La branche Accidents du travail – Maladies professionnelles (AT-MP) indemnise et prend en charge les soins des victimes d’accidents du travail, d’accidents de trajet et de maladies professionnelles. La branche AT-MP est financée en intégralité par les cotisations des entreprises, dont le taux dépend de leur taille et de leur sinistralité. Les cotisations n’ont pas seulement pour but d’assurer le financement des prestations versées par la branche, elles jouent un rôle de politique de santé au travail : leur mode de calcul constitue un levier d’incitation à la réduction des risques professionnels, la cotisation étant modulée en fonction du nombre et du coût des sinistres.
Les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale présentent tous les ans les grands objectifs poursuivis par ces politiques. Ils permettent d’identifier les réussites mais également les marges de progrès ou les difficultés rencontrées. Le rapport AT-MP distingue trois objectifs principaux :
1/ réduire la fréquence et la gravité des AT-MP grâce à la prévention ;
2/ améliorer la reconnaissance des AT-MP et l’équité de la réparation ;
3/ garantir la viabilité financière de la branche.
11,7 Md€ de prestations versées par la branche en 2022
En cas d’accidents ou de maladies liés à l’activité professionnelle, les victimes peuvent bénéficier d’une prise en charge des soins à hauteur de 100 % des tarifs de la sécurité sociale, sans ticket modérateur (cf. indicateur n°1-2-2). En cas d’arrêt de travail, des indemnités journalières sont versées pour compenser la perte de revenus ; elles sont plus favorables à l’assuré que celles de la branche maladie. Lorsque l’incapacité est définitive, la victime a droit à un capital ou à une rente d’incapacité permanente.
La branche AT-MP représente une part limitée de l’ensemble des dépenses des régimes de base de sécurité sociale : 11,7 Md€ en 2022, soit moins de 2 % de l’ensemble des dépenses consolidées de ces régimes (indicateur n°1-3). Ces dépenses progressent par ailleurs moins rapidement que la moyenne des dépenses sociales, en raison de la tendance de long terme à la diminution des accidents du travail, en particulier lorsque leur nombre est rapporté à la population salariée, diminution liée aux progrès de la prévention et à la réduction du poids dans l’économie des emplois comportant les plus forts risques.
En 2020, la diminution de l’activité économique due à la crise sanitaire s’est traduite par une baisse des cotisations perçues par la branche mais également par une réduction significative des accidents du travail reconnus. L’impact financier de la diminution de la sinistralité n’a toutefois pas compensé la diminution de cotisations perçues conduisant à un déficit de 0,1 Md€. En 2021, la reprise de l’activité a permis un retour à l’équilibre, avec un solde qui s’est établi à +1,3 Md€. Le solde s’est à nouveau amélioré en 2022, à +1,7 Md€.
La branche AT-MP couvre 19,5 millions de salarié du secteur privé en 2021 (indicateur n°1-1). Cette même année, 741 000 sinistres ont donné lieu à un arrêt de travail, dont 605 000 accidents du travail, 89 000 accidents de trajet et 47 000 maladies professionnelles (indicateur n°1-7). Un certain nombre de secteurs disposent d’une organisation spéciale de sécurité sociale en matière d’AT-MP. Les exploitants agricoles et les salariés agricoles sont couverts par la Mutualité sociale agricole et les personnels titulaires relevant des fonctions publiques (fonction publique de l'Etat, fonction publique territoriale, fonction publique hospitalière) sont couverts par leur employeur. Enfin, les travailleurs indépendants (commerçants, artisans, professions libérales, etc.) sont couverts pour leurs risques professionnels s’ils souscrivent une assurance volontaire individuelle auprès de la sécurité sociale. A défaut, ils sont pris en charge par l’assurance maladie selon les dispositions de droit commun.
Graphique 1 ● Prestations versées par la branche AT-MP en 2022
Source : CNAM
La réforme de la tarification des accidents du travail, montée en charge entre 2010 et 2014, a donné une plus large place à l’individualisation des cotisations, tout en opérant une simplification du dispositif. Ainsi, les établissements dont l’effectif est compris entre 20 et 149 salariés, dans lesquels la sinistralité est en moyenne plus élevée, ont vu s’accroître le poids de leur sinistralité propre dans le calcul de leurs cotisations – la tarification étant par ailleurs entièrement individualisée dès 150 salariés (contre 200 précédemment). La prise en compte de l’historique individuel de la sinistralité de chaque entreprise et des investissements qu’elle réalise dans l’amélioration de la sécurité des travailleurs constitue un encouragement à la réduction des risques professionnels, tout en apportant à la branche les ressources nécessaires à son équilibre financier.
Dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue avec l’État pour la période 2018-2022, la branche AT-MP s’est engagée à renforcer son action en matière de prévention primaire (en amont de la survenance de l’accident ou de la maladie). Des programmes nationaux ciblés sur trois risques jugés prioritaires : troubles musculo-squelettiques, risques chimiques et chutes ont été mis en œuvre et le budget des incitations financières individuelles à la prévention pour les entreprises de moins de 200 salariés a augmenté (subventions prévention TPE pour les entreprises de moins de 50 salariés et contrats de prévention pour les entreprises de moins de 200 salariés). Les aides financières ont été portées de 50 M€ par an sur la période de la précédente COG à 85 M€ par an à compter de 2018 puis à 100 M€ par an à compter de 2020. Dans le cadre de la crise sanitaire, la branche AT-MP a créé une nouvelle subvention prévention TPE, qu’elle a déployée entre mai et décembre 2020, destinée à accompagner les très petites entreprises dans la mise en place de dispositifs barrière collectifs visant à limiter les contaminations. Une enveloppe de 50 M€, au sein du budget global des incitations financières à la prévention, a été dédiée à cette subvention. Par ailleurs, pour prendre en compte l’impact du contexte sanitaire sur les entreprises, les conditions d’application des ristournes AT-MP, qui visent à diminuer les taux de cotisation en fonction des actions de prévention engagées, ont été aménagées pour permettre aux entreprises qui n’auraient pas versé leurs cotisations sociales du fait de reports accordés pendant la période d’urgence sanitaire d’en bénéficier. De plus, la durée de validité des conventions nationales d’objectifs a été prolongée, afin d’éviter toute rupture dans la conception de contrats de prévention.
La loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, transposant l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020, renforce l’approche préventive de la santé au travail et développe les missions de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP) de l’Assurance maladie (branches maladie et AT-MP) et des services de prévention et de santé au travail (SPST), qui visent à repérer le plus en amont possible le risque de désinsertion professionnelle et à mettre en place un accompagnement adapté afin de limiter les conséquences de l’usure professionnelle. La loi du 2 août 2021 renforce ainsi la PDP en créant des dispositifs tels que la visite de mi-carrière et le rendez-vous de liaison et en sécurisant et améliorant des dispositifs déjà existants tels que l’essai encadré ou la convention de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE).
La loi n° 2019-1446 de financement de la sécurité sociale pour 2020 a par ailleurs simplifié les modalités de reconnaissance des pathologies liées à une exposition professionnelle aux pesticides, via la création du Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides. Ce dernier permet à la fois d’élargir le périmètre des personnes couvertes, notamment aux enfants exposés durant la période prénatale du fait de l’activité professionnelle de leurs parents, de centraliser et d’homogénéiser l’instruction des demandes et, pour les non-salariés agricoles, d’améliorer le niveau de réparation. Ce dispositif, désormais pleinement opérationnel, fait l’objet d’un taux de recours important : le nombre de demandes de reconnaissance de maladies professionnelles liées aux pesticides, estimé autour de 70 par an avant la création du fonds, a atteint 380 entre le 1er janvier 2020 et le 22 juin 2021.
Afin de faciliter la reconnaissance de la Covid-19 comme maladie professionnelle, le décret du 14 septembre 2020 a créé un tableau (permettant aux personnes en remplissant les conditions de bénéficier d’une présomption d’imputabilité de leur pathologie au travail) dédié aux affections respiratoires graves liées à la Covid-19. Il aménage également la voie complémentaire de reconnaissance pour les personnes ne remplissant pas les conditions du tableau, afin d’homogénéiser et de rendre plus rapide le traitement de leurs demandes auprès d’un comité de reconnaissance des maladies professionnelles unique, spécifique à la Covid-19.
Le décret du 16 mars 2022 relatif à la composition et au fonctionnement des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles doit permettre de fluidifier le fonctionnement des CRRMP, en élargissant la composition de ces instances aux médecins du travail et en limitant les situations dans lesquelles ce comité ne peut se réunir, du fait de l’indisponibilité du médecin inspecteur du travail.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a revu le montant des transferts en faveur de la branche maladie à la hausse après l’augmentation prévue par la LFSS 2022. Ainsi, le montant du transfert est passé de 1,0 Md€ en 2021 à 1,1 Md€ en 2022, puis s’établit à 1,2 Md€ en 2023. Cette hausse suit la nouvelle estimation de la commission chargée d’évaluer le coût réel de la sous-déclaration, dont les travaux ont retenu un intervalle compris entre 1,2 Md€ et 2,1 Md€.
La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (LFRSS 2023) a mis en place plusieurs mesures visant à prévenir et à réparer l’usure professionnelle. Plusieurs d’entre elles ont porté sur le compte professionnel de prévention (C2P) financé par la branche AT-MP, améliorant les droits acquis au titre du dispositif. Ainsi, les salariés poly-exposés pourront désormais acquérir plus de points sur leur C2P, le nombre de points acquis augmentant proportionnellement au nombre de facteurs auxquels le salarié est simultanément exposé (auparavant 8 points maximum par année d’exposition lorsque le salarié était exposé simultanément à au moins 2 facteurs de risques). Le total de points cumulables sur toute une carrière a également été déplafonné (100 points auparavant) pour pouvoir renforcer l’utilisation du dispositif tout au long de la carrière. Les seuils associés aux facteurs de risques travail de nuit et équipes successives alternantes ouvrant droit au C2P baisseront de 120 nuits à 100 nuits et de 50 à 30 nuits respectivement. En outre, l’utilisation du C2P pour la formation ou le temps partiel sera favorisée par une augmentation de la valeur du point pour ces deux utilisations : un point donnera droit à un financement de 500€ de formation au lieu de 375€ et 10 points permettront d’accéder à l’équivalent d’un mi-temps pendant 4 mois. Enfin, un nouvel usage, le congé de reconversion professionnelle, est créé et permettra aux bénéficiaires du C2P de financer des projets de reconversion.
Les bénéficiaires d'une rente AT-MP pour un taux d'incapacité permanente au moins égal à 20 % pourront partir à la retraite à partir de 60 ans à taux plein. Pour les victimes d'un AT-MP justifiant d’un taux d'incapacité permanente compris entre 10 et 19 %, le départ pourra être anticipé, sous certaines conditions, de deux années avant l’âge d’ouverture des droits et l'accès au dispositif sera assoupli pour les IP consécutives à un accident du travail, la condition de l’identité des lésions avec celles indemnisées au titre de la maladie professionnelle étant supprimée pour les taux d’IP compris entre 10 % et 19 %.
Enfin, la réforme a créé, auprès de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) financé par la branche AT-MP. Le FIPU vise à participer au financement des actions de prévention, de sensibilisation, de formation, de reconversion au bénéfice des salariés particulièrement exposés aux facteurs de pénibilité ergonomiques (ports de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques). Il est doté d’un milliard d’euros d’ici 2027.
La suite de cette synthèse revient sur les résultats obtenus au regard des trois grands objectifs retenus dans ce rapport en matière de prévention et de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, et de viabilité de la branche.
La réduction de la fréquence et de la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles constitue un objectif prioritaire de la branche AT-MP. La fréquence des accidents du travail ayant entraîné un arrêt diminue progressivement sur longue période, pour atteindre 30,1 pour 1 000 salariés en 2021 (contre 42,8 en 2001, cf. graphique 2 et indicateur n°2-2-1). La crise sanitaire s’est traduite par une forte diminution de l’activité et, en conséquence, du nombre de sinistres. Tendance qui semble toutefois perdurer malgré la reprise de l’activité à partir de 2021.
La fréquence des accidents de trajet avec arrêt diminue en 2021 : 4,4 pour 1 000 salariés. Parallèlement, la fréquence des maladies professionnelles avec arrêt est en légère diminution depuis 2013 (2,4 pour 1 000 salariés en 2021), mais reste à un niveau près de deux fois supérieur à celui de 2001, du fait d’une augmentation tendancielle du nombre de reconnaissances entre 2004 et 2011 (en lien avec la modification de certains tableaux de maladies professionnelles), puis d’une baisse sur la période plus récente. La baisse est toutefois contrastée entre les pathologies, les reconnaissances de troubles musculo- squelettiques par exemple ayant augmenté entre 2017 et 2021 (indicateur n°2-2-1).
Graphique 2 ● Indice de fréquence des accidents du travail et des maladies professionnelles
Source : Cnam - statistiques nationales AT-MP, SNTRP
Le secteur de l’hébergement médico-social et social, et de l’action sociale sans hébergement, est le plus accidentogène avec 63,5 sinistres pour 1 000 salariés en 2021 (+13 % par rapport à 2012). Il est suivi par les secteurs transport et entreposage (54 sinistres pour 1 000 salariés en 2021) et de la construction (50,5 pour 1 000) pour lesquels le nombre de sinistres tend toutefois à diminuer : respectivement -12 % et -24 % depuis 2012 (indicateur n°2-2-2).
Les résultats sont plus contrastés en matière de gravité des accidents. Le nombre de journées de travail perdues en raison d’un accident du travail a progressé de 10 % entre 2001 et 2021 (cf. graphique 3 et indicateur n°2-3- 1). Cette progression reflète en partie une meilleure reconnaissance par les médecins prescripteurs des dommages subis par les salariés. Par ailleurs, le taux moyen d’incapacité partielle permanente des accidents du travail est stable depuis 2011 (10,4 % en 2019, indicateur n°2-2-2), mais à un niveau supérieur à celui du milieu des années 2000. Les taux moyens d’incapacité permanente des maladies professionnelles et des accidents de trajet sont en hausse en 2020 avec un taux de 15 % pour les MP et de 14 % pour les accidents de trajet. Le taux d’incapacité des accidents de travail est stable à 11 %.
Graphique 3 ● Indices de gravité des AT-MP
Source : Cnam - statistiques nationales AT-MP, SNTRP
Ces résultats en termes de fréquence et de gravité des AT-MP justifient la poursuite et le renforcement des politiques publiques destinées à réduire les risques pour la santé en milieu professionnel.
Lorsqu'un salarié est exposé à des facteurs de risques professionnels au-delà de certains seuils, fixés par voie réglementaire, l'employeur doit déclarer, via la déclaration sociale nominative, l’exposition de son salarié. Le salarié bénéficie alors d'un compte professionnel de prévention (C2P) sur lequel il peut accumuler des points, qui lui permettent de suivre une formation pour accéder à des postes moins ou pas exposés à des facteurs de risques, voire désormais d’un parcours de reconversion avec la réforme de 2023, de bénéficier d'un temps partiel sans perte de salaire ou de partir plus tôt à la retraite en validant des trimestres de majoration de durée d'assurance vieillesse. Le compte professionnel de prévention, qui remplace le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) institué par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites et mis en place en 2015, a été recentré en 2017 sur les six facteurs de risque les plus facilement évaluables par les employeurs (travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, bruit, températures extrêmes, milieu hyperbare et travail répétitif). La gestion du dispositif est désormais assurée par la Cnam et le financement est pris en charge par la branche AT-MP. Ce dispositif rénové est entré pleinement en vigueur le 1er janvier 2018 ; à fin 2021, au total, depuis 2015, un peu plus de 1,9 million de salariés ont été déclarés exposés au moins une fois à un facteur de risque professionnel et ont pu ainsi bénéficier d’un C2P (indicateur n°1-11).
Les contrats de prévention, visant les entreprises de moins de 200 salariés couvertes par une convention nationale d’objectifs (CNO), transposent et mettent en œuvre au niveau local les objectifs généraux fixés à la branche professionnelle dans la CNO et permettent ainsi de définir précisément les objectifs sur lesquels l'entreprise s'engage et les aides, en particulier financières, que la CARSAT peut lui apporter pour améliorer les conditions de santé et de sécurité au travail. Les subventions prévention TPE (SPTPE, anciennement appelées aides financières simplifiées, AFS), destinées aux entreprises de moins de 50 salariés, subventionnent sous condition l’acquisition de certains équipements ou la réalisation de formations. 8 037 subventions Prévention TPE ont été accordées en 2021 pour un montant octroyé de 69,9 M€ (contre 57,3 M€ en 2020, indicateur n°2-1-2).
La tarification constitue un levier fort d’incitation à la prévention. Aussi, la part variable de la cotisation AT-MP a augmenté régulièrement depuis 2010 passant de 55 % à 74 % en 2020 (indicateur n°21-4).
Outre les dépenses relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles qui peuvent être rattachées à une entreprise, la branche AT-MP supporte un ensemble de dépenses qui sont mutualisées entre les entreprises, notamment quand elles ne sont pas liées à la sinistralité des entreprises ou des branches d’activité: les accidents de trajet, les frais de gestion, les compensations inter-régimes, la contribution au titre de la sous-déclaration des accidents et des maladies professionnelles et les dépenses inscrites au compte spécial ainsi que les dotations aux fonds finançant les coûts liés à l’exposition à l’amiante.
L’amélioration de la reconnaissance des maladies professionnelles et de l’équité de leur réparation constitue également un enjeu d’importance de la politique de prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles.
En 2021, 11 700 maladies ont fait l’objet d’une reconnaissance par la voie complémentaire (cf. graphique 4) à travers les dispositions de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale. La procédure standard de reconnaissance des maladies professionnelles repose sur des tableaux fixant les conditions pour bénéficier d’une indemnisation au titre des différentes affections liées au milieu professionnel. L’article en question encadre les procédures qui prennent en compte des pathologies qui ne bénéficient pas de la présomption d’’imputabilité à l’exercice d’une activité professionnelle. L’augmentation du nombre de reconnaissances en 2020 et 2021 est en partie expliquée par l’augmentation du nombre d’affections psychiques reconnues et de la reconnaissance, sous certaines conditions, de la Covid-19 comme maladie professionnelle. En particulier, les dispositions de l’alinéa 7 de cet article qui encadre la reconnaissance des maladies causées par le travail et entraînant le décès ou l’incapacité permanente à plus de 25 %, ont permis de reconnaître au total un peu plus de 2 265 maladies en 2021 (essentiellement des affections psychiques), soit environ 5 % de l’ensemble des maladies professionnelles (indicateur n°2-6-2). Ce nombre est en croissance continue depuis 2009 avec un taux de croissance annuel moyen de 22 %. Pour faire face à cette hausse des demandes de reconnaissance tout en garantissant les droits des assurés, des aménagements aux modalités complémentaires de reconnaissance ont été apportés par le décret du 7 juin 2016, permettant notamment de fluidifier l’action des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles sur les cas les plus complexes.
Graphique 4 ● Maladies professionnelles reconnues
Source : Cnam
Enfin, l’équité de la reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles est permise par une homogénéisation des pratiques des caisses primaires d’assurance maladie. Les études menées par la Cnam montrent que la dispersion des taux de reconnaissance observés dans les différentes caisses primaires est plus forte pour les maladies professionnelles que pour les accidents du travail et les accidents de trajet (indicateur n°2-7-1 et n° 2-7-2). Dans deux domaines particuliers, les accidents de trajet et les troubles musculo-squelettiques, la réduction des disparités de prise en charge par les organismes locaux fait l’objet d’un objectif national depuis 2008, qui a contribué à réduire l’hétérogénéité dans le traitement des troubles musculo-squelettiques.
Entre 2013 et 2019, la branche AT-MP a été en excédent. Il a atteint 1,0 Md€ en 2019, dans un contexte global d’amélioration du solde de la sécurité sociale. En 2020, la branche a été légèrement déficitaire (-0,1 Md€) en raison de la crise sanitaire. En 2021, le solde de la branche est redevenu excédentaire de 1,3 Md€ et a continué son amélioration en 2022 pour atteindre 1,7 Md€.
La hausse de la masse salariale de 8,7 % a soutenu la croissance des recettes (+6,7 %) alors que les dépenses ont augmenté de 4,2 %, principalement à la faveur des revalorisations successives des prestations de 1,8 % en avril 2022 et de 4,0 % en juillet 2022. Les dépenses de la branche ont également été marquées par la hausse de 0,1 Md€ du montant du transfert au profit de la branche maladie correspondant à la sous déclaration des accidents de travail. Ce montant fixé à 1,0 Md€ en 2021 a atteint 1,1 Md€ en 2022. Le montant s’établira à 1,2 Md€ en 2023, suivant ainsi en cela les recommandations du rapport triennal de la commission instituée par l’article L. 176-2 du code de la sécurité sociale qui estime le coût de la sous-déclaration.
Graphique 5 ● Solde financier de la branche
Source : CCSS 2023 pour comptes clôturés et LFRSS 2023 pour prévisions
P : prévisions
Selon les projections de la LFRSS pour 2023, le solde de la branche AT-MP atteindrait 2,2 Md€ en 2023, mais s’établirait à un excédent moindre, à 1,4 Md€ à l’horizon 2026. En effet, la loi de financement rectificative pour 2023 a inscrit deux baisses de taux de la branche AT-MP au profit de hausses miroir sur le risque vieillesse, la première en 2024 et la seconde en 2026. Le transfert opéré atteindra ainsi 1,7 Md€ à horizon 2026. Ces transferts permettront d’améliorer la situation financière de la branche vieillesse sans augmenter le coût du travail ni remettre en cause l’équilibre financier de la branche AT-MP.
La politique de prévention et de réparation des accidents du travail et maladies professionnelles peut être évaluée à l’aune des indicateurs associés aux trois grands objectifs qui lui sont assignés.
S’agissant de l’objectif de réduire grâce à la prévention la fréquence et la gravité des AT-MP, les évolutions encourageantes intervenues au cours des dernières années montrent que les politiques de promotion de la santé au travail et de réparation des risques professionnels portent leurs fruits, même si elles doivent être encore développées et poursuivies pour réduire la fréquence et la gravité des accidents et faire face aux principaux enjeux sanitaires (troubles musculo- squelettiques et affections psychiques notamment). A ce titre, les actions de prévention inscrites dans la COG 2018-2022 et dans le plan de santé au travail 2016-2020 sont de nature à renforcer l’engagement des employeurs dans des politiques de sécurité et de prévention actives. Le Plan santé au travail 4 (PST 4) a été présenté le 14 décembre 2021 en Conseil national d’orientation des conditions de Travail (CNOCT). Il vise à promouvoir la santé en milieu de travail pour améliorer l’état de santé et le bien-être des travailleurs, développer des modes de vie et de travail plus sains et aller vers un développement durable avec équité et justice sociale.
La crise sanitaire s’est traduite par une forte diminution du nombre de sinistres et le développement du télétravail, même s’il concerne essentiellement des secteurs d’activité à moindre sinistralité, ce qui pourrait avoir des effets à plus long terme sur les indicateurs.
Concernant l’objectif d’améliorer la reconnaissance des AT-MP et l’équité de leur réparation, plusieurs progrès significatifs ont été réalisés, qui devront être approfondis au cours des prochaines années. D’abord, sur long terme (au cours des vingt dernières années), un nombre croissant de pathologies ont été reconnues comme maladies professionnelles même si elles n’ont pu bénéficier de la présomption d’imputabilité à l’exercice d’une activité professionnelle. Ensuite, les pratiques de reconnaissance des AT-MP, notamment des troubles musculo-squelettiques, sont de plus en plus homogènes entre les organismes locaux. La LFSS pour 2020 a créé un fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, permettant d’améliorer la reconnaissance des pathologies liées à une exposition professionnelle à ces produits et le décret du 14 septembre 2020 instaure un tableau n°100 lié à la Covid, tout en aménageant la voie complémentaire de reconnaissance pour ces pathologies, afin de l’homogénéiser sur le territoire.
En matière d’équilibre financier, la branche AT-MP présente depuis 2013 des excédents. En 2020, en raison de la chute des recettes consécutive à la crise de la Covid-19, la branche a été en déficit, mais elle a renoué avec les excédents dès 2021 et à nouveau en 2022. Le transfert de points de cotisations patronales en faveur de la branche vieillesse réduira l’excédent de la branche AT-MP qui s’élèvera néanmoins encore à +1,4 Md€ en 2026 (indicateur n°2.8). Les dépenses devraient continuer de croitre dans les années à venir mais à un rythme moins soutenu que les recettes.