Cet indicateur propose une évaluation de la fraude aux cotisations sociales. Il est réalisé à partir d’un échantillon de contrôles représentatifs permettant de produire une estimation nationale du taux de fraude et du montant de cotisations éludées. Il constitue un enjeu majeur pour les ressources de la sécurité sociale. En effet, dans un contexte où le réseau des URSSAF recouvre la quasi-totalité des cotisations sur les assiettes connues (cf. Indicateur n°1-5-2), les marges de collecte se situent sur l’identification des assiettes inconnues et le recouvrement des cotisations afférentes. L’indicateur résulte d’une méthode innovante mise en œuvre par l’URSSAF Caisse nationale et son réseau consistant à réaliser des contrôles aléatoires. Initiée en 2004 dans le cadre des contrôles de lutte contre le travail illégal (LCTI), cette méthode est depuis 2011 également appliquée aux contrôles comptables d’assiettes (CCA).
Le tableau présente une évaluation du taux de cotisations et contributions sociales éludées dans le secteur privé, réalisée à partir des résultats des contrôles aléatoires LCTI 2011-2013, 2016-2018 et CCA 2019. L’application de ce taux au montant des cotisations et contributions sociales de 2021, fournit une évaluation du montant (en milliards d’euros) du manque à gagner sur le secteur privé en 2021
Tableau 1 ● Évaluation du manque à gagner en matière de cotisations sociales dans le secteur privé en 2021
* ratio entre le montant des cotisations éludées et le montant total des cotisations déclarées et éludées
Source : ACOSS, contrôles aléatoires LCTI 2011-2013, 2016-2018, et CCA 2019 ;
champ : secteur privé, recouvrement Urssaf.
L’estimation du manque à gagner total en 2021 sur le champ des employeurs du secteur privé est comprise entre 5,6 et 7,1 Md€ pour ce qui concerne les cotisations et contributions recouvrées par les Urssaf (y compris assurance chômage), soit entre 2,2 et 2,7 % des cotisations et contributions dues. Sur le champ du travail dissimulé, l’estimation du montant de fraude est comprise entre 4,3 et 5,4 milliards d’euros, soit entre 1,7 et 2,1 % des cotisations et contributions dues.
Construction de l’indicateur
L’évaluation de l’évasion sociale proposée ici repose sur une extrapolation des résultats issus de contrôles effectués par les inspecteurs des Urssaf. Ceux-ci procèdent principalement à deux types de contrôle :
• le contrôle comptable d’assiette (CCA), qui est un examen planifié et contradictoire de l'ensemble de la situation de l'entreprise au regard de la législation sociale ;
• le contrôle de lutte contre le travail illégal (LCTI), qui consiste à déceler le travail dissimulé, plus particulièrement dans le cadre d’actions inopinées.
Ainsi, l’évaluation du manque à gagner se décompose en deux estimations distinctes :
1- une estimation de la fraude liée au travail dissimulé, qui repose sur une extrapolation des résultats des contrôles LCTI, et qui constitue l’essentiel de la fraude,
2- une estimation du manque à gagner hors travail dissimulé, qui repose sur une extrapolation des résultats des CCA, qu’ils soient en faveur des Urssaf ou des entreprises, qu’il s’agisse de fraude ou non.
L’évaluation est réalisée sur le champ des cotisations et contributions recouvrées par les Urssaf, hors et y compris assurance chômage. En outre, une estimation est fournie sur un champ plus large, incluant les cotisations de retraite complémentaire, sous l’hypothèse que les cotisations de retraite complémentaire représentent 18,0 % des cotisations recouvrées par l’Urssaf
Estimation de la fraude liée au travail dissimulé
Tant dans la démarche que dans l’objectif poursuivi, les contrôles LCTI aléatoires se différencient des opérations traditionnelles de lutte contre la fraude. En effet, alors que les contrôles LCTI sont généralement réalisés à la suite d’un signalement ou d’un plan de ciblage spécifique, les opérations aléatoires impliquent qu’aucune recherche préalable sur les cotisants dans le système d’information des Urssaf ne soit effectuée en vue de préparer les opérations de terrain. De même, les informations issues de signalements (que ceux-ci émanent des services de l’Urssaf ou de ses partenaires) ne doivent pas non plus être exploitées. L’objectif de la démarche aléatoire n’est pas de maximiser les redressements, mais d’obtenir la représentation la plus fidèle des pratiques de terrain afin de fournir une évaluation de l’ampleur de la fraude dépourvue de tout biais de sélection.
Dans un premier temps ciblés sur des secteurs d’activité spécifiques (Hôtels-cafés-restaurants, commerce de détail alimentaire, puis commerce de détail non alimentaire), les contrôles aléatoires ont concerné en 2011 et 2012 un ensemble large de secteurs d’activité, excluant néanmoins certaines activités nécessitant une méthodologie de contrôle particulière. Ainsi, les contrôles aléatoires ont porté sur le BTP en 2013 et sur le gardiennage en 2014. En 2015 et 2016, c’est le secteur du transport routier qui a été concerné ; en 2017 celui de la restauration et en 2018 celui de la réparation automobile. En 2019, une campagne de contrôles aléatoires a été menée dans le secteur du nettoyage mais les résultats se sont avérés inexploitables pour l’évaluation du montant de fraude compte tenu du nombre insuffisant de salariés auditionnés. En 2020, le contexte sanitaire n’a pas permis de mener des contrôles aléatoires.
Ces opérations sont menées dans des établissements de 50 salariés au plus, de façon à permettre la réalisation de contrôles inopinés par un nombre d’inspecteurs restreint.
L’évaluation ici présentée repose sur l’estimation d’un taux de fraude exploitant les résultats des contrôles aléatoires réalisés entre 2011 et 2013 et ceux des contrôles aléatoires entre 2016 et 2018. Les résultats issus des contrôles sur le secteur du gardiennage n’ont pas été intégrés en raison d’une méthodologie trop singulière dans ce secteur (cf. Rapport d’activité thématique 2015 « le contrôle et la lutte contre la fraude », ACOSS). Il en est de même pour les résultats des contrôles aléatoires opérés sur le secteur du nettoyage en 2019. De plus, en 2020 et 2021, les contrôles aléatoires ont dû être suspendus en raison de la pandémie de Covid-19. Le montant de fraude 2021 est quant à lui calculé en appliquant le taux de fraude estimé au montant des cotisations déclarées en 2021.
Le montant des cotisations et contributions éludées est estimé par secteur d’activité, à partir du taux de salariés dissimulés constaté lors des contrôles, ainsi que des effectifs salariés et du salaire moyen observés dans les déclarations aux Urssaf.
Les contrôles aléatoires ne portant que sur une partie du champ des employeurs du secteur privé, des hypothèses sont posées afin d’extrapoler les résultats au champ des établissements de plus de 50 salariés, d’une part, et aux secteurs non contrôlés, d’autre part.
Estimation du manque à gagner hors travail dissimulé
Depuis 2011, la branche du Recouvrement réalise chaque année un plan de contrôles comptables d’assiettes (CCA) aléatoires. Les résultats de cette opération peuvent être mobilisés pour évaluer le manque à gagner hors travail illégal.
Le plan aléatoire CCA porte chaque année sur environ 7 000 entreprises de moins de 250 salariés, soit environ 10 % des CCA annuels. L’échantillon des contrôles aléatoires est tiré pour chaque région sur la population des entreprises de moins de 250 salariés. Il est stratifié selon la taille de l’entreprise (0 à 4, 5 à 9 et plus de 10). Le manque à gagner est estimé par extrapolation des résultats du contrôle de l’échantillon à laquelle s’ajoutent les résultats des contrôles des entreprises de plus de 250 salariés. En 2020 et 2021, les contrôles aléatoires ont dû être suspendus en raison de la pandémie de Covid-19. L’estimation du montant de manque à gagner 2021 résulte ainsi de l’application du taux de manque à gagner 2019 au montant des cotisations déclarées en 2021.
Une estimation imparfaite
L’estimation réalisée à partir des contrôles aléatoires LCTI présente plusieurs limites dont la plupart conduit à penser que cette évaluation constitue plutôt un minorant de la fraude aux cotisations et contributions sociales (cf. Rapport d’activité thématique 2015 « le contrôle et la lutte contre la fraude », ACOSS). En particulier, les contrôles aléatoires LCTI sont principalement axés sur la détection de la dissimulation totale d’emploi salarié et sous estiment donc les cas de dissimulation partielle (sous-déclaration). Par ailleurs, ils portent essentiellement sur des établissements déclarés, ce qui limite les cas de détection d’activité dissimulée.