1.3. Prestations sociales et familiales versées par la Cnaf
Les montants de prestations versés (prestations familiales, minima sociaux, prime d’activité et allocations logement) diminuent fortement avec le niveau de vie. En 2020, parmi les personnes résidant en France métropolitaine dans un ménage dont la personne de référence n’est pas étudiante et a moins de 60 ans, les 30 % ayant le niveau de vie le plus faible reçoivent 58 % des prestations versées. À l’inverse, les 30 % les plus aisées perçoivent 13 % de la masse totale. Ces différences s’expliquent par le caractère plus ou moins redistributif des allocations étudiées ici (cf. précisions méthodologiques).
Les allocations logement sont particulièrement concentrées dans le bas de l’échelle des revenus : 82 % de la masse d’allocations logement est perçue par les personnes dont le niveau de vie se situe en deçà du troisième décile. La forte dégressivité de leur barème entraîne une décroissance rapide de l’aide au fur et à mesure que le revenu augmente. Les minima sociaux sont eux aussi concentrés sur le bas de la distribution des revenus : en y intégrant la prime d’activité, 69 % de leur masse est perçue par les personnes situées sous le troisième décile de niveau de vie.
À l’inverse, les prestations destinées à l’accueil des jeunes enfants (allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, prestation partagée d’éducation de l’enfant, complément de libre choix du mode de garde, subventions aux crèches) ne participent pas, prises dans leur ensemble, à la réduction des inégalités de niveau de vie. En effet, les 50 % de personnes ayant le niveau de vie le plus élevé bénéficient de 65 % de l’ensemble de ces prestations. Cela est dû au fait qu’elles ne sont la plupart du temps pas soumises à des conditions de ressources. De plus, les aides à l’accueil des jeunes enfants laissent parfois un « reste à charge » que les ménages à hauts revenus peuvent financer plus facilement.
Les allocations familiales, modulées en fonction des ressources des familles depuis 2015, ont quant à elles un rôle redistributif. Celui-ci, moins marqué que pour les minima sociaux et les allocations logement, s’explique, en plus de la modulation, par un effet de composition : les familles ayant le plus d’enfants ont en effet un niveau de vie plus faible en moyenne que les autres.
Enfin, les autres prestations familiales (allocation de soutien familial, allocation d’éducation de l’enfant handicapé, complément familial, allocation de rentrée scolaire) et les bourses pour le lycée et le collège opèrent également des transferts de revenu des familles les plus aisées vers les plus modestes.
Selon leurs objectifs, les prestations sociales sont plus ou moins concentrées sur certains types de famille.
Ainsi les allocations familiales, dont le droit n’est ouvert qu’à partir de deux enfants à charge (sauf dans les DOM), sont perçues en majorité par des familles nombreuses. Les couples avec trois enfants ou plus reçoivent 47 % des allocations versées alors qu’ils ne représentent que 8 % des ménages (hors ménages « complexes », cf. précisions méthodologiques). De même, les personnes seules avec deux enfants ou plus perçoivent 20 % des allocations familiales versées alors qu’elles ne constituent que 6 % des ménages.
Les prestations familiales destinées à l’accueil des jeunes enfants bénéficient principalement aux couples avec enfant(s) : ceux-ci touchent 90 % des masses versées alors qu’ils représentent 38 % des ménages et 76 % des ménages avec enfants. Les familles monoparentales ne reçoivent que 10 % de ces masses quand elles représentent 12 % des ménages et 24 % des ménages avec enfants. Cette surreprésentation des couples par rapport aux familles monoparentales est due à un effet de composition. Le complément de libre choix du mode de garde (CMG), qui représente plus de la moitié de la dépense des prestations familiales destinées à l’accueil des jeunes enfants, est en effet perçu plutôt par des familles aisées, et celles-ci sont surreprésentées parmi les couples. Les familles recourant à une crèche, plus souvent modestes ou avec des revenus moyens, ne bénéficient pas du CMG mais acquittent un tarif diminué de l’aide directe versée par la branche famille à ces structures.
Au contraire, les autres prestations familiales bénéficient à hauteur de 51 % à des familles monoparentales. Cette surreprésentation s’explique en partie par la présence de l’allocation de soutien familial (ASF), destinée aux parents isolés ne percevant pas (ou peu) de pension alimentaire. Mais cela reflète aussi un effet de composition, plusieurs de ces prestations telles que le complément familial ou l’allocation de rentrée scolaire étant soumises à conditions de ressources.
Les minima sociaux sont versés majoritairement aux familles monoparentales et aux personnes seules sans enfant, plus fragiles économiquement. Ces catégories de ménages perçoivent ainsi 61 % des minima et de la prime d’activité alors qu’ils représentent 45 % des ménages. Les couples sont relativement moins concernés ; ainsi avec deux enfants à charge ils ne perçoivent que 10 % des montants versés alors qu’ils représentent 17 % des ménages.
De la même manière, les familles monoparentales sont surreprésentées parmi les bénéficiaires d’allocations logement (AL) (33 % des AL leur sont versées) tandis que les couples, avec ou sans enfant, sont sous-représentés.
Enfin, les aides exceptionnelles versées au printemps et à l’automne 2020 pour pallier les baisses de revenu des ménages modestes ont bénéficié en premier lieu aux familles nombreuses, une partie de ces aides étant attribuée en fonction du nombre d’enfants (cf. précisions méthodologiques).
Les prestations versées remplissent donc un double objectif de soutien financier aux familles avec enfant(s) et d’aide aux ménages les plus fragiles économiquement.
Graphique 1 ● Masse des prestations versées en 2020, par décile de niveau de vie
Source : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2018 (actualisée 2020) ; modèle Ines 2020 provisoire, calculs Drees.
Champ : ménages ordinaires vivant en France métropolitaine dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante et a moins de 60 ans. Pour la définition des différents concepts, se référer aux précisions méthodologiques.
Lecture : en 2020, parmi les ménages dont la personne de référence n'est pas étudiante et a moins de 60 ans, les 10 % de personnes dont le niveau de vie après transferts est le plus faible (sous le 1er décile) perçoivent 1,7 Md€ au titre des allocations familiales, 0,7 Md€ au titre des prestations familiales dédiées à la garde d’enfant, 1,5 Md€ au titre des autres prestations familiales, 6,8 Md€ au titre des minima sociaux et de la prime d’activité, 4,5 Md€ au titre des allocations logements et 0,7 Md€ au titre des aides exceptionnelles. Au total, elles perçoivent 16,0 Md€ de prestations (cf. infra pour la liste des prestations incluses dans l’analyse).
Graphique 2 ● Répartition par configuration familiale des masses de prestations versées en 2020, selon la prestation
Source : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2018 (actualisée 2020) ; modèle Ines 2020 provisoire, calculs Drees.
Champ : ménages ordinaires vivant en France métropolitaine dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante et a moins de 60 ans, hors ménages "complexes" (cf. précisions méthodologiques).
Lecture : en 2020, 33 % des allocations familiales sont versées à des couples avec 2 enfants, 47 % à des couples avec 3 enfants ou plus et 20 % à des personnes seules avec 2 enfants ou plus, alors que ces dernières représentent 6 % des ménages sur le champ défini ci-dessus.
Champ des prestations :
Les prestations intégrées dans la présente analyse comprennent la majeure partie des prestations familiales, des minima sociaux et des aides au logement ainsi que la prime d’activité.
Au sein des prestations familiales, on distingue les allocations familiales – AF –, des prestations destinées à la garde d’enfant (la prestation d’accueil du jeune enfant – Paje –, incluant l’allocation de base, la prime à la naissance ou à l’adoption, la prestation partagée d’éducation de l’enfant – PreParE – ainsi que le complément de libre choix du mode de garde – CMG –, et la subvention aux crèches) et des autres prestations (l’allocation de soutien familial – ASF–, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé – AEEH –, le complément familial – CF –, l’allocation de rentrée scolaire – ARS). Au sein de la Paje, la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE) concerne les enfants nés ou adoptés à partir du 1er janvier 2015 ; elle remplace le complément de libre choix d’activité (CLCA). Sont également prises en compte les bourses de l’enseignement du second degré.
Les minima sociaux (le revenu de solidarité active – RSA – ainsi que la prime de Noël, la garantie Jeunes, l’allocation aux adultes handicapés – AAH – et ses compléments, la prime d’activité et les aides au logement ne sont pas uniquement destinés aux ménages avec enfants mais comportent souvent, dans leurs barèmes, une forte dimension familiale.
Les aides exceptionnelles versées en 2020 afin d’atténuer la baisse du revenu des ménages modestes sont également prises en compte dans cette analyse. Il s’agit des compléments de 150 € versés en juin et en novembre 2020 aux foyers bénéficiaires du RSA ou de l’ASS, des aides de 100 € par enfant versées en mai et en novembre aux foyers bénéficiaires du RSA, de l’ASS ou des aides au logement, des montants de 200 € et 150 € versés respectivement en juin et en novembre 2020 aux jeunes de moins de 25 ans non-étudiants et bénéficiaires des aides au logement, ainsi que du supplément d’ARS de 100 € par enfant.
Certaines prestations familiales et certains minima sociaux ne sont pas pris en compte ici. Cela concerne notamment l’allocation journalière de présence parentale – AJPP –, la prime de déménagement ainsi que certains minima sociaux : l’allocation de solidarité spécifique – ASS, l’allocation temporaire d’attente – ATA – et l’allocation veuvage – AV.
Le modèle de simulation Ines :
Les transferts monétaires dont peuvent bénéficier les ménages ont été estimés à l’aide du modèle de microsimulation Ines, géré conjointement par la Drees, l’Insee et la Cnaf. Elles résultent de calculs réalisés par la Drees sur une version provisoire du modèle Ines 2020. Les barèmes de la législation 2020 ont été appliqués à une population représentative, à cette date, des ménages ordinaires (c'est-à-dire ne vivant ni en habitation mobile ni en collectivité) en France métropolitaine. Le modèle Ines est adossé à l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) réalisée par l’Insee, la DGFiP, la Cnaf, la Cnav et la MSA, qui apparient les caractéristiques sociodémographiques des ménages de l’enquête emploi aux fichiers administratifs de déclarations fiscales et sociales. Il s’agit ici de l’ERFS 2018 actualisée pour l’année 2020, c'est-à-dire prenant en compte l’évolution démographique ainsi que l’évolution des revenus des ménages entre 2018 et 2020.
Le millésime 2020 du modèle Ines intègre les conséquences de la crise sanitaire et du chômage partiel sur les revenus d’activité.
L’analyse par décile de niveau de vie porte sur les ménages ordinaires dont la personne de référence n’est pas étudiante et est âgée de moins de 60 ans. Pour l’analyse par configuration familiale, le champ est restreint aux ménages non « complexes », i.e. aux ménages composés d’un adulte ou d’un couple d’adultes, avec ou sans enfant, sans enfant âgé de 21 ans ou plus.
Organisme responsable de la production de l’indicateur : DREES