour les travailleurs indépendants est passé de 5,4 % en 2019 à 23,6 % en 2020, puis a diminué pour atteindre 10,3% en 2022. (cf. indicateur n°2-13).
Dans le cadre de ses missions, l’Urssaf Caisse nationale mène de nombreuses actions de contrôle des cotisations versées par les entreprises, afin de lutter contre l’évasion sociale et le travail dissimulé, synonymes de perte de ressources pour la sécurité sociale. Après une diminution de la part des entreprises contrôlées en 2020 (-4,3 points par rapport à 2019), l’année 2021 est marquée par une reprise progressive des contrôles avec 7,1 % des numéros Siren contrôlés (+2 points) (indicateur n°2-14).
Le montant des redressements opérés dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé atteint 788 M€ en 2022, pratiquement stable par rapport à 2021 (789 M€). Ces résultats sont à mettre en regard de l’efficacité du ciblage des activités de contrôle : 82 % des actions de contrôle ont abouti à un redressement en 2021, un taux qui a augmenté de 30 points depuis 2008 (cf. indicateur n°2 15).
Les indicateurs présentés dans ce rapport d’évaluation soulignent le rôle déterminant des actions visant à sécuriser le financement de la sécurité sociale, en l’articulant avec les enjeux de soutien au pouvoir d’achat des actifs et de relance de la compétitivité et de l’emploi en France.
Les dernières LFSS ont ainsi introduit des mesures concrètes destinées à soutenir les entrepreneurs (exonérations de cotisations élargies pour soutenir la création d’activité, conversion du CICE en allègements généraux, poursuite de l’alignement de la protection sociale des travailleurs indépendants sur celle des salariés), tout en améliorant le pouvoir d’achat des actifs (baisse des cotisations salariales maladie et chômage, baisse des cotisations maladie des travailleurs indépendants, exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires, prime de partage de la valeur).
Durant l’épidémie de Covid-19, la sécurité sociale a joué un rôle majeur d’amortisseur économique et social, atténuant l’effet de la crise sanitaire, en préservant le niveau de vie des assurés et en s’adaptant rapidement pour aider les entreprises à faire face à la crise, notamment via des mesures d’exonération et de report de prélèvements.
Enfin, les indicateurs présentés ici rendent compte de l’équité du prélèvement social, condition essentielle de l’acceptabilité du prélèvement, et reflètent l’amélioration constante de l’efficience du recouvrement ainsi que de la gestion financière des organismes de sécurité sociale.