Les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale présentent tous les ans les grands objectifs poursuivis par la sécurité sociale et permettent d’identifier les réussites mais également les marges de progrès ou les difficultés rencontrées.
La politique familiale française a longtemps affiché un objectif de soutien à la natalité, notamment grâce à une réduction des inégalités de niveaux de vie entre familles selon le nombre d’enfants. A partir des années soixante-dix, un accent plus important a été mis sur le soutien aux familles les plus modestes. Enfin, au cours des trente dernières années, la conciliation entre vie familiale et professionnelle, permettant notamment d’encourager la participation des femmes à l’activité économique, est devenue un axe majeur de la politique familiale.
Ce rapport consacré à la politique familiale présente 42 indicateurs permettant d’évaluer la contribution de la sécurité sociale à cette politique, autour de quatre objectifs principaux :
1/ contribuer à la compensation financière des charges de famille et accompagner tous les parents ;
2/ aider davantage les familles vulnérables ;
3/ favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ;
4/ garantir la pérennité financière de la branche famille à moyen et long terme.
Avant de présenter les résultats des indicateurs selon ces quatre dimensions, cette synthèse revient sur les dépenses financées par la branche et présente les données de cadrage qui font l’objet de la première partie du rapport.
La France consacre entre 2,7 % et 4,7 % de son PIB aux dépenses sociales en faveur de la famille selon le champ retenu
Selon Eurostat, la France a consacré 2,2 % de son PIB aux dépenses sociales en faveur de l’enfance et de la maternité en 2021, la situant au niveau de la moyenne européenne (2,4 % en 2021 - Indicateur n°1-1-2).
Le montant des prestations familiales légales s’est élevé à 33,0 Md€ en 2023, soit une hausse de plus de 0,9 % par rapport à 2022 (32,7 Md€, cf. Indicateur n°1-5-2). La branche couvrait 13,6 millions d’allocataires ; soit environ 32,5 millions de personnes en 2022.
A ces prestations s’ajoutent 6,3 Md€ au titre du Fonds national d’action sociale (FNAS) de la CNAF par l’intermédiaire duquel la branche contribue au développement des modes d’accueil du jeune enfant ainsi que de nombreux autres équipements et services utiles aux familles, aux enfants, aux jeunes et à l’animation de la vie sociale. Enfin, la branche finance des majorations de pensions de retraite en versant des cotisations au titre des périodes non travaillées ou travaillées à temps partiel, pour élever un enfant ou s’occuper d'un enfant ou d'un proche handicapé ou en perte d’autonomie.
Graphique 1 ● Prestations financées ou gérées par la branche famille en 2023
Action sociale : activités de loisirs, accompagnement des parents (lieux d’accueil enfants-parents, médiation familiale, accompagnement à la scolarité, rencontres avec d’autres parents, etc.), centres sociaux, animation en milieu rural, etc.), aides aux familles en matière de logement.
Champ : tous régimes – yc AEEH
Source : Cnaf
Les aides aux familles sont complétées, hors dépenses de la branche, par des prestations au titre de la maternité, des majorations de pensions de retraite suivant le nombre d’enfants élevés et des dispositifs fiscaux, tels que le « quotient familial ». La branche famille verse également d’autres prestations financées par l’Etat, non exclusivement destinées aux familles : revenu de solidarité active, prime d’activité et aides au logement.
Depuis la création de la branche autonomie en 2021, l’allocation d'éducation de l'enfant handicapé n’est plus financée par la branche famille mais par la branche autonomie, le versement de la prestation demeurant assuré par les caisses d’allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole
Au-delà de ces actions de court-terme dans le contexte de crise, plusieurs réformes récentes ont permis de renforcer les droits à destination des familles.
D’abord, afin de favoriser l’investissement des jeunes pères dans l’éducation de leur enfant, la durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant a été doublé à compter du 1er juillet 2021 : en prenant en compte le congé de naissance de 3 jours rémunéré par l’employeur, la durée totale du congé paternité s’élève à 28 jours contre 14 jours auparavant. La prise de ce congé est rendue obligatoire pour les sept jours suivant immédiatement la naissance de l’enfant. Par ailleurs, le versement de la prime de naissance est avancé dès le 7e mois de grossesse pour les grossesses ayant débuté à compter du 1er octobre 2020, au lieu d'un versement deux mois après la naissance. Enfin, une allocation forfaitaire versée en cas de décès d’un enfant a été mise en place à compter du 1er juin 2020.
Dans la continuité de l’allongement du congé paternité, le Président de la République a annoncé le 16 janvier 2024 une réforme de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (Prepare), dont bénéficient les parents qui réduisent ou arrêtent leur activité professionnelle pour s’occuper de leur jeune enfant. L’objectif est de pouvoir proposer, dès 2025, un nouveau congé de naissance plus court et mieux rémunéré. La rémunération de ce dernier devrait prendre la forme d’indemnités journalières basées sur le salaire antérieur et être assurée par la Sécurité sociale.
La branche famille prend en charge depuis 2023 le financement du congé maternité post natal via un transfert de 2 Md€ à l’assurance maladie.
Le complément de libre choix du mode de garde (CMG) permet de financer une partie des dépenses liées à la garde de l’enfant jusqu’à six ans. En 2025, un nouveau barème de calcul du CMG « emploi direct » qui concerne l’accueil individuel, sera mis en place afin de rapprocher le reste à charge d’une famille quel que soit le mode d’accueil choisi (individuel ou collectif), dans l’objectif d’améliorer l’accès des familles plus modestes à l’accueil individuel et de mieux solvabiliser les familles ayant des recours importants. Par ailleurs, en cas de séparation des parents, le CMG n’est perçu que par un des deux parents malgré l’exercice en commun de l’autorité parentale. A partir de 2025, les deux parents d’un enfant en résidence alternée pourront bénéficier du CMG « emploi direct », sous réserve de remplir les conditions d’éligibilité.
Enfin, le CMG « emploi direct » sera également étendu pour soutenir le parent qui élève seul un ou plusieurs enfants au-delà de leurs 6 ans et jusqu’à leurs 12 ans.
La réduction des inégalités sociales d'accès à un mode d'accueil, grâce à l’harmonisation du reste à charge CMG, ainsi que la réduction des inégalités territoriales de l’offre d’accueil sont deux des priorités du service public de la petite enfance (SPPE), inscrites à la feuille de route du gouvernement.
La lutte contre la pénurie de professionnels et l’attractivité des métiers de la petite enfance constituent des enjeux majeurs pour développer l'offre d'accueil. A cet effet, le conseil d’administration de la CNAF du 3 avril 2024 a voté un accompagnement financier pour soutenir les branches professionnelles et les collectivités territoriales qui accordent des augmentations mensuelles moyennes d'au moins 150€ net dans le secteur privé et de 100€ net dans le secteur public à leurs professionnels des crèches PSU. Ces revalorisations, qui devront être décidées par les collectivités et les branches professionnelles concernées, répondent à un double objectif de renforcement de la qualité du service d’accueil du jeune enfant, et de l’attractivité du secteur qui connaît une situation de pénurie de professionnels. Cette dernière a été documentée par une enquête Cnaf de 2022, menée à la demande du Comité de filière petite enfance, qui estimait alors à 10 000 le nombre de professionnels actuellement manquant dans les crèches.
Pour soutenir les parents de jeunes enfants, la loi de finances pour 2023 a également majoré de 52% le plafond du crédit d’impôt pour la garde des enfants de moins de six ans à l’extérieur du domicile (en établissement d’accueil du jeune enfant, chez un assistant maternel, en accueil périscolaire). Il passe de 2 300€ à 3 500€ par enfant, à compter du 1er janvier 2023 (sur la déclaration des revenus 2022).
Une autre mesure au profit des familles monoparentales a été mise en place par le décret n° 2022-1370 du 27 octobre 2022 relatif à la revalorisation de l'allocation de soutien familial (ASF). L’allocation de soutien familial, versée au parent qui élève seul un ou plusieurs enfants sans aide financière de l’autre parent (ou sous forme de complément lorsque la pension alimentaire est inférieure au montant de l'ASF), a été revalorisée dès novembre 2022 de 50 %, représentant un soutien supplémentaire de la collectivité de 1 Md€ chaque année en appui à ces familles parmi les plus exposées au risque de pauvreté. Son montant s'élève à 195,85 € par mois et par enfant au 1er avril 2024.
Un autre axe de soutien aux familles monoparentales a été la systématisation du dispositif d’intermédiation financière des pensions alimentaires (IFPA), géré par l’agence de recouvrement et intermédiation des pensions alimentaires (ARIPA). La systématisation de l’IFPA est entrée en vigueur en deux étapes. A partir du 1er mars 2022, l’intermédiation est systématiquement mise en place pour tous les parents qui divorcent devant la justice avec fixation d’une pension alimentaire (sauf refus conjoint des deux parents ou décision du juge dans des situations exceptionnelles). Depuis le 1er janvier 2023, l'intermédiation est étendue aux autres décisions de justice et plus largement à tout titre exécutoire qui fixe une pension alimentaire, comprenant notamment les divorces par consentement mutuel. Cette couverture systématique permettra à l’ARIPA de remplir pleinement son rôle de sécurisation des versements de pension alimentaire et de prévention des impayés. Fin 2023, près de 200 000 pensions alimentaires étaient avancées ou intermédiées par l’ARIPA dans le cadre de ce dispositif.
Enfin, hors champ de la politique familiale stricto sensu, depuis le 1er janvier 2021, la réforme dite « des aides au logement en temps réel » est effective. Les bénéficiaires d’une aide au logement voient le montant calculé sur la base des ressources des 12 derniers mois et non plus sur celles des revenus perçus deux ans plus tôt. Pour les personnes dont la situation n'a pas changé depuis deux ans, il n'y a pas d'évolution concernant le montant de ces aides. Par ailleurs, la réforme de la solidarité à la source a commencé à être implémentée début 2024 avec désormais l’information du montant « net social » (MNS) sur les bulletins de paye des salariés et agents publics et relevés de prestations. Le MNS est le montant de référence à déclarer pour bénéficier de la prime d’activité et du RSA. Cette mesure facilitera l’expérimentation du pré-remplissage des déclarations trimestrielles de ressources des allocataires du RSA et de la prime d’activité qui sera implémentée dans cinq CAF pilotes à partir de l’automne 2024 avant sa généralisation au 1er mars 2025.
La suite de cette synthèse revient sur les résultats obtenus au regard des quatre grands objectifs en matière de politique familiale.
La compensation des charges financières induites par la présence d’enfants au sein d’un ménage est historiquement la finalité première du dispositif français de politique familiale. Pour apprécier cette redistribution horizontale (des ménages sans enfant vers les familles avec enfants), on peut comparer l’impact des prestations familiales sur le niveau de vie des ménages en fonction de leur configuration familiale (Indicateur n°2-1). Ainsi, en 2022, le niveau de vie moyen de toutes les catégories de familles avec enfants s’améliore du fait des dispositifs fiscaux et des prestations sociales, alors que celui des couples sans enfant diminue légèrement en raison de l’impôt (cf. graphique 2). Ce sont les familles nombreuses qui connaissent l’amélioration la plus importante de leur niveau de vie du fait des aides fiscales et sociales, et plus particulièrement des prestations familiales. Les familles monoparentales bénéficient également d’un soutien important, en partie grâce aux prestations familiales, mais surtout grâce aux aides au logement et minima sociaux.
En 2022, afin de soutenir le pouvoir d’achat des Français, le Gouvernement a mis en œuvre dès l’été, sans attendre la prochaine revalorisation prévue par la loi, une hausse de 4 % du montant des prestations familiales (allocations familiales, revenu de solidarité active, allocation aux adultes handicapés, etc.) et de 3,5 % du montant des aides personnelles au logement. Ces mesures font partie de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 dite « pouvoir d’achat ». Les augmentations ont été rétroactives à la date du 1er juillet 2022. Dans un contexte d’inflation persistante qui n’a commencé à refluer qu’à compter de l’été 2023, les prestations familiales ont par ailleurs pu bénéficier des revalorisations légales du 1er avril 2023 (1,6 % supplémentaire) et du 1er avril 2024 (4,6 %).
Graphique 2 ● Impact de l'impôt et des prestations sociales sur le niveau de vie en 2022
Note de lecture : le niveau de vie médian des personnes au sein de chaque configuration familiale est rapporté à un référentiel 100 qui est le niveau de vie médian de référence au sein des couples sans enfant (32 740 € par UC, après cotisations et contributions sociales mais avant impôts et prestations, correspond ici à 100).
Source : Enquête Revenus fiscaux et sociaux 2020 (actualisée 2022), Insee, calculs Drees.
Les missions assignées aux dispositifs en faveur des familles ont évolué au cours du temps, notamment pour accorder une attention particulière aux familles en situation économique fragile. Depuis 2014, plusieurs mesures traduisent la volonté de mieux soutenir les familles les plus exposées à la pauvreté, et notamment les familles monoparentales et les familles nombreuses : le complément familial a été progressivement majoré de 50 % pour les familles nombreuses modestes entre 2014 et 2018 et le barème du CMG sera réformé en 2025 (cf. supra) afin de lever les freins financiers à l’accueil individuel de leurs enfants; l’ASF, dont peuvent bénéficier les parents élevant seuls leurs enfants, a également fait l’objet d’une revalorisation de 25 % sur la même période, puis de 50% en novembre 2022. Enfin, la situation de monoparentalité donne lieu à un traitement favorable dans plusieurs prestations, et notamment le CMG grâce à une majoration du plafond de ressources et du montant plafond de la prestation familiale, et d’un allongement de la durée de droits jusqu’aux 12 ans de l’enfant (à partir de 2025). Ces réformes du CMG s’appuient notamment sur les recommandations du haut conseil de la famille, de l’enfant, et de l’âge (HCFEA) relatives aux constats et pistes de réforme du CMG.
Pour financer ces mesures, le plafond de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial avait été abaissé à 1 500€ par demi part et, depuis le 1er juillet 2015, les allocations familiales sont modulées selon les ressources du foyer. Ces actions ont permis de rééquilibrer le profil de la courbe de redistribution de la politique familiale.
Ainsi, en 2022, les prestations familiales contribuent à réduire les inégalités de niveau de vie au sein de chaque configuration familiale. Cet impact redistributif des transferts fiscaux et sociaux est d’autant plus important que le nombre d’enfants augmente, notamment pour les familles monoparentales (cf. graphique 3 et
Indicateur n°2 2).
A titre d’illustration, en 2020, les inégalités de niveau de vie au sein des familles avec deux enfants sont d’abord réduites grâce aux prestations familiales et à l’impôt, qui participent respectivement à 32 % et 31 % de l’impact redistributif total. La prime d’activité contribue à 20 % de l’impact redistributif et les minima sociaux et les allocations logement à 12 % de l’impact.
Le fort impact redistributif des prestations familiales tient pour une part aux conditions de ressources auxquelles elles sont pour la plupart soumises, mais aussi à la masse financière que ces prestations représentent. Sur le champ des familles, les masses de prestations familiales versées sont supérieures à celle des allocations logement d’une part et des minima sociaux d’autre part, malgré leur barème moins fortement dégressif en fonction du revenu.
Graphique 3 ● Evolution des écarts de niveaux de vie (avant/après transferts) en 2022
Note de lecture : parmi les couples avec deux enfants, avant impôts et prestations, les 10 % de personnes les plus aisées ont un niveau de vie au moins 4,0 fois plus important que celui des 10 % les plus modestes. Après transferts fiscaux et sociaux, ce rapport s’établit à 2,9.
Source : Drees, Inse
L’objectif de lutte contre la pauvreté des enfants justifie que les dispositifs de la politique familiale poursuivent également une visée de redistribution verticale des revenus pour une même configuration familiale, des ménages aisés vers les ménages pauvres. Connaître dès ses premières années l’expérience de la pauvreté expose en effet les enfants à des risques aggravés de précarité au cours de leur vie d’adulte.
En 2021, 20,6 % des enfants vivaient en dessous du seuil de pauvreté, et environ 36,1 % des enfants de familles monoparentales, les plus exposées au risque de pauvreté (contre 14,5 % de l’ensemble de la population, cf. graphique 4). Le taux de pauvreté des enfants est légèrement inférieur à l’année 2018 (-0,4 point), année où il avait atteint son plus haut niveau. Le taux de pauvreté des familles monoparentales a également diminué depuis 2017 (-4,4 points), malgré la hausse enregistrée entre 2020 et 2021. Enfin, après avoir diminué de façon régulière entre 2012 et 2016, l’intensité de la pauvreté des familles – mesurant l’écart entre le niveau de vie médian des familles en situation de pauvreté et le seuil de pauvreté – est orientée à la hausse en 2021 pour atteindre 20,8 %, dépassant ainsi le niveau le plus élevé en date de 2012
(Indicateur n°2 3-1). Cette hausse est liée au contexte particulier de la crise en addition de la non-reconduction de certaines aides exceptionnelles liées à la crise, accordées en 2020.
Les prestations familiales et les aides au logement ont un rôle décisif dans la limitation du risque de précarité. En 2022, selon les calculs du modèle de simulation INES, les prestations familiales auraient contribué à réduire de 14 points de pourcentage le taux de pauvreté des enfants (Indicateur n°2 3-2).
Graphique 4 ● Proportion d’enfants vivant dans des familles en situation de pauvreté
Sources : Insee, DGFiP, Cnaf, Cnav, MSA. ERFS, enquête patrimoine.
*ruptures de série en 2010, 2012 et 2021
Note de lecture : En 2021, 20,6% des enfants se trouvaient en situation de pauvreté. 36,1 % des enfants vivant dans une famille monoparentale se trouvaient en situation de pauvreté, en 2021. Cette même année, les enfants vivant dans des ménages en situation de pauvreté avaient ainsi un niveau de vie médian inférieur de 20,8 % au seuil de pauvreté
La politique familiale française a progressivement amorcé une inflexion vers une meilleure prise en compte des besoins de conciliation des parents dans un cadre destiné à favoriser le maintien en emploi, en particulier des mères. Les études internationales comparées montrent que ce sont aujourd’hui les pays dans lesquels les femmes sont le plus présentes sur le marché du travail qui ont aussi le plus haut niveau de fécondité. Faciliter le maintien ou le retour vers l’emploi, en particulier des mères, tout en offrant aux parents les moyens d’éduquer leurs enfants permet donc d’accompagner les désirs d’enfants des familles, de lutter contre la pauvreté des ménages et les inégalités de genre.
En 2023, 678 000 naissances ont été enregistrées en France, soit 6,6 % de moins qu’en 2022. En 2023, l’indicateur conjoncturel de fécondité diminue encore pour atteindre 1,68, soit son plus bas niveau depuis 1994. S’il enregistre un recul depuis 2015, l’indicateur conjoncturel de fécondité s’établissait encore en 2022 à 1,79 enfant par femme, de telle sorte que la France reste, en 2022 (dernière année disponible pour les pays de l’UE-27), le pays le plus fécond de l’Union européenne (Indicateur n°1 4 1). Bien que les causes de cette nouvelle inflexion ne soient pas uniques et qu’il faudra du recul pour analyser ces évolutions, cela appelle à une attention accrue des pouvoirs publics.
Depuis le 1er juillet 2021, afin d’accroître l’investissement des pères dans la répartition des charges parentales et de soutenir les mères après leur accouchement, le congé paternité a été porté à 25 jours dont 7 jours obligatoires, en sus des 3 jours de congé de naissance. Ainsi, la durée moyenne du congé paternité est passé de 11 jours début 2020 à 23 jours début 2022. Le coût des indemnités journalières paternité est passé de 234 M€ en 2020 à 577 M€ en 2022, puis à 597 M€ en 2023 (Indicateur n°1-3-2).
Cette réforme fait suite à une proposition de la Commission des 1 000 premiers jours, qui préconisait de repenser le congé paternité, notamment d’allonger sa durée et de le rendre plus flexible, pour qu’il puisse par exemple être pris à la naissance, mais aussi à la fin du congé maternité. Le rapport du comité souligne en effet qu’un congé plus long que la durée actuelle favorise les interactions et la formation d’un lien d’attachement avec le second parent, mais également la coparentalité et un partage plus équitable du travail et de la vie de famille entre parents
Des efforts importants pour développer l’offre de services d’accueil des jeunes enfants
Des efforts importants ont été réalisés au cours des dernières années pour développer l’offre d’établissements d’accueil des jeunes enfants (EAJE) ou pour permettre à l’un des parents de cesser ou de réduire temporairement son activité professionnelle sans obérer ses chances ultérieures de retour à l’activité professionnelle.
En 2022, l’évaluation du coût global pour les finances publiques (Sécurité sociale, État, collectivités locales) des services d’accueil se situe autour de 15,0 Md€ (Indicateur n°1 7 2).
Pour 100 enfants âgés de moins de trois ans, la France dispose en 2021 de 59,4 places d’accueil « formel » – i.e. assuré par des professionnels autonomes (assistants maternels, garde à domicile) ou dans le cadre d’une structure : établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) ou préscolarisation en école maternelle avant trois ans (Indicateur n°2-6). Cette proportion a progressé comparée à 2014, principalement du fait de la baisse de la natalité.
La convention d’objectifs et de gestion (COG) signée entre l’Etat et la Cnaf pour 2023-2027 a fixé comme objectif la création de 35 000 places d’accueil supplémentaires en EAJE. Cet objectif s’inscrit dans la continuité de l’objectif des 30 000 places d’accueil fixé dans la précédente COG (2018-2022). Si environ la moitié de l’objectif de la précédente COG était atteint à fin 2022, il convient de relever que le plan « Rebond petite enfance » lancé en début d’année 2021 a toutefois permis de se rapprocher sur les deux derniers exercices de la COG des cibles de créations de places cofinancées par les CAF. Des freins conjoncturels, notamment la crise Covid et l’accentuation des pénuries de professionnels, et structurels (coûts élevés en fonctionnement, marges financières réduite des collectivités, etc.) contribuent à expliquer cette situation. Pour soutenir le maintien et le développement des EAJE co-financés par les CAF, leurs modalités de financement ont été revues, que ce soit en investissement ou en fonctionnement, dans l’objectif de forfaitiser davantage les financements au regard des caractéristiques des territoires (potentiel financier, zones prioritaires, besoins non couverts) et des publics accueillis (pauvreté, handicap) pour moduler le soutien aux gestionnaires, renforcer la contribution des CAF au rééquilibrage de l’offre et à l’accessibilité de tous les enfants aux EAJE, tout en assurant un financement plus visible et pérenne – la part des financements horaires de la PSU devant se réduire sur la durée de la COG, tandis que le bonus territoire verra ses crédits très fortement augmenter, en particulier à compter de 2025.
Par ailleurs la COG 2023-2027 prévoit également un renforcement des aides à l’investissement pour les structures de la petite enfance qui mèneraient des travaux au titre de la transition écologique. Le secteur de la petite enfance ambitionne également de réduire son empreinte énergétique en réduisant sa consommation de 25 % d’ici 2027.
La prise en charge publique des coûts d’accueil du jeune enfant décroît avec l'augmentation du revenu du ménage, quel que soit le mode d'accueil retenu. Elle représente, en 2023, au minimum 63 % du coût de la garde, exception faite de la garde à domicile non partagée et de l’accueil en micro-crèche, qui sont les modes d’accueil les plus onéreux et les moins répandus (Indicateur n°1-7-1).
Le barème des participations familiales en EAJE a été réformé en 2019. Chaque année, jusqu’au 1er janvier 2022, le taux des participations familiales a augmenté de 0,8 % tandis que le plafond de ressources mensuelles a augmenté progressivement pour atteindre 6 000 € (contre 4 875 € en 2018). La nouvelle COG prévoit un nouveau rehaussement du plafond à 7 000 € à compter du 1er septembre 2024, sans augmentation du taux d’effort. Cette réforme a donc pour effet d’accroître légèrement la participation de l’ensemble des familles, et de façon plus notable celle des foyers ayant des revenus élevés. Il est toutefois à noter que, sauf dans le cas de la garde à domicile non partagée, les ménages consacrent généralement moins de 18 % de leur revenu net à l’accueil de leur jeune enfant (y compris l’allocation de base de la PAJE), selon une évaluation fondée sur des cas-types (Indicateur n°2-9). On observe par ailleurs, pour les familles monoparentales et les couples actifs les plus modestes, que le recours à un assistant maternel est plus de deux fois plus onéreux qu’un accueil en EAJE, même si les familles monoparentales bénéficient d’une majoration de 30 % du montant de CMG depuis octobre 2018. La réforme du CMG rapprochera ces coûts pour toutes les familles (y compris monoparentales et modestes) pour créer un véritable choix entre un accueil par un assistant maternel ou en EAJE. Cette réforme constitue donc une première concrétisation de l’ambition gouvernementale de garantir, pour toutes les familles, l’accès à une place d’accueil de qualité pour leur jeune enfant, jusqu’à son entrée à l’école maternelle, à un prix raisonnable et similaire quel que soit le mode d’accueil.
L’atteinte des objectifs d’accueil du jeune enfant, en quantité (en nombre de places) ainsi qu’en qualité, se doit d’être accompagnée d’une évolution dans le nombre de professionnels du secteur de la petite enfance. (Indicateur n°1-6-3)
Un développement de l’offre d’accueil favorable au maintien en emploi des femmes
Le développement de l’offre d’accueil des jeunes enfants contribue à favoriser le maintien en emploi des parents, et notamment des mères. Le taux d’emploi des femmes âgées de 20 à 64 ans atteint 71,2 % en 2022 contre 77 % pour les hommes. Il progresse par rapport à 2021 et a augmenté de 3 points pour les hommes et de 6,3 points pour les femmes, depuis 2010 (cf. graphique 5 et Indicateur n°2 10 1). Le taux d’emploi des Françaises est désormais supérieur à celui des Européennes : 71,2 % contre 69,3 %, en 2022. Des marges d’amélioration existent cependant, au regard de l’écart persistant entre les taux d’emploi des femmes et des hommes, ainsi qu’au vu de l’éloignement de l’emploi et la diminution de la propension des mères à occuper un emploi lorsque la taille de la famille s’accroît (cf. graphique 5, et Indicateur n°2 10 2). En effet, si le taux d’emploi des femmes avec un enfant de moins de 3 ans est de 73 % en 2022, seules 49 % des femmes avec 3 enfants (dont au moins un de moins de trois ans) sont en emploi. Toutefois, le taux d’emploi de ces femmes augmente aussi : en 2009, il était de 69 % pour les mères avec un enfant de moins de 3 ans et de 34 % pour celles avec 3 enfants (dont au moins un de moins de trois ans).
Graphique 5 ● Taux d’emploi des femmes et des hommes selon le nombre et l’âge des enfants en 2022
Source : INSEE, enquête Emploi 2022, traitement DREES.
Champ : France, population des ménages, personne de référence ou conjoint âgés de 20 à 64 ans (âge courant).
Le complément du libre choix d’activité (CLCA), qui donnait une allocation aux parents en congé parental, sous certaines conditions, pouvait rendre difficile le retour à l’emploi des femmes, qui en étaient dans les faits les principales bénéficiaires. Il a pour cette raison été remplacé par la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) depuis le 1er janvier 2015. Comme le CLCA, elle permet aux parents de jeunes enfants d’interrompre ou de réduire leur activité professionnelle en contrepartie d’une aide financière, mais la durée durant laquelle le parent réduit ou cesse son activité est plus courte et elle encourage un partage plus équitable entre parents. Depuis 2014, le nombre d’allocataires a diminué de 50 %. A fin juin 2022, près de 220 700 familles bénéficiaient de cette allocation pour l’ensemble des régimes de sécurité sociale
(Indicateur n°1-8-1).
Enfin, depuis le début des années 2010, la branche famille développe son action sur le champ du soutien à la parentalité. Ce soutien concerne tous les parents quels que soient leurs revenus et représente une dépense de 171 millions d’euros en 2023. Les services proposés visent à favoriser la qualité du lien parents-enfants, à apporter un appui aux parents par la création et le renforcement de relations sociales, à renforcer le lien entre les familles et l’école et à offrir les ressources dont l’enfant a besoin pour développer ses compétences. Ces services de soutien à la parentalité cherchent également à prévenir la rupture du lien familial et à favoriser l’élaboration d’accords dans l’intérêt de l’enfant en cas de séparation (Indicateur n°1-10-1).
Comparée aux autres secteurs de la sécurité sociale, la branche famille est en principe soumise à des conditions structurelles plus favorables à l’atteinte de son équilibre financier. En effet, à législation constante, la croissance des dépenses, gouvernée essentiellement par l’évolution du nombre d’enfants ouvrant droit aux prestations familiales, devrait être plus modérée que celle des recettes, qui suivent la progression de la richesse nationale.
Or, à partir de 2008-2009, la branche famille a subi comme les autres branches de la sécurité sociale les conséquences de la crise financière, qui s’est traduite par une diminution des recettes et une augmentation des prestations sous conditions de ressources servies, sous l’effet de la dégradation de l’activité économique et de l’emploi. La situation financière de la branche est ainsi restée durablement dégradée. En 2014 et 2015, les différentes mesures prises en matière de réforme des prestations familiales (modulation en fonction des ressources des allocations familiales et recentrage de certaines prestations vers les familles plus modestes), combinées à un apport important de recettes (rétrocession des gains liés à la réforme du quotient familial en 2014 estimés à 1 Md€), ont permis de diminuer significativement le déficit de la branche. La réduction du déficit s’est poursuivie depuis 2015, du fait notamment de la modération des dépenses. La branche a renoué avec les excédents à partir de 2018.
Avec la crise sanitaire, le solde de la branche s’est creusé à -1,8 Md€ en 2020. Après l’amélioration de 4,7 Md€ entre 2020 et 2021 due à la reprise d’activité, le solde de la branche famille a enregistré en 2022 un excédent de 1,9 Md€, moindre qu’en 2021 (2,9 Md€). Le contexte inflationniste qui a marqué l’année 2022 (5,3 % d’augmentation de la moyenne annuelle de l’indice des prix de consommation hors tabac) a été favorable aux recettes de la branche famille. La masse salariale a vu une hausse de 8,7 % qui s’est traduite par une hausse des recettes de la branche de 3,4 %, en progression moindre en lien avec les allègements de cotisations patronales, mais surtout par le transfert exceptionnel de 1 Md€ au profit de la branche maladie, au titre des indemnités journalières dérogatoires versées pendant la crise sanitaire aux parents contraints de suspendre leur activité professionnelle pour garder leurs enfants du fait de l’absence de service de garde. Dans le même temps, les dépenses de la branche famille ont progressé de 5,6 % en 2022, marquées par la revalorisation anticipée des prestations sociales de 4 % en juillet 2022 (après la revalorisation mécanique de 1,8 % d’avril 2022), et par la revalorisation de 50 % de l’ASF en novembre comme indiqué supra.
Les indemnités journalières liées au congé post-natal sont désormais prises en charge par la branche famille, en application de la loi de financement pour 2023. L’excédent de la branche s’élève à 1,0 Md€ en 2023 en baisse de 0,9 Md€ par rapport à 2022. Le solde devrait s’établir à 1,6 Md€ en 2027 selon les plus récentes projections de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Graphique 6 ● Solde financier de la branche
Source : CCSS 2024 pour comptes clos, et LFSS 2024 pour les prévisions
L’analyse des indicateurs du présent rapport témoigne d’une réussite de la politique familiale française et de l’atteinte d’un équilibre globalement satisfaisant entre les différents objectifs poursuivis.
Malgré la baisse des naissances à l’œuvre depuis 2015, la France reste le pays européen le plus fécond. Quatre résultats méritent une attention particulière :
- L’impact redistributif des prestations familiales est très important et contribue fortement à contenir la pauvreté chez les enfants;
- La participation élevée des femmes à l’activité économique est pour partie la résultante de l’effort important réalisé par la France en matière d’offre, de financement et de tarification des différents modes d’accueil des jeunes enfants. Pour que cette participation augmente, il conviendra de répondre mieux encore aux aspirations des Français en matière de proposition d’une offre d’accueil du jeune enfant substantielle, diverse et financièrement accessible, ainsi que le prévoit la feuille de route du Gouvernement par le biais du projet de création d’un service public de la petite enfance ;
- Toutefois des marges de progrès demeurent, dans la mesure où les familles moins aisées recourent moins que dans d’autres pays aux modes d’accueil formels, qui sont pourtant favorables au développement de l’enfant et donc à l’égalité des chances dès le plus jeune âge ;
- Des marges de progrès existent également au regard du recours encore bas, et quasi-exclusivement féminin, à la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) qui permet de réduire ou cesser son activité professionnelle à l’arrivée d’un nouvel enfant dans le foyer, problématique qui sera également traitée dans le cadre de la mise en place d’un véritable congé de naissance, plus court et mieux rémunéré