Objectif n°1 : Revenir progressivement à l’équilibre financier de la sécurité sociale
Cet indicateur mesure le taux d’adéquation des dépenses et des recettes des régimes de base de la sécurité sociale et du Fonds de Solidarité Vieillesse. Il synthétise ceux présentés pour chacune des branches de la protection sociale, examinées dans les différents rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale, et vise à apprécier l’équilibre financier global des régimes de base et du FSV et à comparer la situation financière des différentes branches.
Pour l’ensemble des régimes de base de sécurité sociale et du FSV, l’équilibre réalisé et projeté se présente ainsi :
Tableau 1 ● Taux d’adéquation des dépenses avec les recettes de l’ensemble des régimes de base de sécurité sociale et du FSV
Source : Comptes des régimes
En 2020, le déficit agrégé des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’est établi à 39,7 Md€. Cet effondrement du solde par rapport à la situation de quasi équilibre atteinte en 2018 et 2019 reflète l’effet ciseaux de la crise sanitaire et du recul drastique de l’activité qui l’a accompagnée, avec une baisse des recettes et une hausse des charges. Ces dernières ont progressé de 5,3 % en 2020, reflétant le surcroit de dépenses du champ de l’ONDAM liées à la crise sanitaire (18,3 Md€) et, dans une moindre mesure, les premières revalorisations décidées dans le cadre du Ségur de la santé. Les transferts versés ont notamment augmenté la dotation à Santé publique France de 4,8 Md€. Parallèlement, les autres prestations ont été tirées par une revalorisation plus forte qu’en 2019 (+0,8 % en moyenne annuelle après +0,3 %), en raison de la revalorisation différenciée selon le niveau de pension et plus sur la totalité des pensions. Parallèlement, les recettes des régimes de base et du FSV se sont élevées à 497,2 Md€, en recul de 2,1 % par rapport à 2019. Les cotisations des salariés se sont repliées sous l’effet de la contraction de la masse salariale du secteur privé. En parallèle, les cotisations brutes des non-salariés se sont effondrées, en raison des reports octroyés en réponse à la chute brutale d’activité. La mise en place d’exonérations et d’aides au paiement exceptionnelles de prélèvements sociaux dans le cadre de la crise a renforcé la baisse des cotisations ; ces exonérations et aides au paiement sont toutefois compensées par l’Etat, et donc neutres sur le solde. Le contexte économique a aussi eu pour conséquence la très forte hausse des charges liées au non recouvrement, qui se sont élevées à 5,5 Md€ sur le seul champ du régime général. Malgré la hausse sensible des produits de CSG remplacement, sous l’effet du recours à l’activité partielle, de la hausse du chômage, et, dans une moindre mesure, du surcroît d’indemnités journalières, les recettes de CSG se sont aussi nettement repliées, mais dans une proportion moindre que les cotisations sociales. Enfin, les transferts reçus ont connu une très nette hausse en 2020, la CNAV ayant bénéficié du transfert exceptionnel de 5,0 Md€ en provenance du Fonds de réserve des retraites au titre de la soulte des industries électriques et gazières.
En 2021, le solde des régimes de base et du FSV s’est établi à 24,3 Md€, soit une amélioration de 15,5 Md€ par rapport au déficit record de 2020, portée par la reprise de l’activité. Les régimes de base ont par ailleurs connu une évolution importante de leur périmètre en 2021 : ils intègrent désormais la branche autonomie (CNSA) en tant que cinquième branche. Les dépenses des régimes de base et du FSV ont augmenté de 5,7 % en 2021, majorées à hauteur de 1,0 point par l’effet de périmètre lié à la création de la cinquième branche. Alors que cette croissance reflétait en 2020 les dépenses au titre de la crise sanitaire (18,3 Md€ bruts au total), ces dernières n’ont pas joué sur la croissance des dépenses en 2021 puisqu’elles se sont élevées à des niveaux comparables. L’essentiel de la montée en charge des mesures décidées dans le cadre du Ségur de la santé est intervenu en 2021 et explique la croissance des dépenses dans le champ de la santé. La croissance des prestations vieillesse a ralenti, en raison d’une revalorisation plus faible (+0,4 % en moyenne annuelle après +0,8 % en 2020). Les dépenses liées aux prestations famille ont diminué, en lien avec le transfert des dépenses d’allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) à la branche autonomie (opération neutre sur le solde des régimes de base). Les transferts versés ont progressé de près de 7,0 Md€ en raison principalement des effets de périmètre liés à l’intégration de la CNSA (dont les concours versés aux départements au titre de l’allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap notamment), mais aussi du transfert aux établissements de santé et médico-sociaux visant à soutenir leurs investissements et des surcoûts Covid, qui transitent pour partie par les transferts s’agissant des dotations au FIR ou à Santé Publique France.
Les recettes ont progressé de 9,2 % en 2021 ; elles auraient progressé de 8,0 % en neutralisant l’effet de périmètre lié à l’intégration de la CNSA au régime génaux régimes de base (et donc des recettes propres de CSG, CASA et CSA qu’elle percevait déjà en 2020). Cette hausse a résulté de la reprise de l’activité, portant notamment la croissance de la masse salariale du secteur privé à 8,9 % (après -5,7 % en 2020). Toutefois, malgré le poids d’autres assiettes moins dynamiques et la hausse des prises en charges de cotisations par l’Etat, sous l’effet du maintien des dispositifs d’exonérations exceptionnelles et de l’enregistrement dans les comptes 2021 de la régularisation des cotisations non appelées lors de la deuxième vague (septembre à décembre 2020), les cotisations sociales nettes ont augmenté (+10,5 %) à un rythme bien supérieur à celui de la masse salariale. La mise en place de plans d’apurement a également permis d’améliorer le recouvrement des créances, conduisant à une nette baisse des charges liées au non recouvrement (6,7 Md€ par rapport à 2020 sur le champ du régime général).
En 2022, le déficit des régimes de base et du FSV a atteint 19,7 Md€, soit une réduction de 4,6 Md€ par rapport à 2021. La croissance des dépenses a nettement ralenti (+4,4% après +5,7 %), reflétant la diminution de plus d’un tiers des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire (les surcoûts provisionnés passants de 18,3 Md€ en 2021 à 11,7 Md€ en 2022). Toutefois, les dépenses ont été tirées à la hausse par les mesures prises en réponse à l’augmentation marquée de l’inflation. Les prestations sociales, qui en vertu des règles en vigueur ont été revalorisées de 1,1 % au 1er janvier 2022 (pour les pensions de retraite) et de 1,8 % au 1er avril (pour les prestations familiales, d’invalidé et les rentes AT-MP), ont bénéficié d’une revalorisation anticipée de 4,0 % au 1er juillet dans le cadre de la loi en faveur du pouvoir d’achat, par anticipation de la prochaine revalorisation légale. Au total, les prestations vieillesse sont reparties à la hausse en 2022 (+4,8 % après +1,8 % en 2021) et les prestations famille ont progressé de 5,7 %. Enfin, les dépenses ont également été soutenues par la hausse du point d’indice et une nouvelle montée en charge du Ségur de la santé dans le secteur du médico-social notamment. La progression des recettes en 2022 (+5,4 %) est avant tout liée à la conjoncture économique, sur le front de la croissance de l’activité, de l’emploi, des salaires et des prix. L’inflation (hors tabac) s’est élevée à 5,3 % en moyenne annuelle et la croissance du PIB en volume de 2,6 %, alors que la masse salariale soumise à cotisations du secteur privé, portée par la reprise de l’emploi, la baisse du recours à l’activité partielle et les hausses successives du SMIC, ainsi que des salaires plus généralement, a progressé de 8,7 %.
En 2023, le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV s’est élevé 10,8 Md€, en très nette amélioration par rapport à 2022 portée quasi exclusivement par la branche maladie (-11,1 Md€ après -21,0 Md€). Les dépenses ont été plus modérées en 2023 (+3,1 % après +4,4 %) à la faveur d’un net tarissement des dépenses en lien avec la gestion de la crise Covid, atteignant 1,1 Md€ après 11,7 Md€ en 2022. Elles ont toutefois été soutenues par un niveau d’inflation toujours élevé (4,8 %, après 5,3 % en 2022) sachant que, tel que sont définies les règles de revalorisation des prestations c’est essentiellement l’inflation de l’année passée qui pèse sur les prestations de l’année en cours, même si l’effet de la forte inflation 2022 sur les comptes a été pour partie avancé dès 2022 via la revalorisation anticipée des prestations légales au 1er juillet et donc lissé sur deux années. Les dépenses dans le champ de l’ONDAM ont ainsi nettement ralenti (+2,5 % après +3,8 %), lorsque les prestations hors ONDAM sont restées dynamiques (+4,6 % après +4,8 %) portées par les revalorisations des prestations légales et par les salaires, dynamisés eux aussi par l’inflation, qui tirent les dépenses d’indemnités journalières maternité et d’invalidité. Du côté des produits, un ralentissement de la progression est également observé (+4,8 % après +5,4 %). Les cotisations ont enregistré une évolution de +4,4 % après +5,4 % en 2022, inférieure de 1,3 point à celle de son principal facteur sous-jacent, la masse salariale soumise à cotisations sociales du secteur privé qui a progressé à un rythme soutenu, toujours dans un contexte de hausse marquée des prix et ses effets de diffusion sur les salaires, mais moindre que celui observé en 2022 (+5,7 % après +8,7 %). A noter que la baisse significative (amorcée en 2022) du recours au dispositif d’activité partielle qui a atteint en 2023 son niveau d’avant crise, soit 0,1 % de la masse salariale privée, a largement contribué à la croissance de la masse salariale privée mais le dynamisme des allègements généraux a toutefois atténué cette croissance. Tirés principalement par la TVA nette (+4,3 %), dont une fraction supplémentaire a été affectée à la Cnam pour compenser la perte de recettes engendrée par la loi MUPPA, les impôts et taxes ont augmenté de 3,2 % en 2023. Les contributions sociales hors CSG ont vu leur niveau croitre de 6,4 %, lorsque la CSG a progressé de 4,5 % sur la même année.
La trajectoire présentée en prévision est celle de la LFSS pour 2024.
Tableau 2 ● Taux d’adéquation des dépenses avec les recettes de l’ensemble des régimes de base de sécurité sociale – prévisions de la LFSS pour 2024
Source : LFSS pour 2024
En 2024, les prestations continueraient d’être portées par le contexte d’inflation persistant, mais avec un effet retard moyen d’une année pour les pensions et les autres prestations, alors que les recettes réagiraient davantage au contexte contemporain de l’année. Selon la trajectoire financière pluriannuelle sous-jacente à la LFSS 2024 qui était fondée sur
un solde ROBSS+FSV 2023 prévisionnel moins dégradé que finalement constaté (8,7 Md€ contre 10,8 Md€), le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV devait atteindre 10,5 Md€ en 2024. Ce solde prévisionnel reposait sur un ressaut des dépenses (+5,1 %) en raison de l’inflation attendue en 2023 (+4,8 % au sens de l’IPCHT) qui conduirait à une revalorisation au 1er janvier de 5,2 % des pensions de retraite et de 4,6 % pour les prestations revalorisées au 1er avril (soit 3,9 % en moyenne annuelle). L’ONDAM hors dépenses de crise progresserait par ailleurs de 3,2 %. Les recettes croîtraient de 4,8 %, soutenues par la masse salariale du secteur privé (+3,9 %) mais aussi par l’affectation à la CNSA de 2,6 milliards d’euros de CSG (0,15 point) en provenance de la CADES, comme prévu par la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie du 7 août 2020.
A partir de 2025, les prestations continueraient d’être portées par le contexte d’inflation persistant, mais avec un effet retard moyen d’une année pour les pensions et prestations, alors que les recettes réagiraient davantage au contexte contemporain de l’année. Le solde se dégraderait en 2025 et à nouveau en 2026, malgré une progression maîtrisée de l’ONDAM et la montée en charge progressive de la réforme des retraites. En 2025, le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV se creuserait ainsi à 15,4 milliards d’euros, les recettes évoluant de +2,9 %, pour des dépenses en hausse de +3,6 %. En 2026, il se creuserait (16,8 milliards d’euros), avec une progression des recettes de +3,0 %, un peu en-deçà de celle des dépenses (+3,1 %). Le déficit atteindrait 17,2 milliards d’euros en 2027, l’effet du différentiel d’inflation d’une année sur l’autre sur la dégradation du solde s’amenuisant, et alors que la réforme des retraites continuerait de produire ses effets. Cette trajectoire traduit aussi les effets favorables de la sortie progressive de la déduction forfaitaire spécifique ainsi que la réforme de l’assiette de prélèvements des travailleurs indépendants.
Construction des sous-indicateurs :
Fondé sur les comptes consolidés des régimes de base (maladie, accidents du travail – maladies professionnelles, vieillesse, famille, autonomie à compter de 2021) et du FSV, cet indicateur rapproche, année après année, le total des charges supportées au total des produits et apprécie l’écart éventuel entre ces deux grandeurs. L’équilibre est apprécié sous les hypothèses du scénario macroéconomique sous-jacent à celui retenu dans les lois de finances et de financement initiale et rectificative de la sécurité sociale pour 2024. Par construction, ce scénario inclut les mesures nouvelles. La dernière actualisation de la trajectoire pluriannuelle est celle de la LFSS pour 2024.
Précisions méthodologiques :
Ce sous-indicateur est exprimé en milliards d’euros courants et porte sur le champ de l’ensemble des régimes de base et du FSV.
Les charges et produits présentés ici sont cohérents avec la définition retenue pour la LFSS : il s’agit d’agrégats nets. Ainsi, les charges nettes sont diminuées des reprises de provisions sur prestations et n’intègrent pas les dotations aux provisions et les admissions en non-valeur (ANV) sur actifs circulants (annulation de créances qui n’ont plus de chances raisonnables d’être recouvrées). Les produits nets ne prennent pas en compte les reprises de provisions sur prestations et sont diminués des dotations aux provisions et ANV sur actifs circulants (cf. méthodologie présentée en annexe 3 à la LFSS pour 2024)
Organisme responsable de la production de l’indicateur : DSS