La masse salariale reste soutenue malgré un ralentissement en 2023 et 2024

En 2023, la croissance économique française a atteint 1,1 %, marquant un net ralentissement par rapport à 2022 (cf. tableau 1). Si l’activité a progressé au premier semestre, la consommation des ménages est restée fragile en raison d’un pouvoir d’achat contraint par une inflation encore élevée, à 4,9 % en moyenne annuelle. En 2024, le rythme de la croissance est resté identique (1,1 %), soutenu en partie par les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, qui ont dynamisé certains secteurs comme le tourisme et les services. Toutefois, malgré un reflux de l’inflation à 2,0 % en moyenne annuelle, la consommation des ménages n’a pas véritablement rebondi, limitant ainsi la dynamique économique en fin d’année.
En 2023, la hausse de l’emploi s’est poursuivie, mais à un rythme plus modéré, avec une augmentation annuelle moyenne de 1,2 % (après 3,2 % en 2022) en lien avec une activité économique ralentie. En 2024, la croissance des effectifs salariés moyens a été faible au 1er semestre (+0,1 % aux T1 et T2), suivie d’une légère accélération au 3ème trimestre (+0,2 %). Cependant, une nette baisse, de 
-0,4 %, au 4ème trimestre a marqué un retournement de tendance, traduisant une contraction de l’emploi en fin d’année. L’emploi moyen progresse en moyenne de 0,4 % en 2024
Le salaire moyen par tête (SMPT), qui donne une vision des salaires soumis à cotisations versés par les entreprises, ralentit en 2023 mais reste toutefois dynamique et progresse de 4,4 % (après 5,3 % en 2022) tandis que les prix à la consommation augmentent de 4,8 %. En 2024, le freinage se poursuit et les salaires augmentent de 2,9 %. Cette décélération s'explique par le reflux de l’inflation qui s'établit à 2,0 % en 2024, après deux années de forte hausse.  
Au total, la croissance de la masse salariale du secteur concurrentiel, principal facteur de l’évolution des encaissements de cotisations et de contributions sociales du secteur privé connait un ralentissement progressif. Après une forte hausse en 2022 (8,7 %), portée par la reprise économique post-crise, la progression ralentit à 5,7 % en 2023, dans un contexte de freinage de l'activité et de l’inflation. En 2024, le ralentissement se poursuit, avec une hausse limitée à 3,3 %, reflétant une dynamique économique moins favorable se traduisant par une décélération de l'emploi et des salaires.

L’impact des exonérations sur les encaissements de cotisations du régime général des URSSAF

Les encaissements des URSSAF pour le secteur privé reflètent généralement l’évolution de la masse salariale privée. Toutefois, ils peuvent également être influencés par les modifications des allégements de cotisations, des évolutions réglementaires (telles que les variations des taux de cotisations) ou encore par des changements dans la recouvrabilité. Le graphique 1, qui se concentre sur les encaissements de cotisations du régime général, met en évidence ces dynamiques. La zone en gris clair entre la courbe bleu foncé (correspondant à l’évolution des « encaissements Urssaf régime général secteur privé ») et la courbe bleu clair (représentant l’évolution des « encaissements Urssaf régime général secteur privé + exonérations ») illustre notamment l’impact des exonérations. Celles-ci, toutes choses égales par ailleurs, réduisent les encaissements, ce qui explique pourquoi la courbe bleu clair se situe systématiquement au-dessus de la courbe bleu foncé.
En 2019, la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègements généraux de cotisations au moyen d’une baisse du taux des cotisations maladie de 6 points pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC a un effet massif à la baisse sur les exonérations, ces 6 points n’étant plus à exonérer. La dynamique des rémunérations en dessous de 1,6 SMIC atténue néanmoins cet effet. En revanche, le graphique se limitant aux cotisations du régime général, l’extension de la réduction générale aux cotisations chômage à partir du 1er octobre n’est pas visible. L’effet de la baisse de 6 points des cotisations maladie est matérialisé par l’écart entre la courbe bleu clair et la courbe en pointillés (aire gris foncé).
En 2020, la forte contraction de la masse salariale entraine mécaniquement une réduction des cotisations exonérées. Néanmoins, la création de l’exonération et de l’aide au paiement en faveur des secteurs particulièrement affectés par la crise sanitaire vient contrebalancer en partie cette baisse. En outre, l’impact de la baisse du taux de cotisation maladie et celui de l’exonération des cotisations salariale sur les heures supplémentaires, toutes deux instaurées en 2019, continuent d’augmenter sur l’année en raison du décalage d’un mois entre la période d’emploi sur laquelle est calculée l’exonération et la période de réception des cotisations en Urssaf.
En 2021, les encaissements connaissent un très net ressaut. Avec la forte progression de la masse salariale, les exonérations rebondissent également, portées par la forte progression de la réduction générale d’une part et les mesures spécifiques instaurées dans le cadre de la crise (exonération et aide au paiement Covid).
En 2022, les encaissements restent dynamiques et s’expliquent aussi principalement par une progression de la masse salariale. Cette dernière entraîne mécaniquement une hausse des exonérations soutenue par une réduction générale des cotisations qui s’accélère sous l’effet des revalorisations successives du SMIC qui élargissent la plage des salaires éligibles. Comme en 2021, les évolutions en 2022 des encaissements et des encaissements auxquels on ajoute les exonérations puis les montants liés aux baisses de taux famille et maladie sont restés proches.
Cette hausse ralentit en 2023 (5,6 %) puis à nouveau en 2024 (4,8 %), principalement en lien avec le freinage de la masse salariale.

Le ralentissement économique de 2023 et 2024 modère la croissance des encaissements du secteur privé

La progression des encaissements s’explique principalement celle de la masse salariale. Cette dernière progresse de 5,7 % en 2023 puis de 3,3% en 2024 après 8,7 % en 2022.
Après prise en compte du décalage d’un mois entre la période d’emploi et de son impact sur les encaissements de cotisations, l’effet sur l’évolution des encaissements du secteur privé de la hausse de la masse salariale en 2024 est de 3,4 points (3,3 % d’évolution annuelle sans décalage et +0,1 point d’effet décalage ; Pour 2023, l’évolution est de 5,8 % et de 5,7 % sans décalage). 
En 2023, l’assiette plafonnée, sur laquelle est assise une part des cotisations vieillesse et des contributions au titre du FNAL, progresse plus rapidement que l’année précédente, entraînant une contribution positive de +0,3 point de l’effet plafond. L’effet champ, quant à lui, devient neutre (0,0 point), marquant une stabilisation après sa contribution positive en 2022. Enfin, l’assiette de la CSG évolue de manière cohérente avec l’assiette déplafonnée et n’a pas d’impact sur l’évolution des encaissements. En 2024, l’assiette plafonnée continue d’évoluer favorablement, mais avec un effet légèrement moindre que l’année précédente (+0,2 point). A l’inverse, l’effet champ devient légèrement négatif pour 0,3 point. L’assiette de la CSG reste alignée sur l’assiette déplafonnée et ne génère pas d’effet notable sur les encaissements.
L’effet recouvrabilité, après avoir été neutre en 2022, reste sans impact en 2023 et en 2024 (0,0 point), indiquant que la situation des restes à recouvrer est stabilisée après les reports de cotisations de la crise Covid.
Les exonérations, en revanche, pèsent davantage sur les encaissements en 2023 (-0,6 point après -0,4 point en 2022) et les mesures nouvelles (dont baisses de taux maladie et famille) ont un effet négatif de 0,3 point, à l’image des années précédentes. En 2024, les exonérations ralentissent très significativement, conduisant à une contribution positive de 0,4 point, traduisant en particulier la baisse de la réduction générale. Le net freinage des bandeaux maladie et famille conduisent à un effet mesure positif (+0,3 point).
Enfin dans les effets divers, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui est calculée sur la base des chiffres d’affaires déclarés en 2022 et 2023 contribue pour +0,1 point sur l’exercice 2023 et 2024. De même les encaissements au titre du versement transport contribuent à hauteur de +0,1 point sur 2023 et 2024. La contribution du forfait social reste marginale. Au total, les effets divers et le défaut de bouclage représentent +0,6 point en 2024 après +0,4 point en 2023.
En résumé, après une reprise très forte en 2021 et 2022, la dynamique des encaissements ralentit progressivement en 2023 et 2024 traduisant un retour à une trajectoire plus tendancielle après les chocs économiques liés à la crise Covid.
En prenant du recul sur l’ensemble de la période ouverte depuis le déclenchement de la crise économique et financière à l’automne 2007, on observe que depuis 2008 la masse salariale du secteur privé a connu une croissance constamment inférieure à son rythme moyen au cours des dix années précédant la crise (4,1 % sur la période 1998-2007). En cumul sur les treize exercices de 2008 à 2020, ce sont ainsi plus de 27 points de croissance de la masse salariale qui manqueraient en 2021 par rapport à une situation de croissance annuelle égale à cette moyenne sur la période 1998-2007, soit une perte de recettes d’un peu plus de 54 Md€. La forte progression de la masse salariale en 2021 et en 2022 a néanmoins permis de réduire cette perte d’environ 20 Md€. 

Graphique 1 ● Encaissements des URSSAF (cotisations du régime général uniquement) et de la masse salariale sur le champ du secteur privé
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(*) les séries d’encaissement sont décalées d'un mois, afin de se rapprocher de l’évolution en période d’emploi de la masse salariale
Source : ACOSS, base Sequoia (masse salariale) et Sicomor (encaissements et exonérations comptabilisés) ; Insee, comptes trimestriels. 
Champ : régime général, cotisants privés, hors cotisations chômage.

Tableau 1 ● Evolutions annuelles du PIB, de l’emploi, du SMPT et de la masse salariale
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Source : Urssaf Caisse nationale pour l’emploi, le SMPT et la masse salariale, Insee pour le PIB

Tableau 2 ● Décomposition de la croissance des encaissements du secteur privé (yc cotisations chômage)
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(a) : la masse salariale présentée ici est celle publiée dans les Stat’UR. Elle est calculée sur un champ un peu différent de celui du secteur privé considéré par ailleurs pour les encaissements, dont certaines grandes entreprises nationales (GEN) sont exclues ; l’effet « champ » en mesure l’impact de cette différence de champ.
(b) : l’effet plafond correspond à l’impact de l’évolution de l’assiette plafonnée par rapport à l’assiette totale.
(c) : l'effet "décalage" traduit le décalage temporel entre le versement du salaire et l’acquittement des cotisations. Il correspond à 1/12e des encaissements pour les cotisants mensuels et ¼ pour les trimestriels.
(d) : l'effet "mesures nouvelles" comprend les effets des baisses de taux famille (à partir de 2015) et maladie (à partir de 2019) ainsi que l'exonération et l'aide au paiement Covid pour 2020 et 2021
(e) : l’effet « assiette CSG » correspond à l’impact de l’évolution de l’assiette CSG par rapport à l’assiette totale. Il mesure la différence de dynamique entre les éléments de rémunération entrant dans l’assiette déplafonnée et ceux inclus en plus dans l’assiette CSG (intéressement et participation en particulier). La CSG sur revenus de remplacement n’est pas prise en compte dans les encaissements du secteur privé présentés ici.
Source : Urssaf Caisse nationale.

 

Sources des données :

Concernant la masse salariale, les données de l’indicateur sont issues d’une part de la base Sequoia de l’ACOSS (système pour l’étude quantitative et l’observation des assiettes), qui centralise les déclarations mensuelles et trimestrielles faites par les employeurs dans leurs déclarations sociales nominatives. Les encaissements et exonérations comptabilisées proviennent de la base Sicomor (système intégré de comptabilité des organismes du recouvrement), qui centralise les montants comptabilisés dans les comptes des organismes. Les cotisations dues au titre de la période d’emploi du mois M sont dues et encaissées le mois M+1.
 

Organisme responsable de la production de l’indicateur : Urssaf

Téléchargements complémentaires

  • Intégralité du REPSS - Financement - Edition 2025 3 MB   Télécharger
  • Synthèse du REPSS Financement - Edition 2025 354 KB   Télécharger
  • Données du REPSS Financement - Edition 2025 2 MB   Télécharger