Les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale présentent tous les ans les grands objectifs poursuivis par la sécurité sociale et permettent d’identifier les réussites mais également les marges de progrès ou les difficultés rencontrées.

La politique familiale française a longtemps affiché un objectif de soutien à la natalité, notamment grâce à une réduction des inégalités de niveaux de vie entre familles selon le nombre d’enfants. A partir des années soixante-dix, un accent plus important a été mis sur le soutien aux familles les plus modestes. Enfin, au cours des trente dernières années, la conciliation entre vie familiale et professionnelle, permettant notamment d’encourager la participation des femmes à l’activité économique, est devenue un axe majeur de la politique familiale.

Ce rapport consacré à la politique familiale présente 33 indicateurs permettant d’évaluer la contribution de la sécurité sociale à cette politique, autour de quatre objectifs principaux :

1/ contribuer à la compensation financière des charges de famille et accompagner tous les parents ;

2/ aider davantage les familles vulnérables ;

3/ favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ;

4/ garantir la pérennité financière de la branche famille à moyen et long terme.

 

Avant de présenter les résultats des indicateurs selon ces quatre dimensions, cette synthèse revient sur les dépenses financées par la branche et présente les données de cadrage qui font l’objet de la première partie du rapport.

 

La France consacre entre 2,7 % et 4,7 % de son PIB aux dépenses sociales en faveur de la famille selon le champ retenu

Selon Eurostat, la France a consacré 2,7 % de son PIB aux dépenses sociales en faveur de l’enfance et de la maternité en 2019, la situant au niveau de la moyenne européenne (2,3 % en 2019 - indicateur n°1-1).

Le montant des prestations familiales légales s’est élevé à 31 Md€ en 2022, soit une hausse de plus de 3% par rapport à 2021 (30 Md€, cf. indicateur n°1-3-2). La branche couvre 13,7 millions d’allocataires ; soit environ 33,1 millions de personnes en 2021.

A ces prestations s’ajoutent 6,1 Md€ alloués au Fonds national d’action sociale de la CNAF par l’intermédiaire duquel la branche contribue au développement des modes d’accueil du jeune enfant ainsi que de nombreux autres équipements et services utiles aux familles, aux enfants, aux jeunes et à l’animation de la vie sociale. Enfin, la branche finance des majorations de pensions de retraites en versant des cotisations au titre des périodes non travaillées ou travaillées à temps partiel, pour élever les enfants ou s’occuper d'un enfant ou d'un proche handicapé ou en perte d’autonomie.

 

Graphique 1 ● Prestations financées ou gérées par la branche famille en 2022

Action sociale : activités de loisirs, accompagnement des parents (lieux d’accueil enfants-parents, médiation familiale, accompagnement à la scolarité, rencontres avec d’autres parents, etc.), centres sociaux, animation en milieu rural, etc.), aides aux familles en matière de logement.
Champ : tous régimes – yc AEEH
Source : Cna

Les aides aux familles sont complétées par des prestations au titre de la maternité, des majorations de pensions de retraite suivant le nombre d’enfants élevés et des dispositifs fiscaux, tels que le « quotient familial ». La branche famille verse également d’autres prestations à destination des familles financées par l’Etat : minima sociaux, prime d’activité et aides au logement.

Depuis la création de la branche autonomie en 2021, l’allocation d'éducation de l'enfant handicapé n’est plus financée par la branche famille mais par la branche autonomie, le versement de la prestation demeurant assuré par les caisses d’allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole.

La branche famille a été fortement mobilisée pour aider les familles et les professionnels de la petite enfance à faire face aux conséquences de la crise sanitaire, notamment au travers du versement en 2020 d’un supplément d’allocation de rentrée scolaire. Par ailleurs, au plus fort de la crise, du fait des arrêts maladie qui ont été nécessaires pour des parents devant garder leurs enfants pour fermeture des écoles ou des modes d’accueil ou parce que leurs enfants étaient des cas contacts, la branche a compensé en 2022 la branche maladie à hauteur de 1 Md€.

Des réformes structurantes de la branche autonomie de la sécurité sociale

Au-delà de ces actions de court-terme dans le contexte de crise, plusieurs réformes récentes ont permis de renforcer les droits à destination des familles.

D’abord, afin de favoriser l’investissement des jeunes pères dans l’éducation de leur enfant, la durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant a été doublé à compter du 1er juillet 2021 : en prenant en compte le congé de naissance de 3 jours rémunéré par l’employeur, la durée totale du congé paternité s’élève à 28 jours contre 14 jours auparavant. La prise de ce congé est rendue obligatoire pour les sept jours suivant immédiatement la naissance de l’enfant. Par ailleurs, le versement de la prime de naissance est avancé dès le 7e mois de grossesse pour les grossesses ayant débuté à compter du 1er octobre 2020, au lieu d'un versement deux mois après la naissance. Enfin, une allocation forfaitaire versée en cas de décès d’un enfant a été mise en place à compter du 1er juin 2020.

Le complément de libre choix du mode de garde (CMG) permet de financer une partie des dépenses liées à la garde de l’enfant jusqu’à 6 ans. La loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit une réforme du CMG. A partir de 2025,  un nouveau barème de calcul du CMG « emploi direct » qui concerne  l’accueil individuel, sera mis en place afin de rapprocher le reste à charge d’une famille quel que soit le mode d’accueil choisi (individuel ou collectif), dans l’objectif d’améliorer l’accès des familles plus modestes à l’accueil individuel et de mieux solvabiliser les familles ayant des recours importants ; cette évolution constitue la première brique du service public de la petite enfance dont la construction est inscrite à la feuille de route du Gouvernement. Par ailleurs, en cas de séparation des parents, le CMG n’est perçu que par un des deux parents malgré l’exercice en commun de l’autorité parentale. A partir de 2025, les deux parents d’un enfant en résidence alternée pourront bénéficier du CMG « emploi direct », sous réserve de remplir les conditions d’éligibilité.  

Enfin, le  CMG « emploi direct » sera également étendu pour soutenir le parent qui élève seul un ou plusieurs enfants au-delà de leurs 6 ans et jusqu’à leurs 12 ans.

Pour soutenir les parents de jeunes enfants, la LFSS pour 2023 a également majoré de 52% le plafond du crédit d’impôt pour la garde des enfants de moins de six ans à l’extérieur du domicile (en établissement d’accueil du jeune enfant, chez un assistant maternel, en accueil périscolaire). Il passe de 2 300€ à 3 500€ par enfant, à compter du 1er janvier 2023 (sur la déclaration des revenus 2022).

 

Une autre mesure au profit des familles monoparentales a été mise en place par le décret n° 2022-1370 du 27 octobre 2022 relatif à la revalorisation de l'allocation de soutien familial (ASF). L’allocation de soutien familial , versée au parent qui élève seul un ou plusieurs enfants sans aide financière de l’autre parent, a été revalorisée dès novembre 2022 de 50%, représentant un soutien supplémentaire de la collectivité de 1 Md€ chaque année en appui à ces familles parmi les plus exposées au risque de pauvreté. Son montant s'élève à 187,24 € par mois et par enfant au 1er avril 2023.

 

Un autre axe  de soutien aux familles monoparentales a été le systématisation du dispositif d’intermédiation financière des pensions alimentaire (IFPA), géré par l’agence de recouvrement et intermédiation des pensions alimentaires (ARIPA). La systématisation de l’IFPA est entrée en vigueur en deux étapes. A partir du 1er mars 2022, l’intermédiation est systématiquement mise en place pour tous les parents qui divorcent devant la justice avec fixation d’une pension alimentaire (sauf refus conjoint des deux parents).  Depuis le 1er janvier 2023, l’intermédiation est étendue à toutes les autres décisions de justice qui comprennent la fixation d’une pension alimentaire, ainsi qu’aux divorces par consentement mutuel. Cette couverture systématique permettra à l’ARIPA de remplir pleinement son rôle de sécurisation des versements de pension alimentaire et de prévention des impayés. A la fin mars 2023, plus de 125 600 pensions ont été avancées ou intermédiées par l’ARIPA dans le cadre de ce dispositif.

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2021, la réforme dite « des aides au logement en temps réel » est effective. Les bénéficiaires d’une aide au logement voient le montant calculé sur la base des ressources des 12 derniers mois et non plus sur celles des revenus perçus deux ans plus tôt. Pour les personnes dont la situation n'a pas changé depuis deux ans, il n'y a pas d'évolution concernant le montant de ces aides. Par ailleurs, dans le cadre de la réforme de la solidarité à la source, un projet de simplification du service du RSA et de la prime d’activité est en cours, avec l’utilisation des données sociales transmises par les entreprises pour calculer les droits.

La suite de cette synthèse revient sur les résultats obtenus au regard des quatre grands objectifs en matière de politique familiale.

 

Objectif n°1 : Contribuer à la compensation financière des charges de famille

La compensation des charges financières induites par la présence d’enfants au sein d’un ménage est historiquement la finalité première du dispositif français de politique familiale. Pour apprécier cette redistribution horizontale (des ménages sans enfant vers les familles avec enfants), on peut comparer l’impact des prestations familiales sur le niveau de vie des ménages en fonction de leur configuration familiale (indicateur n°2-1). Ainsi, en 2021, le niveau de vie moyen de toutes les catégories de familles avec enfants s’améliore du fait des dispositifs fiscaux et des prestations sociales, alors que celui des couples sans enfant diminue légèrement en raison de l’impôt (cf. graphique 2). Ce sont les familles nombreuses qui connaissent l’amélioration la plus importante de leur niveau de vie du fait des aides fiscales et sociales, et plus particulièrement des prestations familiales. Les familles monoparentales bénéficient également d’un soutien important, en partie grâce aux prestations familiales, mais surtout grâce aux aides au logement et minima sociaux.
En 2022, afin de soutenir le pouvoir d’achat des Français, le Gouvernement a mis en œuvre dès l’été, sans attendre la prochaine revalorisation prévue par la loi, une hausse de 4 % du montant des prestations familiales (allocations familiales, revenu de solidarité active, allocation aux adultes handicapés, etc.) et de 3,5 % du montant des aides personnelles au logement. Ces mesures font partie de la loi dite « pouvoir d’achat », adoptée le 3 août dernier. Les augmentations sont rétroactives à la date du 1er juillet 2022

 

Graphique 2 ● Impact de l'impôt et des prestations sociales sur le niveau de vie en 2021

Note de lecture : le niveau de vie médian des personnes au sein de chaque configuration familiale est rapporté à un référentiel 100 qui est le niveau de vie médian de référence au sein des couples sans enfant (28 070 € par UC, après cotisations et contributions sociales mais avant impôts et prestations, correspond ici à 100).

Source : Drees, Insee.

Objectif n°2 : Aider les familles vulnérables

Les missions assignées aux dispositifs en faveur des familles ont évolué au cours du temps, notamment pour prêter une attention particulière aux familles en situation économique fragile. Depuis 2014, plusieurs mesures traduisent la volonté de mieux soutenir les familles les plus exposées à la pauvreté, et notamment les familles monoparentales et les familles nombreuses : le complément familial a été progressivement majoré de 50 % pour les familles nombreuses modestes entre 2014 et 2018 et le barème du CMG sera réformé afin de lever les freins financiers à l’accueil individuel de leurs enfants; l’ASF, dont peuvent bénéficier les parents élevant seuls leurs enfants, a également fait l’objet d’une revalorisation de 25 % sur la même période, puis de 50% en novembre 2022 ; enfin, la situation de monoparentalité donne lieu à un traitement favorable dans plusieurs prestations, et notamment à travers le CMG grâce à une majoration du plafond de ressources et du montant plafond de la prestation familiale, et d’un allongement de la durée de droits jusqu’aux 12 ans de l’enfant (à partir de 2025). Ces réformes du CMG  s’appuient notamment sur les recommandations du haut conseil de la famille, de l’enfant, et de l’âge (HCFEA)  relatives aux constats et pistes de réforme du CMG.
Pour financer ces mesures, le plafond de l’avantage fiscal procuré le quotient familial avait été abaissé à 1500€ par demie part et, depuis le 1er juillet 2015, les allocations familiales sont modulées selon les ressources du foyer.  Ces actions ont permis de rééquilibrer le profil de la courbe de redistribution de la politique familiale.
Ainsi, en 2020, les prestations familiales contribuent à réduire les inégalités de niveau de vie au sein de chaque configuration familiale. Cet impact redistributif des transferts fiscaux et sociaux est d’autant plus important que le nombre d’enfants augmente, notamment pour les familles monoparentales ( graphique 3 et indicateur n°2 2).
A titre d’illustration, en 2020, les inégalités de niveau de vie au sein des familles avec deux enfants sont d’abord réduites grâce aux prestations familiales et à l’impôt, qui participent respectivement à 32 % et 31 % de l’impact redistributif total. La prime d’activité contribue à 20 % de l’impact redistributif et les minima sociaux et les allocations logement à 12 % de l’impact. 
Le fort impact redistributif des prestations familiales tient pour une part aux conditions de ressources auxquelles elles sont pour la plupart soumises, mais aussi à la masse financière que ces prestations représentent. Sur le champ des familles, les masses de prestations familiales versées sont supérieures à celle des allocations logement d’une part et des minima sociaux d’autre part, malgré leur barème moins fortement dégressif en fonction du revenu

 

Graphique 3 ● Evolution des écarts de niveaux de vie (avant/après transferts) en 2021

Note de lecture : parmi les couples avec deux enfants, avant impôts et prestations, les 10 % de personnes les plus aisées ont un niveau de vie au moins 4,0 fois plus important que celui des 10 % les plus modestes. Après transferts fiscaux et sociaux, ce rapport s’établit à 2,9.
Source : Drees, Insee

L’objectif de lutte contre la pauvreté des enfants justifie que les dispositifs de la politique familiale poursuivent également une visée de redistribution verticale des revenus pour une même configuration familiale, des ménages aisés vers les ménages pauvres. Connaître dès ses premières années l’expérience de la pauvreté expose en effet les enfants à des risques aggravés de précarité au cours de leur vie d’adulte.
En 2019 (dernières données disponibles ne tenant donc pas compte de l’impact des mesures décidées depuis), 20,2 % des enfants vivaient en dessous du seuil de pauvreté, et environ 38,3 % des enfants de familles monoparentales, les plus exposées au risque de pauvreté (contre 14,8 % de l’ensemble de la population, cf. graphique 4). Le taux de pauvreté des enfants, en hausse par rapport à 2017 (+0,9 point), atteignait son plus haut niveau depuis plus de 10 ans. Après une baisse en 2017, le taux de pauvreté des familles monoparentales repartait à la hausse (+1,6 point par rapport à 2017). Enfin, l’intensité de la pauvreté des familles – mesurant l’écart entre le niveau de vie médian des familles en situation de pauvreté et le seuil de pauvreté – qui avait diminué de façon régulière entre 2012 et 2016, était orientée à la hausse pour atteindre 18,8 % en 2018 (indicateur n°2 3-1).
La baisse des allocations logement induite par la réforme de la réduction du loyer de solidarité explique toutefois selon l’Insee une part importante de la hausse du taux de pauvreté en 2018. En outre, cette baisse ampute les niveaux de vie tels qu’ils sont normalement mesurés, alors même qu’elle a été compensée par des baisses correspondantes des loyers, donc des dépenses des ménages concernés. Les mesures précédemment évoquées, en particulier sur le complément familial ou l’allocation de soutien familial, ainsi que la revalorisation exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire (cf. supra), contribuent à enrayer cette tendance, en apportant un supplément de pouvoir d’achat aux familles à revenus modestes et moyens.
Les prestations familiales et les aides au logement ont un rôle décisif dans la limitation du risque de précarité. En effet, les prestations familiales contribuent à réduire de moitié le nombre d’enfants en dessous du seuil de pauvreté (indicateur n°2 3-2). Le nombre d’enfants pauvres s’élevait encore à 2,9 millions en 2018

Graphique 4 ● Proportion d’enfants vivant dans des familles en situation de pauvreté

Sources : Insee, DGFiP, Cnaf, Cnav, MSA. ERFS, enquête patrimoine. * rupture de série en 2012.

Objectif n°3 : Concilier vie familiale et vie professionnelle

La politique familiale française a progressivement amorcé une inflexion vers une meilleure prise en compte de l’aspiration des parents à articuler leurs responsabilités familiales et professionnelles. Les études internationales comparées montrent que ce sont aujourd’hui les pays dans lesquels les femmes sont le plus présentes sur le marché du travail qui ont aussi le plus haut niveau de fécondité. Ainsi, faciliter le maintien des femmes dans l’emploi tout en offrant aux parents les moyens d’éduquer leurs enfants permet de concilier natalité et taux d’activité. 
En 2022, 725 000 bébés sont nés en France. S’il enregistre un recul depuis 2015, l’indicateur conjoncturel de fécondité s’établit à 1,83 enfant par femme, de telle sorte que la France reste, en 2020, le pays le plus fécond de l’Union européenne (indicateur n°1 2 1).
Depuis le 1er juillet 2021, afin d’accroître l’investissement des pères dans l’éducation des enfants, le congé paternité a été porté à 25 jours dont 7 jours obligatoires, en sus des 3 jours de congé de naissance. Ainsi, la durée moyenne du congé paternité est passé de 11 jours début 2020 à 23 jours début 2022. Le coût des indemnités journalières parternité est passé de 234 M€ en 2020 à 577 M€ en 2022.
Cette réforme fait suite à une proposition de la Commission des 1 000 premiers jours, qui préconisait de repenser le congé paternité, notamment d’allonger sa durée et de le rendre plus flexible, pour qu’il puisse par exemple être pris à la naissance, mais aussi à la fin du congé maternité. Le rapport du comité souligne en effet qu’un congé plus long que la durée actuelle favorise les interactions et la formation d’un lien d’attachement avec le second parent, mais également la coparentalité et un partage équitable du travail et de la vie de famille entre parents.

 

 

Des efforts importants pour développer l’offre de services d’accueil des jeunes enfants

Des efforts importants ont été réalisés au cours des dernières années pour développer l’offre d’établissements d’accueil des jeunes enfants (EAJE) ou pour permettre à l’un des parents de cesser ou de réduire temporairement son activité professionnelle sans obérer ses chances ultérieures de retour à l’activité professionnelle. 
En 2021, l’évaluation du coût global pour les finances publiques (Sécurité sociale, État, collectivités locales) des services d’accueil se situe autour de 14,0 Md€ pour les enfants de moins de trois ans et de 17,7 Md€ pour les enfants de trois à six ans (indicateur n°1-5-2).
Depuis 15 ans, le soutien de la branche famille, au travers de plans d’investissement et l’augmentation très significative des dépenses de soutien au fonctionnement des EAJE, a permis d’accroître l’offre d’accueil des jeunes enfants. En 2021, la branche Famille, l’Etat et les collectivités financent chacun à hauteur d’un tiers  les modes d’accueil des enfants de moins de 6 ans. Les dépenses engagées par la branche Famille s’élévent à 10,3 milliards en 2021 (indicateur n°1 5 2).
Pour 100 enfants âgés de moins de trois ans, la France dispose en 2020 de 58,5 places d’accueil « formel » – i.e. assuré par des professionnels autonomes (assistants maternels, garde à domicile) ou dans le cadre d’une structure : établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) ou préscolarisation en école maternelle avant trois ans (indicateur n°1-4-1). Cette proportion a progressé de 8 points depuis 2010, malgré la baisse du nombre d’enfants âgés de moins de trois ans préscolarisés en école maternelle sur la période.

La convention d’objectifs et de gestion (COG) signée entre l’Etat et la Cnaf pour 2018-2022 avait fixé comme objectif la création de 30 000 places d’accueil supplémentaires nettes en EAJE, dont une part significative dans les quartiers prioritaires de la ville. Si environ la moitié de cet objectif est atteint à fin 2022 en termes de places créées, il est atteint en termes de places dont la création a été décidée, grâce au rattrapage permis par le plan « Rebond petite enfance » lancé en début d’année 2021. Des freins conjoncturels, notamment la crise Covid et les l’accentuation des pénuries de professionnels, et structurels (coûts élevé en fonctionnement, contrats de Cahors réduisant les marges financières des collectivités, etc.) contribuent à expliquer cette situation. Pour soutenir le maintien et le développement des EAJE, leurs modalités de financement ont été revues, que ce soit en investissement ou en fonctionnement, dans l’objectif de prendre davantage en compte les caractéristiques des territoires (potentiel financier, zones prioritaires, besoins non couverts) et des publics accueillis (pauvreté, handicap) pour moduler le soutien aux gestionnaires et renforcer la contribution des CAF au rééquilibrage de l’offre et à l’accessibilité de tous les enfants aux EAJE.
La prise en charge publique des coûts d’accueil du jeune enfant décroît avec l'augmentation du revenu du ménage, quel que soit le mode d'accueil retenu. Elle représente, en 2021, au minimum 63 % du coût de la garde, exception faite de la garde à domicile non partagée et de la garde en micro-crèche, qui sont les modes d’accueil les plus onéreux et les moins répandus (indicateur n°1-5-1).
Le barème des participations familiales en EAJE a été réformé en 2019. Chaque année, jusqu’au 1er janvier 2022, le taux des participations familiales a augmenté de 0,8 % tandis que le plafond de ressources a augmenté progressivement pour atteindre 6  000 € (contre 4 875 € en 2018). Cette réforme a donc pour effet d’accroître légèrement la participation de l’ensemble des familles, et de façon plus notable celle des foyers ayant des revenus élevés. Il est toutefois à noter que, sauf dans le cas de la garde à domicile non partagée, les ménages consacrent généralement moins de 16 % de leur revenu net à l’accueil de leur jeune enfant (y compris l’allocation de base de la PAJE), selon une évaluation fondée sur des cas-types (indicateur n°2-8). On observe par ailleurs, pour les familles monoparentales et les couples actifs les plus modestes, que le recours à un assistant maternel est plus de deux fois plus onéreux qu’un accueil en EAJE, même si les familles monoparentales bénéficient d’une majoration de 30 % du montant de CMG depuis octobre 2018. La réforme du CMG  rapprochera ces coûts pour toutes les familles (y compris monoparentales et modestes) pour créer un véritable choix entre un accueil par un assistant maternel ou en EAJE. Cette réforme constitue donc une première concrétisation de l’ambtion gouvernentale de garantir, pour toutes les familles, l’accès à une place d’accueil de qualité pour leur jeune enfant, jusqu’à son entrée à l’école maternelle, à un prix raisonnable et similaire quel que soit le mode d’accueil.

 

 

 

Un développement de l’offre d’accueil favorable au maintien en emploi des femmes

Le développement de l’offre d’accueil des jeunes enfants contribue à favoriser le maintien en emploi des parents, et notamment des mères. Le taux d’emploi des femmes âgées de 20 à 64 ans atteint 70,2 % en 2021 contre 76,4 % pour les hommes. Il progresse par rapport à 2020 et a augmenté de 1,2 point pour les hommes et de 10,2 points pour les femmes, depuis 2010 (cf. graphique 5 et indicateur n°2 9 1). Le taux d’emploi des Françaises est désormais supérieur à celui des Européennes : 70,2 % contre 67,7 %, en 2021. Des marges de progrès existent cependant, eu égard à l’écart persistant entre les taux d’emploi des femmes et des hommes, et à la diminution de la propension des mères à occuper un emploi lorsque la taille de la famille s’accroît (indicateur n°2 9 2). En effet, si le taux d’emploi des femmes avec un enfant de moins de 3 ans est de 70 % en 2020, seules 39 % des femmes avec 3 enfants (dont au moins un de moins de trois ans) sont en emploi. Toutefois, le taux d’emploi de ces mères augmente : en 2009, il était de 69 % pour les mères avec un enfant de moins de 3 ans et de 34 % pour celles avec 3 enfants (dont au moins un de moins de trois ans).

 

Graphique 5 ● Taux d’emploi des 20-64 ans

Source : Eurostat

Le complément du libre choix d’activité (CLCA), qui donnait une allocation aux parents en congé parental, sous certaines conditions, pouvait rendre difficile le retour à l’emploi des femmes, qui en étaient dans les faits les principales bénéficiaires. Il a pour cette raison été remplacé par la prestation partagée pour l’éducation de l’enfant (Prepare) depuis le 1er janvier 2015. Comme le CLCA, elle permet aux parents de jeunes enfants d’interrompre ou de réduire leur activité professionnelle en contrepartie d’une aide financière, mais la durée durant laquelle le parent réduit ou cesse son activité est plus courte et elle encourage un partage plus équitable entre parents. Depuis 2014, le nombre d’allocataires a diminué de 50 %. La part des hommes parmi les bénéficiaires de la Prepare a très légèrement progressé passant de 4 % à 5 % entre 2016 et 2021, mais demeure à un niveau très bas, dans un contexte de chute du recours à cette prestation. A fin juin 2020, près de 246 000 personnes (255 300 enfants fin juin 2021 selon l’observatoire national de la petite enfance) bénéficiaient de cette allocation pour l’ensemble des régimes de sécurité sociale (indicateur n°1-6-1).
Enfin, depuis le début des années 2010, la branche famille développe son action sur le champ du soutien à la parentalité. Ce soutien concerne tous les parents quels que soient leurs revenus et représente une dépense de 122 millions d’euros en 2020. Les services proposés visent à favoriser la qualité du lien parents-enfants, à apporter un appui aux parents par la création et le renforcement de relations sociales, à renforcer le lien entre les familles et l’école et à offrir les ressources dont l’enfant a besoin pour développer ses compétences. Ces services de soutien à la parentalité cherchent également à prévenir la rupture du lien familial et à favoriser l’élaboration d’accords dans l’intérêt de l’enfant en cas de séparation (indicateur n°1-8).

Objectif n°4 : Garantir la viabilité financière de la branche famille à moyen et long terme

Comparée aux autres secteurs de la sécurité sociale, la branche famille est en principe soumise à des conditions structurelles plus favorables à l’atteinte de son équilibre financier. En effet, à législation constante, la croissance des dépenses, gouvernée essentiellement par l’évolution du nombre d’enfants ouvrant droit aux prestations familiales, devrait être plus modérée que celle des recettes, qui suivent la progression de la richesse nationale.
Or, à partir de 2008-2009, la branche famille a subi comme les autres branches de la sécurité sociale les conséquences de la crise financière, qui s’est traduite par une diminution des recettes et une augmentation des prestations sous conditions de ressources servies, sous l’effet de la dégradation de l’activité économique et de l’emploi. La situation financière de la branche est ainsi restée durablement dégradée. En 2014 et 2015, les différentes mesures prises en matière de réforme des prestations familiales (modulation en fonction des ressources des allocations familiales et recentrage de certaines prestations vers les familles plus modestes), combinées à un apport important de recettes (rétrocession des gains liés à la réforme du quotient familial en 2014 estimés à 1 Md€), ont permis de diminuer significativement le déficit de la branche. La réduction du déficit s’est poursuivie depuis 2015, du fait notamment de la modération des dépenses. La branche a renoué avec les excédents à partir de 2018.
Après l’amélioration de 4,7 Md€ entre 2020 et 2021 dûe à la reprise d’activité, le solde de la branche famille a enregistré en 2022 un excédent de 1,9 Md€, moindre qu’en 2021 (2,9 Md€). Le contexte inflationniste qui a marqué  l’année 2022 (5,3 % d’augmenation de la moyenne annuelle de l’indice des prix de consommation hors tabac (IPCHT)) a été favorable aux recettes de la branche famille. La masse salariale a vu une hausse de 8,7 % qui s’est traduite par une hausse des recettes de la branche de 3,4 %, en progression moindre en lien avec les allègements de cotisations patronales, mais surtout par le transfert exceptionnel de 1 Md€ au profit de la branche maladie, au titre des indémnités journalières dérogatoires versées pendant la crise sanitaire aux parents contraints de suspendre leur activité professionnelle pour garder leurs enfants du fait de l’absence de service de garde. Dans le même temps, les dépenses de la branche famille ont progressé de 5,6 % en 2022, marquées par la revalorisation anticipée des prestations sociales de 4 % en juillet 2022 (après la revalorisation mécanique de 1,8 % d’avril 2022), et par la revalorisation de 50 % de l’ASF en novembre comme indiqué supra.
Les indemnités journalières liées au congé post-natal seront désormais prises en charge par la branche famille, en application de la loi de financement pour 2023. L’excédent de la branche devrait ainsi baisser à 1,3 Md€ en 2023 puis s’établir à 0,8 Md€ en 2026 selon les plus récentes projections de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, en lien notamment avec la montée en charge du service public de la petite enfance.

 

Graphique 6 ● Solde financier de la branche

Source : CCSS 2023 pour comptes clôturés et LFRSS 2023 pour prévisions
P : prévisions

Conclusion

L’analyse des indicateurs du présent rapport témoigne d’une réussite de la politique familiale française et de l’atteinte d’un équilibre globalement satisfaisant entre les différents objectifs poursuivis.

Outre la capacité, presque unique en Europe, de notre pays à assurer le renouvellement des générations, trois résultats méritent une attention particulière :

l’impact redistributif des prestations familiales est très important, et elles contribuent fortement à contenir la pauvreté chez les enfants ;

  • La participation élevée des femmes à l’activité économique est pour partie la résultante de l’effort important réalisé par la France en matière d’offre, de financement et de tarification des différents modes d’accueil des jeunes enfants. Pour que cette participation augmente, il conviendra de répondre mieux encore aux aspirations des Français en matière de proposition d’une offre d’accueil du jeune enfant substantielle, diverse et financièrement accessible, ainsi que le prévoit la feuille de route du Gouvernement par le biais du projet de création d’un service public de la petite enfance ;
  • Toutefois des marges de progrès demeurent, dans la mesure où les familles moins aisées recourent moins que dans d’autres pays aux modes d’accueil formels, qui sont pourtant favorables au développement de l’enfant et donc à l’égalité des chances dès le plus jeune âge ;

Des marges de progrès existent également au regard du recours en baisse prolongée et quasi-exclusivement féminin à la prestation partagée d’éducation de l’enfant (Prepare) qui permet de réduire ou cesser son activité professionnelle à l’arrivée d’un nouvel enfant au foyer.

 

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