1.4. Principaux financeurs de la sécurité sociale
L’analyse des ressources brutes non consolidées des transferts inter-branches des régimes de base et du FSV selon leur structure juridique (cotisations sociales, contributions publiques, ressources de nature fiscale et transferts en provenance d’autres régimes et de fonds (cf. indicateur n°1-4-1) peut être complétée par une approche par financeur, qui distingue la contribution des ménages (y compris travailleurs indépendants) de celle des employeurs. Ces derniers regroupent les entreprises et les administrations publiques (État, collectivités locales, autres administrations de sécurité sociale dont les hôpitaux), soit les secteurs institutionnels au sens de la comptabilité nationale. Cependant, compte tenu des conventions sous-jacentes, cet exercice ne doit être considéré que comme une évaluation approchée (cf. précisions méthodologiques).
En 2022, les recettes des régimes de base et du FSV proviennent pour 46 % des ménages et pour 54 % des entreprises et administrations publiques (cf. Graphique 1).
La part des ménages dans le financement des régimes de base et du FSV a connu un accroissement progressif entre 2014 et 2019, avant de se stabiliser. En effet, une hausse de 4 points de la contribution des ménages à périmètre constant des régimes de base et du FSV a été enregistrée en 2019 au détriment de celle des entreprises qui a diminué dans les mêmes proportions.
La structure des recettes a été profondément transformée dans le cadre du pacte de responsabilité mis en œuvre par les LFSS pour 2015 et pour 2016, qui comportaient plusieurs mesures visant à réduire le coût du travail, puis par le passage du CICE en allègement de cotisations en 2019. Ainsi, les allégements généraux en faveur des bas salaires ont été renforcés au 1er janvier 2015 et élargi aux contributions de retraite complémentaire et à la contribution patronale chômage en 2019, l’objectif étant que le barème procure une exonération complète des cotisations patronales de sécurité sociale au niveau du SMIC (à la part non mutualisée du taux AT près). Cette exonération est dégressive et s’annule pour des salaires supérieurs ou égaux à 1,6 Smic.
De plus, le pacte de responsabilité a mis en œuvre une baisse de 1,8 point du taux de cotisations patronales famille pour les salaires inférieurs à 1,6 Smic en 2015, et l’a étendu aux salaires compris entre 1,6 et 3,5 Smic à compter du 1er avril 2016. Les travailleurs non-salariés dont les revenus sont inférieurs à 140 % du plafond de la sécurité sociale ont bénéficié, quant à eux, d’une exonération de 3,1 points de leurs cotisations famille. Ce dispositif d’exonération pour les non-salariés a été complété par la baisse de 7 points du taux de cotisation maladie des exploitants agricoles à partir de 2016, dans un plan de soutien à la filière agricole, et par une réduction de celui des travailleurs indépendants mis en œuvre par la LFSS pour 2017. De plus, Lla contribution sociale de solidarité des sociétés (CSSS) a, enfin, été progressivement supprimée pour les petites et moyennes entreprises pour un coût total de 2,1 Md€.
Enfin, en 2019, le taux de cotisations patronales d’assurance maladie a été baissé de 6 points pour les pour les rémunérations inférieures ou égales à 2,5 Smic, pour un coût estimé à 22,2 Md€. Le coût pour l’année 2022 s’élève à environ 23,9 Md€. Globalement, l’ensemble de ces mesures a réduit sensiblement la part du financement par les entreprises.
Le transfert de dépenses au budget de l’Etat a été le principal vecteur de la compensation des pertes de recettes s’agissant du pacte de responsabilité. En 2015, les pertes ont été compensées en premier lieu par le transfert à l’Etat du financement de la fraction des aides personnalisées au logement (APL) destinée aux familles jusqu’alors financée par la CNAF. En 2016, l’aide au logement pour les familles (ALF) a été transférée en compensation des pertes de recettes de cette année-là. En sens inverse, l’assurance maladie a pris en charge le financement du fonctionnement des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) en 2017. Au total, le périmètre des dépenses de la sécurité sociale s’est réduit de 8,0 Md€ entre 2015 et 2017.
La compensation a également pris la forme de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale. Ainsi, la fraction de TVA affectée au financement de la sécurité sociale a progressivement été ajustée dans l’objectif d’équilibrer chaque année les opérations de transfert de dépenses et de recettes entre l’Etat et la sécurité sociale. La transformation du CICE en allègement général de cotisations patronales, décidée en LFSS pour 2019, a conduit à accroître le poids des ménages dans le financement de la sécurité la sociale et à diminuer d’autant celui des entreprises. La diminution de 6 points du taux de cotisations patronales d’assurance maladie a en effet été compensée par une forte hausse de la fraction de TVA. Entre 2015 et 2019, la fraction de TVA affectée au financement des organismes de la sécurité sociale (hors Acoss) est ainsi passée de 11,0 Md€ à 41,0 Md€. Elle s’élève à 46,4 Md€ en 2022.
La récession provoquée par la crise sanitaire s’est traduite par une diminution du poids des ménages dans le financement de la sécurité sociale de 1 point. Le poids des employeurs a augmenté d’autant.
Cette diminution du poids des ménages dans le financement des régimes de bases et du FSV réside dans la réduction du niveau des cotisations patronales et salariales du fait du recul de la masse salariale globale en 2020. Toutefois, l’effondrement très marqué des allègements sur les bas salaires a atténué l’ampleur de la réduction des cotisations. En effet, les salariés avec un niveau de rémunération proche du Smic ont été très affectés par les conséquences de la crise sanitaire et donc davantage concernés par l’activité partielle. En conséquence, l’assiette de la réduction générale de cotisations patronales, qui concerne les salaires inférieurs à 1,6 Smic, a connu un recul bien supérieur à celui de la masse salariale globale, conduisant à réduire le coût de ce dispositif d’environ 1,5 Md€. S’ajoute également à cet effet, la contraction de l’assiette de la TVA (-12,3 %) sous l’effet d’un important tassement de la consommation.
L’année 2021 a été marquée par le rebond des cotisations patronales et salariales respectivement de 12,0 Md€ et 3,3 Md€. Au total, les cotisations ont progressé de 8,4 % sous l’effet de la reprise de l’activité, portant notamment la croissance de la masse salariale du secteur privé (+8,9 %) et donc de l’assiette sur laquelle repose les cotisations salariales. La très forte hausse des allègements généraux (15,6 % sur le champ des régimes de base), enregistrée après la baisse inédite connue en 2020 liée à l’impact plus fort de la crise sur les bas salaires, a néanmoins freiné le rebond des cotisations en 2021. Par ailleurs, l’assiette de la TVA a grimpé de 20,3 % du fait de la hausse de la consommation. Ces effets combinés, en augmentant le poids des ménages dans le financement de la sécurité sociale et en baissant par la même occasion celui des employeurs, ont ainsi permis aux régimes de base et du FSV de retrouver leur structure de financement d’avant crise.
Sous l’effet de la hausse de la masse salariale privée (+8,7 %) alimentée par la persistance du choc d’inflation, le dynamisme aussi bien des cotisations sociales (+5,6 %) que des allégements généraux s’est poursuivi (+15,7 %) en 2022. De plus, l’assiette de la TVA s’est accrue de 4,8 % par rapport à 2021, la part affectée à la CNAM s’établissant ainsi à 46,4 Md€. Ces différents éléments expliquent ainsi le maintien de la structure de financement de l’ensemble des régimes de base et du FSV au titre de l’année 2022.
La répartition des recettes est toutefois contrastée selon les branches des régimes de base et du FSV : en 2022, la contribution relative des employeurs est majoritaire pour le financement des risque accidents du travail et maladies professionnelles (99 %), famille (70 %) et vieillesse (60 %) alors qu’elle est minoritaire pour a branche maladie (44 %) et pour la branche autonomie (13 %) (cf. Graphique 2).
Graphique 1 ● Part des principaux financeurs des régimes de base et du FSV
Sources : Commission des compts de la sécurité sociale
Graphique 2 ● Structure des recettes des branches des régimes de base et du FSV, par catégorie de financeur, en 2021
Sources : Commission des compts de la sécurité sociale
Construction de l’indicateu
Les recettes des régimes de base et du FSV qui ont été affectées au financement de la sécurité sociale, ou continuent à l’être, sont réparties comme suit :
- Les recettes acquittées par les ménages incluent les cotisations sociales des assurés, la CSG, la TVA, le prélèvement social et de solidarité sur les revenus du capital, la contribution sur les paris et jeux, les taxes sur les tabacs, alcools et produits alimentaires et la contribution tarifaire d’acheminement. Elles incluent aussi les transferts reçus des régimes de base et des fonds de financement.
- Les recettes en provenance des employeurs (entreprises et administrations publiques) comprennent les cotisations patronales, les cotisations prises en charges par l’Etat, les cotisations d’équilibre de l’employeur, la contribution solidarité autonomie (CSA), le forfait social, le prélèvement sur stock-options et attributions gratuites d'actions, les contributions sur avantages de retraite et de préretraite, la taxe sur le CA santé des organismes complémentaires, la CSSS, la taxe sur les salaires, les taxes médicaments, la taxe sur les véhicules de société, la contribution exceptionnelle à la prise en charge des dépenses liées au Covid-19, les transferts reçus de l’Etat ainsi que les autres produits nets.