1.5. Prestations sociales et familiales versées par la Cnaf
Les montants de prestations versées (prestations familiales, minima sociaux, prime d’activité, allocations logement) diminuent fortement lorsque le niveau de vie augmente. En 2022, parmi les personnes résidant en France métropolitaine dans un ménage dont la personne de référence n’est pas étudiante et a moins de 60 ans, les 30 % ayant le niveau de vie le plus faible reçoivent 61 % des prestations versées. À l’inverse, les 30 % les plus aisées perçoivent 10 % de la masse totale. Ces différences s’expliquent par le caractère plus ou moins redistributif des allocations étudiées ici (cf. précisions méthodologiques).
Les allocations logement sont particulièrement concentrées dans le bas de l’échelle des niveaux de vie: 83 % de la masse d’allocations logement est perçue par les personnes dont le niveau de vie se situe en deçà du troisième décile. Les minima sociaux sont eux aussi concentrés sur le bas de la distribution des revenus : en y intégrant la prime d’activité, 70 % de leur masse est perçue par les personnes situées sous le troisième décile de niveau de vie.
À l’inverse, les prestations destinées à l’accueil du jeune enfant (Paje, incluant l’allocation de base, la prime à la naissance, la prestation partagée d’éducation de l’enfant – Prepare – et le complément de libre choix du mode de garde – CMG) ne participent pas, prises dans leur ensemble, à la réduction des inégalités de niveau de vie. Ainsi, les 50 % de personnes ayant le niveau de vie le plus élevé bénéficient de 53 % de l’ensemble de ces prestations. Certaines de ces prestations comme le CMG sont en effet versées sans condition de ressources. Visant à aider au paiement d’une assistante maternelle, le CMG est le plus souvent utilisé par des familles de niveau de vie médian ou supérieur, notamment parce qu’il peut laisser un reste à charge que les ménages à hauts revenus sont susceptibles de financer plus facilement[2]. Les données mobilisées dans la présente fiche sont avant entrée en vigueur de la réforme du CMG, prévue dans la LFSS 2023 et dont l’application est programmée à l’horizon 2025.
Les allocations familiales ont quant à elles un rôle légèrement redistributif. Celui-ci, moins marqué que pour les minima sociaux et les allocations logement, s’explique, par un effet de composition : les familles ayant le plus d’enfants ont, en effet, un niveau de vie plus faible en moyenne que les autres. De surcroit, l’effet de la modulation des allocations familiales (mise en place depuis 2015) se fait observer à travers une baisse plus importante des montants d’allocations familiales versées dans les deux déciles aux revenus les plus importants. En effet, en 2020, sur 4 932 foyers bénéficiaires, seuls 11 % ont été concernés par la modulation des montants d’allocations familiales versés (dont 255 foyers qui ont reçu le montant intermédiaire à 50 %, et 270 foyers qui ont reçu le montant minimum à 25 %).
Les autres prestations familiales (allocation de soutien familial, allocation d’éducation de l’enfant handicapé, complément familial, allocation de rentrée scolaire) et les bourses pour le lycée et le collège opèrent également des transferts de revenu des familles les plus aisées vers les plus modestes.
Il en va de même pour l’aide exceptionnelle de solidarité, versée aux ménages allocataires de certaines prestations et dont le montant varie selon le nombre d’enfants du ménage : 73 % des montants versés vont aux 30 % de personnes les plus modestes.
Selon leurs objectifs, les prestations sociales sont plus ou moins concentrées sur certains types de famille.
Ainsi les allocations familiales, dont le droit n’est ouvert qu’à partir de deux enfants à charge (sauf dans les DROM[3]), sont perçues en majorité par des familles nombreuses. Les couples avec trois enfants ou plus reçoivent 48 % des allocations familiales versées alors qu’ils ne représentent que 7 % de l’ensemble des ménages (hors ménages « complexes », cf. précisions méthodologiques). De même, les personnes seules avec deux enfants ou plus perçoivent 19 % des allocations familiales versées alors qu’elles ne constituent que 5 % des ménages.
Les prestations destinées à l’accueil du jeune enfant (Paje) bénéficient principalement aux couples : les couples avec enfant(s) touchent 90 % des masses versées alors qu’ils représentent 36 % des ménages et 77 % des ménages avec enfants. Les familles monoparentales ne reçoivent que 10 % de ces masses quand elles représentent 11 % des ménages et 24 % des ménages avec enfants. Cette surreprésentation des couples par rapport aux familles monoparentales découle de la présence du CMG, qui représente plus de la moitié des sommes versées au titre de la Paje ; le CMG est en effet perçu plutôt par des familles aisées, surreprésentées parmi les couples.
Au contraire, les autres prestations familiales bénéficient à hauteur de 48 % à des familles monoparentales. Cette surreprésentation s’explique en partie par la présence de l’allocation de soutien familial (ASF), destinée aux parents isolés ne percevant pas (ou peu) de pension alimentaire. Mais elle reflète aussi le fait que plusieurs de ces prestations, telles le complément familial ou l’allocation de rentrée scolaire, sont soumises à condition de ressources.
Les minima sociaux sont versés majoritairement aux familles monoparentales et aux personnes seules sans enfant, plus fragiles économiquement. Ces catégories de ménages perçoivent ainsi 62 % des minima et de la prime d’activité alors qu’ils représentent 47 % des ménages. Les couples sont relativement moins concernés : avec deux enfants à charge, ils ne perçoivent que 10 % des montants versés alors qu’ils représentent 16 % des ménages.
De la même manière, les familles monoparentales sont surreprésentées parmi les bénéficiaires d’allocations logement (AL) et de l’aide exceptionnelle de solidarité (elles bénéficient de 32 % des AL versées et de 28 % de ceux attribués dans le cadre de l’aide exceptionnelle de solidarité) tandis que les couples, sans ou avec un ou deux enfants, sont sous-représentés.
Les prestations versées remplissent donc un double objectif de soutien financier aux familles avec enfant(s) et d’aide aux ménages les plus fragiles économiquement.
[1] Entendues ici dans un sens large incluant les bourses et les prestations d’aide à la garde (hors subventions aux crèches).
[2] Les familles recourant à une crèche collective, plus souvent modestes ou avec des revenus moyens, ne bénéficient pas du CMG mais s’acquittent d’un tarif diminué de l’aide directe versée par la branche famille à ces structures. Les masses en jeu sont toutefois bien moins importantes que pour le CMG.
[3] Dans les départements d’outre-mer, les allocations familiales sont versées dès le 1er enfant.
Graphique 1 ● Masse des prestations versées en 2022, par décile de niveau de vie
Source : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2020 (actualisée 2022) ; modèle Ines 2022, calculs Drees.
Champ : ménages vivant en logement ordinaire en France métropolitaine, dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante et a moins de 60 ans. Pour la définition des différents concepts, se référer aux précisions méthodologiques.
Lecture : en 2022, parmi les ménages dont la personne de référence n'est pas étudiante et a moins de 60 ans, les 10 % de personnes dont le niveau de vie après transferts est le plus faible (1er décile) perçoivent 2,0 Md€ au titre des allocations familiales, 0,8 Md€ au titre des prestations familiales dédiées à la garde d’enfant, 1,8 Md€ au titre des autres prestations familiales, 7,2 Md€ au titre des minima sociaux et de la prime d’activité, 4,8 Md€ au titre des allocations logements et 0,2 Md€ au titre de l'aide exceptionnelle de solidarité. Au total, elles perçoivent 16,8 Md€ de prestations (cf. infra pour la liste des prestations incluses dans l’analyse).
Graphique 2 ● Répartition par configuration familiale des masses de prestations versées en 2022, selon la prestation
Source : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2020 (actualisée 2022) ; modèle Ines 2022, calculs Drees.
Champ : ménages vivant en logement ordinaire en France métropolitaine, dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante et a moins de 60 ans, hors ménages "complexes" (cf. précisions méthodologiques).
Lecture : en 2022, 33 % des allocations familiales sont versées à des couples avec 2 enfants, 48 % à des couples avec 3 enfants ou plus et 19 % à des personnes seules avec 2 enfants ou plus, alors que ces dernières représentent 5 % des ménages sur le champ défini ci-dessus
Champ des prestations :
Les prestations intégrées dans la présente analyse comprennent la majeure partie des prestations familiales, des minima sociaux et des aides au logement ainsi que la prime d’activité.
Au sein des prestations familiales, on distingue :
- Les allocations familiales – AF,
- La prestation d’accueil du jeune enfant – Paje (incluant l’allocation de base, la prime à la naissance, la prestation partagée d’éducation de l’enfant – PreParE – ainsi que le complément de libre choix du mode de garde – CMG),
- Les autres prestations : l’allocation de soutien familial – ASF, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé – AEEH, le complément familial – CF, l’allocation de rentrée scolaire – ARS, ainsi que les bourses de l’enseignement du second degré.
Les minima sociaux (le revenu de solidarité active – RSA – ainsi que la prime de Noël, la garantie Jeunes, l’allocation aux adultes handicapés – AAH – et ses compléments), la prime d’activité et les aides au logement ne sont pas uniquement destinés aux ménages avec enfants mais comportent souvent, dans leurs barèmes, une forte dimension familiale.
L’aide exceptionnelle de solidarité (ou prime exceptionnelle de rentrée) a été versée en septembre 2022 aux ménages allocataires des minima sociaux et des aides au logement, ainsi que, pour un moindre montant, aux bénéficiaires de la prime d’activité. Cette aide équivaut à 100 € par foyer, auxquels sont ajoutés 50 € pour chaque enfant à charge.
Certaines prestations familiales et certains minima sociaux ne sont pas pris en compte ici. Cela concerne notamment l’allocation journalière de présence parentale – AJPP, la prime de déménagement, ainsi que certains minima sociaux : l’allocation de solidarité spécifique – ASS, l’allocation temporaire d’attente – ATA – et l’allocation veuvage – AV. La subvention aux crèches n’est pas non plus intégrée à l’analyse.
Le modèle de micro-simulation Ines
Les transferts monétaires dont peuvent bénéficier les ménages ont été estimés à l’aide du modèle de microsimulation Ines, géré conjointement par la Drees, l’Insee et la Cnaf. Ils résultent de calculs réalisés par la Drees à partir du modèle Ines 2022. Les barèmes de la législation 2022 ont été appliqués à une population représentative, à cette date, des ménages résidant en logement ordinaire (c'est-à-dire ne vivant ni en habitation mobile ni en collectivité) en France métropolitaine. Le modèle Ines est adossé aux enquêtes de l’Insee sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS), qui apparient les caractéristiques sociodémographiques des ménages de l’enquête emploi aux fichiers administratifs de déclarations fiscales et sociales issus de la DGFiP, la Cnaf, la Cnav et la CCMSA. Il s’agit ici de l’ERFS 2020 actualisée pour l’année 2022, en tenant compte des évolutions démographiques et de l’évolution des revenus entre 2020 et 2022.
L’analyse par décile de niveau de vie porte sur les ménages dont la personne de référence n’est pas étudiante et est âgée de moins de 60 ans. Pour l’analyse par configuration familiale, le champ est restreint aux ménages non « complexes », i.e. aux ménages composés d’un adulte ou d’un couple d’adultes, sans enfant ou avec enfant âgé de 20 ans au plus.
Le niveau de vie est le ratio entre le revenu disponible du ménage et le nombre d’unités de consommation (UC) le composant. Les unités de consommation sont calculées selon l'échelle d'équivalence dite de l’OCDE modifiée qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC à toutes les autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans. Le niveau de vie est le même pour tous les individus d’un même ménage. Il permet de tenir compte de la taille et de la composition des ménages. Pour le calcul des déciles, les individus sont classés du niveau de vie le plus faible au plus élevé, puis scindés en 10 groupes de même taille, des 10 % les plus modestes aux 10 % les plus aisés. Dans cette fiche cette répartition s’opère uniquement au sein des ménages dont la personne de référence a moins de 60 ans. Le revenu disponible utilisé pour le calcul des déciles inclut l’ensemble des ressources du ménage (revenus d’activité nets des cotisations sociales, indemnités de chômage, retraites et pensions, prestations monétaires perçues), après impôt sur le revenu et prélèvements sociaux. Il n’inclut cependant pas le CMG, considéré comme une prestation en nature, ni les bourses du second degré.
Organisme responsable de la production de l’indicateur : DREES